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Autonomie

Autonome à domicile

Que l'on soit âgé ou handicapé, la perte d'autonomie est bien plus compliquée à résoudre en milieu rural qu'en ville. Mais des solutions existent, combinant aide humaine et recours aux nouvelles technologies.
Autonome à domicile

Perchés sur leur colline au-dessus de Sainte-Anne-sur-Gervonde, au bord d'un chemin fréquenté par quelques randonneurs (à la belle saison), Jeanne et Joseph auraient sans doute dû quitter la ferme familiale sans les petits coups de main venus de l'extérieur : la visite quotidienne du facteur, celle de l'aide ménagère ou du boulanger (une fois par semaine) et parfois celle du livreur de Toupargel. « Nous sommes un peu isolés, surtout l'hiver », avoue Joseph, 87 ans et l'air en avoir 10 de moins. Dans la tête, ça carbure. Abonné à une foule de journaux, le « cultivateur » à la retraite est au courant de tout, y compris de ce qui se passe dans le système solaire. Le problème, ce sont les jambes : « C'est qu'avec mes quatre prothèses, je ne suis pas leste... » Certes, il fait encore son jardin et se « débrouille pour la toilette », mais la présence de l'aide ménagère deux fois par semaine simplifie la vie. Sa femme Jeanne, 82 printemps, confirme sans s'appesantir. « La première fois que la dame est venue, reprend Joseph, c'est comme si elle connaissait tout. Ah, elle n'est pas empotée ! »

Aide sociale

Comme milliers de personnes âgées en perte d'autonomie, Joseph bénéficie d'une allocation personnalisée d'autonomie (APA) pour financer des heures d'aide ménagère dont il a besoin. Dispensée par le conseil général, cette aide a été attribuée en fonction de ses capacités et de son degré de dépendance (que peut-il faire seul totalement, partiellement ou pas du tout ?). C'est à la suite d'une opération de la hanche que l'ancien agriculteur, immobilisé, a pris connaissance de ses droits: « Nous n'étions pas au courant. C'est une aide ménagère qui venait à la maison qui m'a parlé de l'aide sociale. » Joseph a donc fait une demande d'APA (1), et l'a obtenue après la visite à domicile d'une référente médico-sociale du conseil général.

Chef de file de l'action sociale, le département coordonne en effet les actions en termes d'autonomie. Il développe notamment une politique volontariste à destination des Isérois souhaitant rester à leur domicile, qu'il s'agisse des personnes âgées de plus de 60 ans ou des personnes en situation de handicap (2). Mais en milieu rural, cette détermination a ses limites. « Nous manquons d'infrastructures, reconnaît Christine Bacouet, conseillère technique à la Maison départementale de l'autonomie. Il existe des déserts en Isère, notamment en termes de transport ou de personnel infirmier. » Et quand les personnes en perte d'autonomie ne se voient attribuer qu'une quinzaine de kilomètres d'aide au déplacement (aller-retour), l'équation est loin d'être simple. Chantal Badin, présidente fédérale de l'ADMR Isère, le plus important réseau départemental d'associations prestataires de service à domicile, atteste : « Dans un département comme le nôtre, le problème, c'est l'éloignement des villages et des fermes entre elles. Mais aussi les condition météorologiques : nous sommes dans une région un peu montagneuse. Quand il neige ou que les routes sont verglacées, il faut quand même aller aider les personnes pour leurs besoins quotidiens. »

Indispensable aide humaine

En effet, même s'il existe aujourd'hui un bon nombre de technologies permettant d'assurer un suivi à distance (téléassistance, téléalarme...), l'aide humaine reste indispensable. Pour des raisons évidentes de soutien dans les actes de la vie quotidienne (l'ADMR assiste ainsi près de 9 500 personnes âgées ou handicapées), mais aussi pour maintenir des relations sociales et jouer le rôle de « vigie », comme le dit joliment Anne Charron, chef de service autonomie du conseil général pour le territoire « Porte des Alpes » : « Souvent, quand nous venons pour la première fois, la personne se fait déjà un peu aider. Nous lui suggérons d'aller un peu plus loin, mais c'est toujours en fonction de ce qu'elle exprime. » Un rôle tout en retenue, qui demande un posture attentive, une bonne connaissance de la réglementation en vigueur et un certain sens de l'observation : « Il faut parfois aller au-delà de ce que la personne déclare, entendre ce qui ne peut pas se dire, explique Anne Charron. Quelqu'un qui prétend se débrouiller seul, il faut s'en assurer, sinon nous passons à côté de notre mission. Il faut savoir poser des questions un peu indiscrètes, de l'ordre de l'intime souvent, mais toujours avec bienveillance, respect et pudeur. » Parce que reconnaître que l'on a besoin d'aide est parfois bien plus difficile à vivre que le handicap lui-même.

Marianne Boilève

(1) La demande doit être faite via les CCAS ou les mairies : les dossiers sont à retirer et à remettre à la commune du domicile du demandeur.

(2) Les personnes lourdement handicapées peuvent percevoir la prestation de compensation du handicap (PCH), qui couvre l'aide humaine, l'aide technique (y compris l'aide animalière), ainsi les aides liées à l'aménagement du domicile ou du véhicule.

Difficultés inavouées

Les entretiens conduits à domicile par les acteurs sociaux permettent de déceler des difficultés inavouées et de suggérer des aides : d'abord un peu de ménage, un accompagnement aux courses, puis, quand la confiance est installée, une aide à la toilette. Les référents peuvent également proposer des aides techniques ou des petits aménagements intérieurs. C'est ainsi par exemple qu'une personne qui ne peut plus entrer dans sa baignoire peut se voir proposer une subvention pour rénover sa salle de bain et installer une douche à l'italienne, plus accessible. Une demande que la personne n'aurait sans doute jamais osé formuler elle-même. Les professionnels le savent bien qui remarquent, qu'en milieu rural, on est « dur à la douleur », surtout chez les personnes âgées qui ont l'habitude de « faire avec » et éprouvent des difficultés à accepter l'aide. Peur du regard des autres, du qu'en dira-t-on... Nathalie Curt, référente médico-sociale autonomie au conseil général, constate, notamment dans le monde agricole, qu'« il y a beaucoup de présence et de solidarité, mais ce n'est pas forcément choisi : les enfants ont été élevés dans l'idée qu'ils devaient secours et aide à leurs parents. Cela pèse parfois lourd dans les relations. » Surtout quand les parents ont cédé leur exploitations à leurs enfants. Les mentalités n'évoluent pas aussi vite que les technologies...
MB
 

L'autonomie intelligente

La technologie ne fait pas tout, mais elle soulage beaucoup. Surtout quand elle vient en soutien à l'aide humaine. C'est ce qu'a bien compris l'association Tasda (Technopôle Alpes, santé à domicile et autonomie). Créée conjointement par le CHU de Grenoble le pôle de compétitivité Minalogic, Tasda est chargée de mettre la technologie à la portée de personnes en perte d'autonomie. Elle a notamment mis au point une "vtirine mobile" permettant de présenter à domicile ou en séances d'animation collective les différentes solutions technologiques de soutien à domicile (systèmes et services de détection et d'alerte en cas de chute, géolocalisation des personnes présentant des troubles de désorientation, solutions domotiques pour adapter l'habitat...). Autre projet dans lequel s'est investi Tasda : Autonom@Dom. Impulsé par le conseil général, ce dispositif en cours de développement offrira aux persones en perte d'autonomie un bouquet de services en téléassistance, télésanté et télémédecine.
MB