"200 mètres, c'est beaucoup"

Le traitement de zones agricoles à proximité des habitations va faire débat à l'Assemblée nationale dès la semaine prochaine. Le texte de la Loi d'avenir agricole et des amendements ajoutés par les sénateurs devraient y être discutés. En avril, ces derniers ont voté trois évolutions majeures : donner cette possibilité d'interdiction au ministre de l'Agriculture, l'étendre aux lieux à proximité des zones utilisées par le grand public ou par des groupes vulnérables et l'appliqueraux zones à proximité des habitations. Sur ces entrefaites, Ségolène Royal, ministre de l'Ecologie, a évoqué le 20 mai, une distance de 200 mètres des écoles, ce qui pourrait servir d'étalonnage vis-à-vis d'autres lieux. Dans un département comme l'Isère, la question inquiète bien sûr les agriculteurs en raison de la périurbanisation importante du département. L'exclusion de nombreuses surfaces de tout traitement phytosanitaire concerne de nombreuses zones, qu'elles soient céréalières (nord et centre de l'Isère) ou arboricole (ouest et sud-ouest).
« Dès aujourd'hui, il n'est évidemment pas question de traiter au ras des habitations et surtout il est obligatoire de le faire sans vent, commente Gilles Convert, nuciculteur. Il faut faire preuve de bon sens. Alors quand on entend parler de 200 mètres des habitations, cela me paraît inadmissible, car trop de parcelles seraient exclues et de nombreuse productions seraient condamnées. Il faut bien comprendre que les producteurs ne veulent pas traiter à tout prix, mais certains traitements sont parfois nécessaires pour assurer une récolte. Le passage du pulvérisateur nous coûte cher en temps, en matériel et surtout en produits, qui plus est, dont on connaît la nocivité pour nous-mêmes. Nous avons fait beaucoup d'efforts en une trentaine d'années, les choses s'améliorent, on s'appuie sur la faune auxiliaire que l'on voit d'ailleurs réapparaître, mais il faut rester dans des attitudes de bon sens.»
Contacté, le député François Brottes, se montre assez intransigeant : « Ces dispositions sont une suite logique du Grenelle de l'environnement voté en son temps par toutes les tendances parlementaires. L'objectif de diminuer de 50% le recours aux pesticides d'ici 2018 est un objectif qui n'est pas encore atteint, alors il n'est pas étonnant que les choses deviennent un peu contraignantes. » Le député isérois modère l'approche négative de certains : « Ce texte donne la possibilité au ministre d'interdire, ce n'est pas automatique. Celui-ci ou son représentant (le préfet, ndlr) devront l'interpréter à l'aune des réalités locales. Je n'ai pas le sentiment qu'il y aura une approche autiste de l'application.» Le député de l'opposition Jean-Pierre barbier, ne le voit pas de cette façon : « Cet ammendement est dangereux car au final, soit il y aura une distance générale précisée, soit comme d'habitude, on laissera sa fixation à la discrétion d'un décret pris par le ministre ou à celle d'un arrêté préfectoral. Dans le premier cas, on pourrait se retrouver avec des distances abberrantes (pourquoi pas 300 mètres ?) ou sujette à interpétation locale dans le deuxième cas variable selon la sensiblité du préfet aux intérêts des uns ou des autres. Cet amendement pourrait donc entraîner des distorsions entre département, source d'inéquités. Mon groupe parlementaire demandera donc sa suppression lors de la discussion parlementaire. » La député écologiste Michèle Bonneton, souligne elle aussi que « rien ne mentionne une distance dans la rédaction actuelle du texte ». Elle considère toutefois que « 200 mètres, cel paraît beaucoup au regard des contraintes périurbaines.» Elle rappelle que « la loi prévoit déjà l'interdiction de traitement par vent de force 3 (les feuilles bougent à peine) et qu'une application de mesures de bon sens - traitement le soir par exemple - peuvent suffire.» Elle insiste cependant sur la « dangerosité des produits dont les agriculteurs sont les premières victimes » et préconise « le recours à des traitements moins nocifs, tels que les PNPP*, même si cela ne fera pas palisir aux industries chimiques.»
*Préparations naturelles peu préoccupantes
Une réaction des ministres Le Foll et Royal est intervenu jeudi 19 juin