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Gastronomie

Bon, bio, local et abordable

Ils ont cuisiné bio, local et bon marché. A Allevard, trois équipes ont relevé le défi lancé par l'Ageden de réaliser un menu avec la plus faible empreinte écologique. Et c'était bon.
Bon, bio, local et abordable

Ils ont succombé à la Volaille en millefeuille d'automne. « Du moelleux et du craquant auxquels s'ajoute la texture de la chair de la viande, le tout sublimé par le gras du fromage de chèvre et dans le respect du cahier des charges », témoigne Julien Ducrotois, membre du jury du concours de cuisine locale, Le climat dans nos assiettes, organisé par l'Association pour une gestion durable de l'énergie (Ageden), dimanche à Allevard. Le lycée professionnel du Bréda accueillait trois équipes de cinq personnes pilotées par un chef cuisinier professionnel, qui ont réalisé, en une matinée, un plat et un dessert, avec pour mission de dégager l'empreinte écologique minimum. Les critères d'évaluations étaient gustatifs, environnementaux, budgétaires et esthétiques. Les écarts de CO2 entre les équipes se sont révélés modestes, mais certaines ont pris le parti de la plus petite boucle d'approvisionnement, tandis que d'autres ont confectionné des plats de très grande qualité gastronomique.

Les lauréats ont été récompensés pour leur performance gastronomique et environnementale.

Délices d'automne

C'est la première fois que l'Ageden organisait ce type de manifestation en Isère. A travers le concours culinaire, l'agence développe ainsi une nouvelle forme de sensibilisation à l'empreinte énergétique. Le succès de ce coup d'essai est surtout à attribuer à la maîtrise des restaurateurs, qui travaillent déjà dans le bio et/ou le local, et ont pu faire la promotion de cet art culinaire. Le jury, composé de quatre membres, a attribué trois prix, tandis que le public, une cinquantaine de personnes venues soutenir les équipes, a donné son coup de cœur.
Le prix du plat salé et le coup de cœur du public est donc revenu à la Volaille en millefeuille préparée par Les Massalas, menés par le chef de l'Arbre fruité, un restaurant associatif grenoblois adossé à l'association Solidarité femmes. Le dessert retenu est les Délices d'automne proposés par les Bio-men et Super-mamie de Bourgoin-Jallieu, qui ont concocté des pommes forestières au caramel assorties de financiers aux noisettes et d'une chantilly à la cannelle. Enfin, le prix environnement est revenu aux Bartavelles, autour de Thomas Sibille de l'Aubergerie à La Ferrière, qui avec un Filet mignon au miel et aux délices de la terre ainsi que les Poires pochées aux saveurs d'automne, ont réussi à ne pas dépasser un périmètre d'approvisionnement de 14 kilomètres !

Moins de 50 grammes de CO2

Une règle du jeu respectée à la lettre : fruits et légumes de saison en approvisionnement local.

Une fois réunies, les équipes ont eu un mois pour se préparer, dresser leur menu et faire connaître leurs fournisseurs à l'Ageden afin que l'agence convertisse les ingrédients dans leur poids en CO2. En moyenne, les plats pesaient entre 400 et 500 grammes de CO2 et le rayon des fournisseurs oscillait à moins de 100 kilomètres. Les Bartavalles allevardines se sont distinguées par leur dessert qui ne pesait pas plus de 50 grammes (contre environ 150 grammes pour les autres). « J'ai été surpris par la variété des saveurs que l'on peut rencontrer en cette période hivernale, poursuit Julien Ducrotois, responsable du pôle sensibilisation de l'Ageden. C'est un exercice intéressant, qui force à la créativité ». Les topinambours ont été à l'honneur, de même que le potiron, les betteraves, les épinards, les carottes et les morilles. Côtés fruits, les concurrents ont fait avec des pommes, des poires, des noix et des noisettes. Bon, local et bon marché, les trois équipes ont donc relevé le défi haut-la main, dans une ambiance qui était plus à la convivialité qu'à la rivalité. L'Ageden songe déjà à la prochaine édition en 2015, en plus grand.

Isabelle Doucet

La contrainte a forcé chaque équipe à la créativité.

 

Un plat à deux euros

Côté candidats, ils sont tous prêts à repartir. « Nous portons le même plaidoyer. Nous sommes un restaurant bio d'origine », déclare Marie-Danielle Badin, du restaurant Les navettes bio à Bourgoin-Jallieu. Certains l'appellent Mamie Bio ou Super mamie. « Nous défendons les économies d'énergie et le développement durable à travers les produits que nous préparons, car c'est une autre façon de cuisiner lorsqu'il s'agit de bio.» Accompagnée de quatre jeunes, la restauratrice a proposé une Quenelle de volaille et sa palette de légumes et l'équipe a été lauréate pour son dessert, Délices d'automne. « Nous travaillons dans le respect des prix payés aux producteurs pour un prix de revient à l'assiette étonnamment bas. Nous ne nous sommes pas mal débrouillés avec un plat à deux euros ! » La restauratrice s'approvisionne directement chez les éleveurs et les producteurs, dans un rayon de 80 kilomètres, puisqu'elle va chercher les agneaux dans la Drôme. Elle est également associée à Gilles Douillet, éleveur bio à Saint-Marcel-Bel-Accueil. Si le concours Ageden donne un peu plus de visibilité à son activité, c'est aussi l'occasion de découvrir des potentiels comme le jeune Florent. « On lui doit le prix pour la réalisation du dessert et il n'a pas de travail, c'est une anomalie », regrette la restauratrice. Un dessert qui comptait une crème chantilly réalisée avec de la crème issue directement du pis de la vache du Gaec de l'Abreuvoir à Saint-Sorlin-de-Morestel et offrant un velouté d'exception.
Contraintes et créativité
L'équipe s'est réunie deux fois pour préparer le concours et la motivation de chacun a permis à tous de se dépasser. Les Allevardins ne se sont pas rencontrés plus souvent. « C'est une expérience humaine sympathique, reconnaît Thomas Sibille, qui pilotait l'équipe locale. « Au quotidien, l'Aubergerie se fournit en majorité en produits locaux, mais l'Ageden a poussé le bouchon plus loin. Nous avons été séduits par le côté extrême de composer un plat et un dessert uniquement avec des produits du coin. Heureusement, nous avons la chance que ce secteur se soit beaucoup développé en agriculture avec des petits exploitants qui dégagent de la valeur ajoutée de leur vente directe », poursuit l'ancien éleveur. L'équipe des Allevardins a donc pris la consigne au pied de la lettre. Pas de sucre mais du miel, d'accord. « Mais ça a coincé quand nous n'avons pas pu nous fournir en beurre dans le coin. L'alternative a été l'huile de noix et le saindoux », explique l'aubergiste, heureux de transformer les contraintes en créativité. « J'aime bien les challenges dans la vie. C'est un pari qui met en valeur des choses auxquelles je tiens dans le cadre de mon travail ».
ID