Claude Font : « La question du loup, va bien au-delà de l’élevage »

Mardi 8 août, deux réunions ont eu lieu sur le dossier loup : une en préfecture de région avec des éleveurs ovins des Hautes-Alpes, de la Drôme et de l'Isère et une autre au ministère de l'Agriculture avec des éleveurs et des représentants savoyards. Quel est le but de ces rencontres ?
Claude Font : « L'objectif de ces rencontres, c'est que chaque département puisse être entendu. L'appui des élus locaux nous aide à remonter le vécu des éleveurs au ministère. Ce que nous essayons de faire comprendre, c'est que la problématique du loup va bien au-delà de l'élevage. C'est un véritable enjeu de biodiversité et de bien-être animal. Lorsque les alpages se vident, que les éleveurs sont obligés de quitter des zones parce que leurs bêtes sont menacées, c'est la nature qui en souffre en premier. Nous allons régulièrement à la rencontre des politiques mais eux viennent trop peu constater le quotidien des éleveurs. Qu'ils viennent se confronter à la réalité du terrain... La prise de conscience semble être là mais ce n'est malheureusement pas suffisant ! »
Aujourd'hui, quel constat faites-vous quant aux attaques de loups dans la région ?
C.F : « A ce jour, on compte 4 153 victimes en France dont 756 en Auvergne-Rhône-Alpes et 347 victimes en Savoie rien que sur le mois de juillet. Dans ce département, certains éleveurs ont perdu plus de 50 bêtes en à peine trois semaines. À ce jour, les 40 prélèvements autorisés sont localisés sur sept départements de la région Pac et Aura, alors que 32 départements sont prédatés par le loup. Nous n'avons même pas réussi à enrayer la prédation dans ces deux régions. Le nombre de loups est en accroissement de 22 % par rapport à 2015, le nombre de meutes est passé de 35 à 42 sur le territoire français et les zones de présence permanentes (ZPP) sont passées de 49 à 57 en un an. Il est urgent d'agir. »
Sur quels volets souhaitez-vous interpeller le ministère de l'Agriculture ?
C.F. : « Tout d'abord sur l'indemnisation des éleveurs victimes des attaques de loups. Nous demandons la revalorisation des barèmes. Ségolène Royale s'y était engagée en 2016. Nous souhaitons aussi que les pertes indirectes subies ne soient plus considérées comme des aides compensatrices mais des aides directes. Le loup étant un animal très intelligent, il a appris à contourner toutes les mesures de protection des troupeaux. Il observe puis il attaque quel que soit le nombre de patous, la hauteur et la tension du filet. C'est pour cela que nous demandons la suppression des tirs d'effarouchement en passant directement aux tirs de défense car ces mesures ne sont clairement pas efficaces. Autre engagement pris par l'ancienne ministre de l'Écologie : la mise en place d'une brigade loup sur tout le territoire. À ce jour, des départements très exposés comme le Massif central, ne sont toujours pas couverts. Il faut que ces brigades se développent là où elles sont indispensables. »
La perte d'une bête ou d'une partie du troupeau peut impacter les éleveurs sur le plan émotionnel. Que demandez-vous pour les soutenir ?
C. F. : « La MSA Ardèche-Drôme-Loire a mis en place un dispositif pour accompagner les éleveurs touchés par des attaques de loups. Il faut plus d'actions de ce type. Il y a des éleveurs qui subissent des attaques de loups depuis 20 ans. Ils sont à bout, effectuent des gardes la nuit, dorment dans leur voiture pour surveiller leurs brebis. L'éleveur dont le troupeau est attaqué est aussi attaqué dans sa vie de famille, dans sa vie d'homme. Ce n'est pas qu'une peine, c'est une triple peine ! »
Propos recueillis par Alison Pelotier