Anticiper les crises dans les alpages
Les activités pastorales bruissent de l’écho du monde d’en bas, percutées par les problématiques sanitaires, d’emploi, de prédation ou de partage de l’espace. De quoi alimenter l’Assemblée générale de la Fédération des alpages de l'Isère (FAI).

Le volet sanitaire est toujours un des thèmes les plus importants abordés en assemblée générale de la Fédération des alpages de l’Isère.
Il a donc été question de FCO et de MHE, lors du rendez-vous annuel qui s’est déroulé le 10 avril dernier à l’Alpe d’Huez. « D’autres crises sanitaires s’imposeront à nous, que nous devrons anticiper », annonçait Denis Rebreyend, le président de la FAI, dans son rapport moral.
Céline Savoyat, la vétérinaire du GDS Isère, a rappelé combien les vaccinations pour la FCO 3 et 8 sont conseillées, de même qu’il est recommandé de « booster le système immunitaire » des animaux.
L’arrivée de la MHE reste encore incertaine en Isère. « On sait que ça va arriver », indique Françoise Hugon de la DDPP (1). La maladie est présente dans le Sud-Ouest et l’arrivée d’un animal de négoce dans la région peut précipiter les choses.
Si la maladie explose cet été, il n’est pas certain que les vaccins soient disponibles… Toujours la même difficulté d’approvisionnement.
À noter que la communauté de communes du Trièves a mis en place une aide pour la vaccination des animaux (de 20 % à 50 % de prise en charge).
Si les alpages de l’Isère sont en zone indemne de MHE, la vigilance est de mise car des alpagistes peuvent venir de zones régulées. Dans ce cas, les bêtes doivent être désinsectisées et testées PCR 14 jours après leur arrivée
Le GDS en profite pour rappeler qu’il propose un kit alpage pour la montée et la descente des bovins. Il propose aussi un test pour la gale sur ovins et caprins.
La demande de transhumance pour les ovins-caprins doit se faire 15 jours avant la montée en alpage. Pour les bovins, la déclaration se fait via Boviclic ou la chambre d’agriculture.
Accueillir les bergers
Un autre vaste sujet est celui des conditions d’emploi et d’accueil des bergers qui sont de plus en plus nombreux dans le cadre de la mise en place des mesures de protection des troupeaux contre la prédation lupine.
Halima Khattab, de la Ddets (2), a fait état de certains équipements de base pour les logements.
« La responsabilité du logement relève de l’employeur », a-t-elle précisé, même si les communes sont le plus souvent propriétaires.
Une literie en bon état, des raccordements de gaz vérifiés, de l’eau potable font partie des incontournables, le mieux étant de faire un état des lieux à l’arrivée du berger.
« Cela peut faciliter les relations entre l’éleveur, le berger et la commune », suggère la fonctionnaire.
L’employeur doit aussi fournir gratuitement des équipements de protections individuels. Il n’existe pas de liste, mais une bonne paire de chaussures de montagne, des vêtements de travail contre le froid et la pluie et des équipements pour le soin aux animaux, le tout en bon état, sont indispensables.
Quant à la durée de travail, elle doit faire l’objet d’un décompte horaire afin que les heures supplémentaires au-delà 35 heures soient payées en tant que telles, déduction faite des pauses et des temps de repas.
La représentante de la Ddets conseille de « s’assurer régulièrement de ce qui se passe », un rythme hebdomadaire semble pertinent.
La discussion entre l’éleveur et le berger est aussi de mise en cas de désaccord. Il apparaît qu’en raison de la fluctuation des horaires, un forfait heure est mieux adapté (que le forfait jour) au travail du berger.
Le contrat de travail doit clairement établir les conditions d’emploi afin de limiter les litiges. La commission emploi de la FAI propose d’élaborer un DUER type (pour la conduite de troupeaux ovins et bovins) ainsi qu’un livret d’accueil pour les bergers en alpages.
Renouvellement des plans pastoraux
Dans le cadre de la politique de soutien du Département de l’Isère au pastoralisme, il est rappelé que des aides à hauteur de 75 % de financement peuvent être octroyées pour différents travaux : débroussaillages, cabanes, eau, accès etc.
En 2025, 20 projets ont été validés pour un montant de 240 000 euros. Les plans pastoraux territoriaux connaissent une importante phase de renouvellement en 2026.
« Nous devons préparer les 5 années à venir et faire entendre notre voix », a déclaré le président de la FAI. Ces plans bénéficient de cofinancements de la Région et de l’Europe pour des projets d’améliorations pastorales. Un nouveau PPT, sur le territoire de Saint-Marcellin Vercors Isère communauté devrait être créé.
