BIO
« Aborder la question du bio »
L’opération Bio et eau menée dans la vallée de la Bourbre est destinée à sensibiliser les exploitants à l’agriculture biologique. L’occasion pour les agriculteurs de faire part de leur vision du métier.

« Il ne s’agit pas de convaincre ni de convertir, mais de donner toutes ses chances à un exploitant qui s’interroge sur l’agriculture biologique », expose Aurélien Lequette, animateur Bio et eau, vallée de la Bourbre. Initiée à l’échelle régionale, cette initiative concerne quatre territoires traversés par des enjeux quant à la qualité de la ressource en eau et l’implication du monde agricole sur cette problématique, une urbanisation forte et croissante et enfin, la présence d’opérateurs de l’aval dans les filières locales lait, viande et céréales. Existe-t-il un potentiel pour le développement de la filière bio dans la vallée de la Bourbre ? Quels seraient les besoins du territoire ? Comment répondre aux attentes des agriculteurs et des organismes économiques ? Comment associer une démarche bio aux dispositifs existants ? Pour comprendre la position des agriculteurs sur la question de l’agriculture biologique, l’animateur s’est fixé pour objectif de rencontrer une centaine d’exploitants installés en conventionnel par an, pendant trois ans. Lors de ces entretiens individuels à bâtons rompus, c’est à la fois l’historique de l’exploitation qui est abordé, mais aussi les pratiques culturales, les projets de l’agriculteur, sa vision de l’agriculture biologique et ses besoins en information.
Cependant, les lignes des pratiques agricoles bougent depuis une dizaine d’années. « En raison surtout de motivations économiques », note l’animateur. Les agriculteurs s’intéressent ainsi de près aux conditions optimales de fertilisation et de désherbage. Les techniques alternatives sont aussi l’objet de curiosités, de même que les nouveaux modes de soins apportés aux animaux (limitation des antibiotiques, homéopathie…) Mais, leur vision de l’agriculture biologique n’est pas forcément positive. Peu de rendement, trop de technicité et pas assez d’efficacité, des contraintes et des prix consommateurs chers, une rentabilité économique non avérée : la route jusqu’à la conversion est encore longue. « Les freins sont majoritairement techniques, en raison notamment d’un déficit d’information », analyse Aurélien Lequette.
Enfin, ceux qui désirent se lancer dans l’expérimentation pourront avoir accès à des formations. « Nous sommes un relais », précise l’animateur. Généralement un agriculteur sur deux accepte de rencontrer le jeune homme dans le cadre d’échanges souvent fructueux. « Pour certains, c’est la première fois que la question du bio est abordée. C’est un travail de fond », reconnaît-il.
Lorsque l’animateur Bio et eau est venu le rencontrer, c’est sûr que Gilbert Michallet avait des choses à raconter. Il faut dire qu’il est habitué à partager sur sa pratique du métier, aussi bien avec les agriculteurs bio « qui lui apportent beaucoup », que les éleveurs intensifs « qui essaient de réduire leurs doses phyto d’un tiers et c’est bien de le faire. Les mentalités évoluent. On va vers une simplification des productions et on est obligé de travailler différemment. » Certes, le sujet est encore tabou dans certaines exploitations. Mais pour l’agriculteur, il est temps de se poser les bonnes questions, et de profiter des avancées règlementaires pour pouvoir en tirer avantage.
Le choix de la vallée de la Bourbre
Le bassin versant de la Bourbre, avec ses 88 communes, ses 180 000 habitants répartis sur 850 km2 aux portes des Lyon, ses 43 000 hectares de SAU et 1 052 exploitations agricoles dont seulement 41 en agriculture biologique et surtout, ses dix captages dans un périmètre classé intégralement en zone vulnérable et doté d’un réseau de surveillance de la qualité de l’eau, semblait approprié à la mise en place du programme Bio et eau.Sont également concernés la plaine et les coteaux du Beaujolais dans le Rhône, le plaine de Valence et de Romans dans la Drôme et la ceinture de Bourg-en-Bresse dans l'Ain.
