Atouts et limites des techniques d'aspersion

En matière d'irrigation, tout est question d'équilibre. Pour déterminer les besoins en eau, les nuciculteurs de notre région, faute de sonde, font leur estimation à l'œil. Ce qui explique qu'ils choisissent des systèmes d'irrigation plutôt « visuels ». C'est ce qui ressort de plusieurs témoignages échangés lors de la journée technique sur l'optimisation de l'irrigation en verger de noyers, organisée par la Senura à Chatte le 18 juillet.
L'intérêt d'un dispositif visuel est qu'il est facile à gérer. « La gestion du goutte-à-goutte est plus complexe techniquement, témoigne Jean-Pierre Gillibert. C'est une jolie équation avec plein de paramètres. » Installé à Chatte, ce producteur de noix a troqué un dispositif de goutte-à-goutte enterré pour un système par aspersion. « C'est plus simple à piloter et le contrôle du fonctionnement est plus facile », estime-t-il. Selon une enquête conduite par la Senura, plus de la moitié des nuciculteurs irrigants ont fait un choix identique. A juste titre, car l'aspersion est simple à mettre en pratique et donne de bons résultats. Elle permet en effet de couvrir l'ensemble du verger et de distribuer l'eau comme s'il pleuvait, mais elle exige une bonne disponibilité de la ressource en eau.
Mini ou micro-aspersion ?
Reste à choisir entre l'aspersion classique et la micro-aspersion. La première n'est pas trop exigeante en termes de filtration, mais la taille des gouttes peut provoquer un tassement du sol. Le système présente également un risque de ruissellement, et donc de flaquage. Problème en partie résolu avec la mini-aspersion (très utilisée en châtaignier), et plus encore avec la micro-aspersion qui concentre l'eau sur le rang, et donc sur le volume racinaire.
En face du verger de Jean-Pierre Gillibert, la station expérimentale irrigue justement l'une de ses parcelles en micro-aspersion pendulaire. Véritable compromis entre le goutte-à-goutte et l'aspersion classique, ce mode d'irrigation présente des avantages certains (faible débit à l'hectare, gouttes fines, adaptation à différents types de sol, conduite moins technique que le goutte-à-goutte...). Mais le système a aussi des limites : il est plus exigeant en termes de filtration et les arroseurs sont fragiles, voire sensibles au bouchage.
Eviter le ruisssellement
Venu de Châtillon-Saint-Jean, dans la Drôme, Jean-Baptiste Vye examine l'installation de la Senura avec intérêt. Il cherche une solution pour irriguer ses noyers tout en évitant le ruissellement sur ses parcelles. La micro-aspersion pendulaire le séduit, mais il redoute que les guêpes de terre ne s'installent dans les aspergeurs. Le producteur, qui tient à souligner que les irrigants n'utilisent pas d'eau potable, s'interroge aussi sur la résistance de l'installation face aux UV, surtout dans les jeunes noyeraies. Il se dit également freiné par la question du coût. « Chez nous, l'eau est très limoneuse et nous avons des petites parcelles de 25 à 30 ares dans les coteaux, explique-t-il. Nous n'avons pas la rentabilité nécessaire pour justifier une grosse installation avec filtration... »
Même s'il existe différents systèmes plus ou moins onéreux (à tamis, à sable ou à disque), la filtration est souvent ce qui fait hésiter les agriculteurs. Benoît Villard, producteur bio à Hostun, trouve que « c'est délicat. Si on a de l'eau limoneuse, la filtration à la parcelle est complexe ». Le nuciculteur préfère l'aspersion classique, car « il y a moins de casse et moins de jets à l'hectare, donc moins de gêne à la tonte et au débroussaillage ».
Confort de travail
D'autres se sont convertis au pendulaire et ne le regrettent pas. Certains expliquent que c'est pour « vivre avec leur temps », d'autres pour se simplifier la vie. C'est le cas de René Cluze. Producteur bio à Saint-Lattier et jusqu'alors équipé, comme beaucoup, de tuyaux au sol qu'il relevait chaque fois que nécessaire, il vient d'installer un système pendulaire sur un tiers de ses parcelles. « J'en avais assez de déplacer les enrouleurs ! » Le dispositif fonctionne avec un système de filtration à lamelles. « Bien sûr, ça représente un gros investissement à la base, mais je vais y gagner en temps et en confort de travail », indique le producteur. S'il précise bien que « le plus cher, c'est le filtre », il n'est pas facile pour autant d'estimer le coût moyen d'une telle installation. « A chaque fois, c'est du sur-mesure », déclare le représentant d'une grande marque qui se refuse à donner une fourchette de prix. Les paramètres de calcul à prendre en compte (parcellaire, ressource disponible, qualité de l'eau, système de filtration...) sont trop nombreux, justifie-t-il.
Marianne Boilève
Recherche / Optimiser l'irrigation en verger de noyer
