Accès au contenu
Mycologie

Champignons : une bonne dose de connaissances

Forte de ses 170 adhérents et d'un important volet d'experts, la Société mycologique du Dauphiné remplit sa mission d'information en direction des spécialistes et du grand public. Elle prépare son exposition d'automne à Grenoble.
Champignons : une bonne dose de connaissances

Une belle amanite porphyre, non comestible, suscite l'intérêt des visiteurs. Elle fait partie de la livraison du week-end : des dizaines de champignons alignés dans des assiettes blanches.

Il faut monter au deuxième étage du 24 quai de France à Grenoble pour découvrir le monde fébrile des mordus de mycologie. Ces accros de spores aiment les champignons encore plus sous la lamelle de leur microscope que dans le fond de la poêle.

« Au début, on s'intéresse à la casserole, reconnaît André Tartarat, expert grenoblois et membre de la Société mycologique du Dauphiné. Comme tous les mycophages, on connaît les bolets, les chanterelles, les trompettes et ça s'arrête là. Puis on s'aperçoit que d'autres sont bons. »

Intoxications alimentaires

Il existe 250 000 espèces de champignons dans le monde, si bien que la mycologie est une science qui s'acquiert au terme de nombreuses années.

« Il faut appliquer une méthodologie, sinon, on ne s'en sort pas, explique Charles Rougier spécialiste et photographe naturaliste. Si l'on ne possède pas la nomenclature en tête, on n'y arrive pas. »

 

André Tartarat (à g.) et Charles Rougier experts en mycologie.

Car un des aspects fondamentaux de la mycologie est la classification. « C'est comme une grande armoire avec pleins de tiroirs. Il faut savoir dans lesquels chercher. »

Mais comme rien n'est simple « il y a toujours de nouvelles espèces et d'autres qui se modifient, qui varient en fonction du terrain, de l'habitat », ajoute André Tartarat.

Pas étonnant que les connaissances des experts soient largement sollicitées, dans une région très riche pour son patrimoine fongique. « De la plaine jusqu'à 2 500 m d'altitude, les variétés sont presque infinies », souligne Charles Rougier. Ce qui multiplie considérablement le risque de se tromper.

« Nous sommes la région de France où il y a le plus d'intoxications alimentaires », confirme Evelyne Tardy, la présidente de la Société mycologique du Dauphiné. D'où la mission confiée par la ville de Grenoble d'information et de conseil aux populations.

Tous les lundis soirs, les cueilleurs du week-end peuvent donc venir avec leur panier présenter et faire contrôler leurs trouvailles aux spécialistes.

« Lorsqu'il y a du champignon, nous avons beaucoup de passage. La majorité des visiteurs viennent avec un panier pour demander si ça se mange. Nous avons un contrat avec la ville de Grenoble, qui nous fournit les locaux en échange de nos permanences », explique Charles Rougier. «

La première question que nous posons c'est : où les avez-vous trouvés et sous quel arbre ? »

Les spécialistes conseillent de ne pas mélanger la cueillette. « S'il y a une amanite phalloïde au milieu des chanterelles, on peut tout jeter », affirme Charles Tartarat. « A l'automne, on rencontre régulièrement le problème des faux petits gris, qu'il faut savoir déterminer », reprend André Rougier.

Recherché dans le monde entier

Mais les mycologues sont armés pour cette mission sanitaire. Ils disposent à Grenoble d'une bibliothèque de près de 800 livres, dont certains ont été écrits par les adhérents.

Charles Tartarat avoue modestement s'être entiché d'un cortinaire qui l'a accompagné durant 30 ans de sa vie. Il a ainsi produit un ouvrage d'un millier de références illustré de planches entièrement dessinées à la main.

« Ce livre est recherché dans le monde entier », insiste Charles Rougier. « Ca occupe l'hiver », glisse malicieusement l'auteur. Un autre membre de la société a écrit un livre sur les amanites. « Certains vont au foot, nous, aux champignons, reprend Charles Rougier. Ça nous fait marcher dans les bois et travailler la mémoire. »
Au-delà du rendez-vous hebdomadaire du lundi soir 19 heures, où l'on peut admirer jusqu'à une centaine de champignons, la société mycologique du Dauphiné poursuit plusieurs objectifs. Elle contribue, par ses études, à la vulgarisation des espèces comestibles ou non, elle travaille en lien avec les scientifiques, elle participe à la constitution d'une bibliothèque mycologique et assure une série de formations en direction des futurs déterminateurs en mycologie.

Elle vient d'éditer un dépliant à destination des pharmacies de Grenoble.
Son rôle de sensibilisation du grand public passe surtout par l'organisation des trois expositions annuelles, au Pinet d'Uriage, à Meylan et à Grenoble, à l'automne.

Isabelle Doucet

L'exposition mycologique déménage

La traditionnelle exposition mycologique de Grenoble quitte le musée de peinture pour s'installer à l'hôtel de ville de Grenoble, les 24 et 25 septembre prochains.
Pour la préparer, les adhérents de la Société mycologique du Dauphiné se mettent en ordre de marche : dispersion par massifs avec pour mission de rapporter le maximum d'espèces. En général, le butin s'élève à 3 ou 400 spécimens.
C'est l'occasion de se familiariser avec des espèces communes, de découvrir les raretés alentour.

 

 

Les conseils du fond du panier

« Attention au système de ramassage, plaide Charles Rougier. Il ne faut jamais couper un pied de champignon, mais le déterrer. » Il s'explique : lors de la détermination, la forme du pied est importante. Une amanite sans sa volve peut ainsi être confondue avec une lépiote pudique.
Autres conseils : proscrire les sacs plastiques qui favorisent la putréfaction, préférer un sac papier ou un panier, mais éviter les mélanges de spores. Les bords de routes, les endroits pollués sont à éviter.
Enfin, les spécialistes rappellent que la quantité maximum autorisée est de 5 litres de champignons par personne. « Il ne faut pas en manger trop, il y a un effet cumulatif des toxines », explique André Tartarat. Il rappelle par exemple qu'une morille est un grand toxique cru et invite à la prudence : le minimum de temps de cuisson requis, quel que soit le champignon est entre 20 et 25 minutes.
Enfin, dernier conseil de connaisseurs : « La lune n'y est pour rien. C'est surtout une question de chaleur et d'humidité. »

 

A lire aussi :

Cueillette de champignons : que dit la loi ?