Par ailleurs, le dispositif bergers d’appui, lancé l’an passé avec l’aide du Département de l’Isère et le concours de la MSA, est reconduit en 2025.
La FAI espère que deux salariés pourront être recrutés, notamment parce que le parc national des Écrins est demandeur de 50 jours de travail. Juliette Fortunier sera de nouveau à pied d’œuvre.
La FAI demande que les besoins lui soient communiqués suffisamment tôt. L’an passé, le service a ouvert du 1er juin jusqu’à fin septembre. Agriemploi38 est l’employeur de ces berger(re)s.
Isabelle Doucet
(1) DDPP : Direction départementale de la protection des populations
(2) Ddets : Direction Départementale de l’Emploi, du Travail et des Solidarités
La montagne ne veut pas subir

Confrontés à différents enjeux de fréquentation et de changement climatique, les alpagistes tentent de tirer parti d’une montagne qui se réinvente.
« Si l’activité pastorale ne fait que subir, elle ne s’en sortira pas », déclare Bruno Carraguel, le directeur de la FAI pour lancer le débat sur le thème de l’intégration du pastoralisme dans les transitions des territoires de montagne.
Il poursuit : « La mutation climatique perturbe les stations de basse altitude et requestionne l’économie de montagne. » Capacité d’accueil, mission de l’espace montage et lien entre ville et montagne ont nourri les réflexions des alpagistes.
Arnaud Chattard, vice-président de la Communauté de Communes de la Matheysine délégué au tourisme et maire de Lavaldens, a témoigné de la situation de la station de l’Alpe du Grand-Serre, dont « le modèle économique n’est plus fonctionnel ».
Il décrit « une station rurale » dont le personnel est constitué d’agriculteurs et de familles d’agriculteurs, l’activité neige représentant « un vrai complément de revenu ». L’équation imaginée par les gens du plateau serait de reporter le flux important de fréquentation du Taillefer, « un site à protéger », vers « une montagne déjà aménagée », c’est-à-dire la station et son potentiel.
Accueillir 16 000 personnes en hiver représente une « très bonne saison », mais en accueillir autant en été « pose d’autres questions » assure l’élu.
C’est notamment celle de la ressource humaine car « il y a du travail à assurer toute l’année », mais aussi celle des conventions de passage qui sont plus difficiles à gérer en été qu’en hiver lorsqu’il y a de la neige.
« Comment réinventer l’économie de montagne et gérer tous ces petits paramètres ? » interroge Arnaud Chattard.
La FAI avait invité une délégation des Vosges pour présenter « la logique des fermes auberges, outil de développement agropastoral et touristique ».
Pas moins de 42 établissements travaillent de concert avec le PNR du Ballon des Vosges et les acteurs du tourisme.
Le but : organiser les balades autour des fermes et sensibiliser le public aux enjeux du pastoralisme.
Invitée, Patricia Andriot, Commissaire à l’aménagement au massif des Vosges, défend « une montagne préservée et habitée » et la « voie médiane » de l’agropastoralisme.
Max Vincent, présent pendant 43 ans sur l’alpage de la Molière dans le Vercors en tant que berger puis aubergiste, a tenu à partager son expérience de dialogue avec les touristes.
« Le public comprend que le pastoralisme n’est pas un folklore mais une activité économique, et a besoin d’échanges avec le monde agricole. Les gens sont prêts à accueillir un autre discours que celui que l’on entend dans la presse nationale. »
Florent Salvi estime pour sa part que les solutions existent déjà, « la pluriactivité existe depuis toujours, mais il faudra une application plus systématique des solutions ».
Denis Rebreyend, constate cependant qu’il y a « beaucoup de consommateurs de milieu, cela crée des déséquilibres ou des problèmes d’incivilité grandissants ».
Il observe « un virage rapide » qu’il convient d’anticiper. « La montagne est notre passé et notre avenir », déclare-t-il.
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En bref
Appel à bénévoles
Le Festival pastoralismes et grands espaces se déroulera à Grenoble du 16 au 19 octobre. Organisatrice, la FAI a besoin de bénévoles pour la réussite de l’événement (quelques heures ou quelques jours).
Contact : 04 71 76 10 20 ou 06 25 35 88 06 (en indiquant ses coordonnées) ou festival@alpages38.org
Héliportages
Les héliportages groupés pour les alpages ne bénéficiant pas d’accès suffisants au regard des charges à transporter auront lieu :
- le 3 juin pour le Vercors-Trièves
- le 12 juin en Chartreuse
- le 17 juin en Belledonne
- le 19 juin pour le parc des Écrins
- le 26 juin pour Emparis Eau d’Olle
Bourse d’emploi des bergers
Bergers à la recherche d’un emploi, employeurs à la recherche d’un candidat, un seul site : www.emploi-bergers.org