Caroline Snyers, restauratrice trois étoiles

En janvier dernier, lorsque Caroline Snyers réceptionne deux toiles de Bellet du Poisat dans son petit atelier de Crémieu, elle n'a jamais entendu parlé du maître berjallien.Tout juste sait-elle que le musée de Bourgoin-Jallieu prépare une grande rétrospective, la première du genre. Complice du musée depuis des années, la restauratrice s'attèle rapidement à la tâche. Sa mission : nettoyer deux toiles, Péniches, acquisition toute récente du musée, et Port au clair de lune, prêté par un collectionneur privé.
Les deux tableaux ne sont pas en très bon état. Longtemps négligés (l'un d'entre eux a été retrouvé dans un grenier?), ils comportent des «alterations accidentelles» dues au manque de soin ou à des variations d'hygrométrie. Dans le calme de son petit atelier, à peine troublée par le chant des oiseaux, la restauratrice commence par observer longuement chaque toile. De ce premier examen sera tiré un « constat d'état », puis posé un diagnostic : les peintures sont encrassées, le vernis a jauni, l'une d'entre elles comporte une petite déchirure, mais rien de bien grave. Comme alors la phase délicate du nettoyage.
Le nettoyage, une opération stressante
Après avoir dépoussiéré la toile, Caroline Snyers réalise des tests sur la « crasse » (est-elle maigre ou grasse ?) afin de déterminer le solvant adéquat. Premier décrassage à l'eau déminéralisée pour enlever la couche superficielle, puis application progressive des solvants... Il faut agir prudemment, avec circonspection. « Le nettoyage est un opération stressante, car c'est là que l'on peut faire des bêtises. Sur Les Péniches par exemple, je suis tombée sur un glacis qui était de la même composition que le vernis. C'est un piège... Si je ne l'avais pas compris, j'aurais pu faire disparaître la coque d'un bateau. » Il faut donc prendre son temps, observer, s'arrêter, reprendre, vérifier chaque fois avec une lampe à UV la nature des couches... Un travail émouvant, qui évoque celui de l'archéologue. Des modifications apparaissent, des coups de pinceaux également, qui ressemblent à des «déplaçages», des zones de reprise. « Quand on a enlevé la crasse, on retrouve beaucoup de monde, on découvre la tête des personnages, le tableau gagne en profondeur », raconte Caroline Snyers.
Le résultat est souvent spectaculaire. Le vernis de protection, devenu jaune, a disparu, la palette apparaît plus franche. « Avec l'allègement du vernis, on retrouve une palette plus froide, on a l'impression d'être en accord avec ce que le peintre a voulu. » La restauratrice découvre également des « repentirs », ces corrections faites au cours de l'exécution du tableau, comme cette lune abaissée deux fois dans Le port au clair de lune. « Le but de l'allègement, c'est que les gens se régalent », explique sobrement la restauratrice. Objectif atteint.
Marianne Boilève
Alfred Bellet du Poisat (1823-1883), du romantisme à l'impressionnisme
Au musée de Bourgoin-Jallieu, 17 rue Victor-Hugo, jusqu'au 24 août. Tel : 04 74 28 19 74.Exposition ouverte du mardi au dimanche (sauf jours fériés), de 10 h à 12 h et de 14 h à 18 h.Dépliants d'aide à la viste mis à disposition des adultes et des enfants. Espace «Joue avec Alfred» dédié aux enfants au deuxième étage (découvertes, coloriages, jeux, seul ou en compagnie des parents).Nuit européenne des Musées samedi 17 et dimanche 18 mai : à l'occasion de Musées en fête en Isère, les familles peuvent visiter l'exposition sous la forme d'un jeu de piste. Munies d'un livret, les équipes sont autonomes et doivent résoudre des énigmes portant sur les œuvres exposées.
Samedi de 19h00 à 21h00
Dimanche de 14h30 à 17h30
Durée du jeu de piste : 1h environ
Entrée libre - Samedi, pour la Nuit des Musées, l'exposition est en accès libre jusqu'à 23h00