Des tendances
« J’ai également rencontré les opérateurs économiques avals des filières viande, céréales et lait afin de comprendre leur façon de travailler et quelle était leur position au regard de la certification bio », ajoute l’animateur. Les entreprises du secteur de la collecte et de la première transformation ne travaillent pas toutes de la même façon, mais partagent quelques tendances. Toutes, par exemple, disposent d’un circuit de collecte bio. En revanche, la prudence est de mise. « Il y a eu de nombreuses conversions bio en lait et en viande jusqu’en 2013. Des produits certifiés sont arrivés sur les marchés alors que l’on assiste à un infléchissement de la demande », constate Aurélien Lequette. Aujourd’hui, le niveau des prix des produits issus de l’agriculture conventionnelle concurrence celui du bio. Les opérateurs économiques se déclarent donc prêts à accompagner des démarches de conversion en bio... mais plutôt à moyen terme.Motivations économiques
Quant aux producteurs, ils font d’abord part de préoccupations économiques, s’interrogeant sur la rentabilité de leur structure et sur la fluctuation des cours des produits. Ils sont aussi soucieux des questions foncières face à une forte pression urbanistique, mais aussi du regard porté sur l’agriculture par les nouvelles populations. L’évolution de la réglementation les interroge. Enfin, leurs perspectives ne sont pas très optimistes. Ils assistent à un effondrement de l’élevage au profit des cultures céréalières. Voient les exploitations disparaître et la population des agriculteurs ne pas se renouveler, n’osent pas s’agrandir, de crainte d’accentuer leur prise de risque, déplorent la raréfaction des démarches collectives.Cependant, les lignes des pratiques agricoles bougent depuis une dizaine d’années. « En raison surtout de motivations économiques », note l’animateur. Les agriculteurs s’intéressent ainsi de près aux conditions optimales de fertilisation et de désherbage. Les techniques alternatives sont aussi l’objet de curiosités, de même que les nouveaux modes de soins apportés aux animaux (limitation des antibiotiques, homéopathie…) Mais, leur vision de l’agriculture biologique n’est pas forcément positive. Peu de rendement, trop de technicité et pas assez d’efficacité, des contraintes et des prix consommateurs chers, une rentabilité économique non avérée : la route jusqu’à la conversion est encore longue. « Les freins sont majoritairement techniques, en raison notamment d’un déficit d’information », analyse Aurélien Lequette.
Diagnostic de conversion
Tous les agriculteurs n'en sont pas au même degré de réflexion et ne partagent pas la même vision de l’agriculture biologique ; de ceux qui rejettent toute idée en bloc à ceux qui se laisseraient volontiers tenter, en passant par les exploitants plus enclins à tester des pratiques alternatives. « Notre travail consiste à accompagner ces personnes jusqu’à la réflexion. Après, il existe des opérateurs dédiés pour les phases de conversion », déclare l’animateur. Le programme prévoit donc la mise en �"uvre d’actions de communication collectives sur l’évolution des pratiques comme sur le matériel. « Nous fournirons des éléments de comparaison objectifs ». La démarche s’appuiera sur les initiatives déjà existantes, comme le diagnostic de conversion vitrine, qui se déroulera dans une exploitation laitière du Nord-Isère dans le cadre de la quinzaine de la bio, en octobre prochain. « Nous ciblons les jeunes en installation en leur apportant l’information en lien avec l’exploitation qu’ils vont reprendre, ainsi que les filières et les marchés qui les intéressent. » Les agriculteurs plus avancés dans leur réflexion se verront proposer une information plus spécifique, la mise en place d’un système de parrainage pour favoriser la mixité entre exploitations conventionnelles et bio, des visites de fermes bio, la présentation du panel des aides auxquels ils pourraient être éligibles ou encore la mise en perspectives des initiatives existant dans le cadre de la démarche Terre et eau Bourbre.Enfin, ceux qui désirent se lancer dans l’expérimentation pourront avoir accès à des formations. « Nous sommes un relais », précise l’animateur. Généralement un agriculteur sur deux accepte de rencontrer le jeune homme dans le cadre d’échanges souvent fructueux. « Pour certains, c’est la première fois que la question du bio est abordée. C’est un travail de fond », reconnaît-il.
