A tous les coûts, on gagne !

Fourrage, travail, tracteur : ces trois postes pèsent lourd dans les comptes d'une exploitation laitière. Si les éleveurs sont les premiers à déplorer cet état de fait, rares sont ceux qui prennent le temps de sortir leur calculette pour évaluer le coût exact de ces charges. Intervenant lors de la journée «Terres d'innovation» organisée par la chambre d'agriculture le 14 novembre dernier, en partenariat avec la fédération régionale des Cuma, Jean-Philippe Goron, conseiller à Isère conseil élevage, s'est livré à un examen minutieux des coûts d'un atelier lait en région Rhône-Alpes. Le résultat est édifiant. Pour un volume de mille litres de lait, la main-d'œuvre représente le plus gros poste (136 euros en moyenne pour 1000 litres), suivi des charges de mécanisation (118 euros) et de l'alimentation (114 euros). Mais ces coûts jouent le grand écart en fonction des systèmes d'élevage : plus importants dans un élevage spécialisé de montagne (près de 160 euros pour les charges de mécanisation en raison d'un niveau d'équipement important, de matériels spécifiques et d'un parcellaire fragmenté), ils fondent dans un système « lait et cultures » (moins de 100 euros). D'où l'intérêt de trouver des solutions pour les optimiser.
Réduction des coûts
Les agriculteurs peuvent agir sur trois leviers : les options techniques, le renouvellement du matériel et les choix de propriété. Pour le volet technique, la réduction des coûts passe par une meilleure valorisation du pâturage, un aménagement du foncier et/ou du parcellaire (regroupement, échange de parcelles...), la simplification du travail du sol ou encore l'assolement partagé. Les éleveurs se penchent également sur les questions liées à l'alimentation. De la qualité des rations à leur distribution, l'innovation permet de faire de substantielles économies, tant en rendement et en main-d'œuvre (godet dessileur, bol mélangeur, robot d'alimentation, mélangeuse distributrice...), qu'en charge de mécanisation. Une enquête réalisée par Mathieu Heurbize, des Cuma des Pays de Loire, montre par exemple que le coût de revient annuel moyen par exploitation d'une désileuse automotrice exploitée en groupe tourne autour de 18 euros pour 1 000 litres de lait avec main-d'œuvre (contre 14 € sans main-d'œuvre).
Raisons fiscales
Autre volant d'action intéressant : le rythme de renouvellement du matériel. Lorsqu'on interroge les agriculteurs sur les raisons qui les poussent à changer leur matériel (1), 40 % invoquent l'usure du matériel (le renouvellement régulier permet de limiter les coûts d'entretien) et 40% l'amélioration du travail. Il faut aussi noter qu'un tiers des tracteurs sont renouvelés pour des raisons fiscales, alors que le matériel n'est pas encore amorti. Il y a donc là des économies à faire.
Mutualiser pour innover
La troisième source d'optimisation des coûts concerne les choix de propriété. Banque de travail, achat de matériel en copropriété ou en Cuma, délégation à un entrepreneur, de multiples solutions permettent de réduire les coûts, le temps... et la pénibilité du travail. En France, une grande majorité d'agriculteurs ont le réflexe Cuma : un agriculteur sur deux adhère à une coopérative d'utilisation de matériel agricole. La mutualisation des coûts offre en effet la possibilité d'acquérir des matériels performants, innovants, dans lesquels un exploitant seul ne pourrait pas investir. « Je crois fort à la robotisation et à l'automatisation de nos tâches répétitives qui nous fatiguent, indique Philippe Morin, agriculteur dans la Bresse et membre de la Cuma de l'Ami (Automotrice mélangeuse itinérante). Si on ne met pas de la technologie dans nos métiers, on est mort. La mélangeuse automotrice en Cuma, ça a un coût, mais ça fonctionne. » Sur le plan humain, le travail en Cuma permet en effet de gagner du temps, de réaliser le travail même en cas d'arrêt (maladie, vacances, week-end...) et de faire partie d'un groupe avec lequel on peut échanger, partager, avancer. « Le seul engagement, c'est que l'agriculteur garde le service Cuma le temps de payer la machine », précise Philippe Morin. Autant d'arguments susceptibles de séduire une nouvelle génération d'éleveurs auxquels le réseau des Cuma - vieillissant - tente de faire l'œil.
(1) Enquête réalisée en 2009 auprès de 448 exploitations du réseau d'élevage bovins lait.