Aide Lidl aux jeunes éleveurs : coup de pouce ou coup de pub ?

A la veille des fêtes, 52 jeunes agriculteurs des Alpes du Nord (Isère, Savoie et Haute-Savoie) ont reçu un joli cadeau de Noël : un chèque de 2 000 euros accompagné d'un courrier de la MSA indiquant que ce versement correspond à « une aide financière exceptionnelle, au titre de secours à la population agricole particulièrement éprouvée par les crises ces derniers mois ».
Le courrier précise que « les fonds permettant de financer cette aide viennent de l'enseigne Lidl, qui a organisé une collecte de soutien aux agriculteurs dans ses points de vente et qui s'est engagée, à ce que soient versés aux agriculteurs en difficulté 3 centimes d'euros pour chaque bouteille de lait de ses marques achetée sur une période de 6 mois ».
Annoncée au salon de l'Agriculture l'an dernier, l'initiative de Lidl a surpris tout le monde.
« Donner l'exemple »
Dans le contexte tendu de l'époque, le distributeur expliquait alors qu'il « comprenait la colère des éleveurs » et voulait leur « montrer son soutien » en « donnant l'exemple ».
D'où le choix de faire porter l'opération sur l'un des produits les plus vendus en magasin (le lait), la somme de trois centimes étant prélevée par le distributeur sur sa marge.
Entre mars et septembre 2016, Lidl a ainsi récolté quatre millions d'euros qui ont été déposés sur un compte dédié en attendant d'être redistribués « aux agriculteurs qui en ont le plus besoin ».
Critères objectifs
Restait à définir qui pouvait en bénéficier.
Sollicitées par Lidl, les organisations syndicales - JA en tête - et la MSA ont établi une liste de critères objectifs permettant de répartir l'aide de façon à la rendre significative.
Après passage en revue des différentes filières, il a été convenu que seraient ciblés les éleveurs porcins, bovins et laitiers, âgés de moins de 39 ans, installés depuis moins de quatre ans et déclarant un revenu réel inférieur à 4 248 euros (soit 354 euros de revenus mensuels).
C'est ainsi que, fin décembre, 1 995 jeunes agriculteurs de toute la France ont discrètement reçu un chèque de 2 007,68 euros, la MSA s'étant engagée, dans le cadre du secret professionnel, à « garantir la confidentialité des données utilisées et à ne pas divulguer, notamment à Lidl, l'identité des bénéficiaires de l'aide ».
« L'aide n'est pas automatique : il faut la demander »
Sur le terrain, pas moyen de savoir qui a reçu l'aide ou pas. Aucun nom ne filtre.
Lidl affirme juste avoir reçu quelques messages de remerciement. Sa démarche n'en fait pas moins consensus.
« Tout ce qui peut permettre de répondre, même temporairement, aux difficultés des filières agricoles est bon à prendre, juge Sébastien Bismuth-Kimpe, le directeur général de la MSA Alpes du Nord. Dans mon esprit, cela ne se substitue pas à notre rôle de secours et de prise en charge. Mais c'est une approche novatrice qui nous fait avancer dans notre logique traditionnelle qui part du principe que l'aide n'est pas automatique : il faut la demander. Or un grand nombre d'assurés ne le font pas. »
Négocier les prix à la hausse
Avec l'aide Lidl, la logique s'inverse.
C'est peut-être une avancée, mais ça ne règle en rien « la vraie question » qui, du point de vue de Sébastien Bismuth-Kimpe, est celle « du prix et de l'activité économique ».
Aurélien Clavel, vice-président national des JA, va plus loin : « C'est bien de faire un geste en direction des éleveurs en difficulté. Ça a le mérite d'envoyer un message clair aux industriels en termes de transparence. Mais ce n'est pas comme cela que l'on construit une filière à long terme. »
On ne peut pas, d'un autre côté, « entretenir une guerre des prix très destructrice »
Sans viser explicitement Lidl, le militant syndical estime qu'on ne peut pas « donner un peu aux éleveurs d'un côté et de l'autre entretenir une guerre des prix très destructrice ».
Il fait également remarquer qu'industriels et distributeurs se renvoient la balle quand il s'agit de négocier les prix à la hausse.
Pour le syndicaliste, la solution passe par les contrats tripartites et la construction d'un lien fort entre producteurs et consommateurs.
Un peu comme ce qui est en train de se faire en Isère avec le pôle agroalimentaire.
Marianne Boilève