La nature est dans tous ses états pour la quatrième édition des Détours de Babel, le festival des musiques nomades qui irradie ses sonorités originales au-delà de Grenoble, dans de nombreuses communes du département. Plus de 80 spectacles et une quinzaine de créations inviteront le spectateur à la découverte de sonorités inédites ou insolites, à l'image des Voix nomades, un incontournable du festival, qui provoque la rencontre entre le chant mongol et les polyphonies sardes. L'église du Mottier accueillera ce moment exceptionnel, nourri de l'émotion que dégage le mariage des altos et des basses.

Un principe anime les organisateurs du festival, le Centre international des musiques nomades (CIMN) : que les spectacles joués à Grenoble le soient aussi dans les autres salles du département. C'est aussi un héritage de la fusion du Grenoble jazz festival et des 38e rugissants, manifestations fortement ancrées dans les territoires. Mais depuis deux ans, la demande est croissante de la part de certains partenaires du festival, comme la communauté de communes de Bièvre Isère, le centre social des Pays du Guiers ou l'Agence iséroise de diffusion artistique (AIDA). « Nous n'arrivons pas dans les communes avec seulement un concert, mais nous voulons offrir une journée complète », souligne Stéphanie Scaringella, responsable de la communication. Des ateliers, des débats, des rencontres entourent les spectacles. Les écoles, les réseaux associatifs et sociaux sont mobilisés autour de la découverte de ces nouvelles cultures.

Sons bruts

Cosmopolite et multiforme, le festival Les Détours de Babel a su s'assurer de solides partenariats en tant que centre de création. Des créations dont le CIMN se charge de la diffusion à l'échelle internationale. C'est le cas de Clima(x), un concert-documentaire, dirigé par Pierre Badaroux, où se mêlent les voix des experts du climat, des publicités, des archives sonores, mais aussi des paroles de Jean Giono ou de Jim Harrisson, avec des mélodies et des improvisations musicales. A découvrir au Pont-de-Claix. A Eybens, le Grand orchestre de la nature de Bernard Fort livre des sons bruts, ceux que depuis quelques années des « audionaturalistes » chassent avec leurs micros tout autour de la planète, pour offrir à la composition musicale des sonorités perdues, oubliés, inconnues.

Les premières françaises côtoient les créations, comme celle des Québécois du quatuor Molinari qui réinterprète Ana Sokolvic et Raymond Murray à l'église de Massieu, et sont accompagnés de leur compatriote et pianiste Louise Bessette. Cette grande spécialiste d'Olivier Messiaen donnera également à l'église de Saint-Théoffrey un récital piano solo « Autour des oiseaux », tout en sensibilité et avec l'enthousiasme de la « belle province ».

Lames vibrantes

Le festival, ce sont aussi des aventures incertaines, des problèmes où la géopolitique ne joue par forcément dans le camp de la musique intercontinentale. Le directeur du CINM, Benoît Thieberghien, a ainsi dégagé des trésors de persévérance pour pouvoir faire venir les musiciens pygmées Aka de la Centrafrique. Injoignables durant des semaines, endeuillés, ces musiciens polyphoniques, qui chantent la forêt, la chasse et leurs légendes seront tout de même au rendez-vous à Saint-Christophe-de-la-Grotte. Le tour de territoire ne serait pas complet sans une rencontre avec José le Piez, l'inventeur des Arbrassons, sculptures sonores issues d'un bloc de bois entaillé de lames vibrantes, aux sonorités profondes et aériennes, qui donnera un concert avec Patricia Châtelin à Saint-Chef. C'est aussi le cinéaste naturalise Jean Painlevé qui donnera matière à des orchestrations très baroques signées Denis Charolles autour de « Poulpes et diatomées , revêtues de voix, de harpes, de hautbois, percussions ou trombone.

Le festival Les Détours de Babel est ambitieux dans ses choix, accompli dans sa programmation et durable dans sa diffusion. Parce qu'il génère des ateliers, des rencontres, des créations et mêmes des chantiers où sont mis de nombreux moyens techniques et humains à disposition de jeunes créateurs, il s'inscrit dans un temps bien plus large que les trois semaines de spectacle. C'est un festival différent et innovant. Pour ceux qui voudraient faire un saut à Grenoble, le spectacle Genèse, une création de l'Orchestre symphonique de Lyon, présenté à la MC2,  proposera, aux spectateurs, dans sa dernière partie, de jouer des sons avec leurs smartphones au moyen d'une application préalablement téléchargée. Le chef d'orchestre Pascal Rophé aura à charge de diriger cette œuvre participative.

Isabelle Doucet

Le festival en Isère

Arbrasson, quand le bois chante... Performance de José Le Piez et Patricia Châtelain, vendredi 28 mars à 20h, église d'Arcisse à Saint-Chef.

« Poulpes et diatomées» , musiques improvisées de Denis Charolles, mardi 1er avril à 20h, salle des fêtes de Balbins.

Quatuor Molinari, œuvres contemporaines, jeudi 3 avril à 20h, l'église de Massieu.

Voix nomades, Cuncordu E Tenore de Orosei, Ts. Tsogtgerel & G. Nergui, musiques traditionnelles, samedi 5 avril à 19h, à l'église du Mottier.

Louise Bessette, récital piano, « Autour des oiseaux » de Messiaen, œuvres contemporaines, dimanche 6 avril à 17h à l'église de Saint-Théoffrey.

Polyphonies pygmées du Centrafrique, musiques traditionnelles, mercredi 9 avril à 18h, à Saint-Christophe-la-Grotte.

Animations/

Ateliers, rencontres, expos

Le festival en chiffres

80 rendez-vous musicaux

34 lieux d'accueil dans 13 communes de l'Isère

59 compositeurs et 125 musiciens de 18 nationalités.

Plus de 40 actions éducatives ou culturelles.

Festival Détours de Babel, 4e édition, du 25 mars au 12 avril.

Programmation complète : www.detourdebabel