Isabelle Doucet
ÉLEVAGE/ L’animateur du programme Bio et eau a rencontré Gilbert Michallet, éleveur en Nord-Isère, très concerné par l’évolution des pratiques agricoles.« Il ne suffirait pas de grand chose pour franchir le pas »
« Avant de rencontrer Aurélien Lequette, je m’interrogeais déjà. J’étais déjà sensibilisé aux questions d’environnement et j’ai toujours fait des essais dans mon exploitation. Je suis installé en Gaec avec ma s�"ur et mon neveu dans la vallée de la Bourbre. J’ai un troupeau de 120 vaches allaitantes et je fais aussi de l’engraissement, ce qui représente 250 bêtes en tout », explique Gilbert Michallet, un des trois associés du Gaec de la ferme de Bellegarde, à Chassignieu. Il a toujours eu le souci de « produire propre » et conduit son exploitation toute herbe de façon raisonnée. « Je travaille beaucoup en pâturages tournants. Je n’ai pas les prairies les plus propres de la région, mais je m’en contente. La variété, c’est très bien, surtout pour les animaux. » L’exploitant valorise les fumiers et les effluents de la ferme et du coup, résout son empreinte sur la qualité de l’eau. « En plus, les légumineuses et les graminées sont en symbiose ; elles se débrouillent seules. Je n’utilise plus d’engrais chimique. Je découvre des choses tous les jours, comme l’association des graminées et des micro organismes : ce qui est étudié en laboratoire, je le constate sur le terrain. Ce qui m’intéresse, c’est mettre en �"uvre des alternatives et la partie recherche dans les pratiques culturales. J’essaie, je touche à tout, je reviens en arrière. Le bio ? Il ne suffirait pas de grand-chose pour franchir le pas, il y aurait sûrement un avantage économique, mais il y a un volet technique et agronomique très poussé. Je vends de la viande haut de gamme et j’ai l’agrément sans OGM pour vendre le broutard en Italie. Pour moi, le problème du bio est celui de l’autonomie alimentaire. J’achète beaucoup de foin car je n’ai pas de rendement suffisant sur mes sols où je ne mets que du fumier. Pour passer en bio, il me faudrait davantage de surfaces ou réduire le troupeau… »Lorsque l’animateur Bio et eau est venu le rencontrer, c’est sûr que Gilbert Michallet avait des choses à raconter. Il faut dire qu’il est habitué à partager sur sa pratique du métier, aussi bien avec les agriculteurs bio « qui lui apportent beaucoup », que les éleveurs intensifs « qui essaient de réduire leurs doses phyto d’un tiers et c’est bien de le faire. Les mentalités évoluent. On va vers une simplification des productions et on est obligé de travailler différemment. » Certes, le sujet est encore tabou dans certaines exploitations. Mais pour l’agriculteur, il est temps de se poser les bonnes questions, et de profiter des avancées règlementaires pour pouvoir en tirer avantage.
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Le choix de la vallée de la Bourbre
Le bassin versant de la Bourbre, avec ses 88 communes, ses 180 000 habitants répartis sur 850 km2 aux portes des Lyon, ses 43 000 hectares de SAU et 1 052 exploitations agricoles dont seulement 41 en agriculture biologique et surtout, ses dix captages dans un périmètre classé intégralement en zone vulnérable et doté d’un réseau de surveillance de la qualité de l’eau, semblait approprié à la mise en place du programme Bio et eau.Sont également concernés la plaine et les coteaux du Beaujolais dans le Rhône, le plaine de Valence et de Romans dans la Drôme et la ceinture de Bourg-en-Bresse dans l'Ain.