Comment mettre du local dans les cantines ?

« Comment, nous, élus, pouvons-nous être moteur au côté des agriculteurs ? » C'est cette question en tête que Christine Frachon est montée dans le bus qui l'a conduite à Saint-Etienne pour un voyage d'étude un peu particulier. Mission du maire de Rochetoirin : voir comment introduire des produits bio et locaux au menu de sa cantine. « Ça commence par la cantine, mais pourquoi pas aller plus loin ? », rêve l'élue. Organisée par les chambres d'agriculture de l'Isère et de l'Ain (programme Bio et Eau), le syndicat mixte d'aménagement du bassin de la Bourbre et l'Adabio, la journée d'étude stéphanoise avait en effet pour but d'expliquer aux élus et techniciens comment s'approvisionner en produits biologiques à l'échelle d'un territoire.
Dans la Loire, ce qui pouvait paraître utopique il y a encore une quinzaine d'années, est aujourd'hui devenu réalité : les cantines de la ville de Saint-Etienne sont passées au 100% bio, dont 41% en approvisionnement local. Le projet est né en 2009 de la volonté des élus de concilier développement durable et santé des enfants. Profitant du renouvellement de son marché d'approvisionnement de la restauration scolaire, la Ville a demandé l'introduction progressive de produits bio dans les menus. Mais pas n'importe quel bio : les élus ont souhaité promouvoir prioritairement les produits biologiques provenant de la Loire et des départements limitrophes. Une aubaine pour Bio A Pro, une plateforme constituée deux ans plus tôt par un collectif d'agriculteurs soucieux d'organiser une offre en produits bio pour répondre à la restauration collective. Son atout : une large gamme de fruits et légumes frais, de fromages, crèmes dessert et de yaourts fermiers, de volailles, de viande bovine, ovine et porcine.
Cuisiner différemment
L'exemple stéphanois (2 800 repas servis chaque jour) est-il transposable ailleurs ? Oui, à condition qu'élus et cuisiniers partagent une même motivation, estiment Samy Kefi-Jerôme, adjoint au maire en charge de l'éducation, et Fabrice Poinas, responsable du service restauration à la ville de Saint-Etienne. Car la seule volonté politique ne suffit pas. Il faut aussi que les cuisiniers acceptent de travailler différemment, qu'ils préparent des produits bruts et de saison, quitte à faire preuve de pas mal d'imagination, surtout en hiver quand l'offre en légumes ne se compose que de radis noirs, poireaux, carottes, courges et choux en tout genre.
Côté finances, l'équilibre s'obtient en jouant sur plusieurs tableaux, comme l'achat de produits de saison, l'abandon des produits tout prêts ou surgelés (préparer une compote coûte moins cher que de l'acheter), la lutte contre le gaspillage ou la taille des portions. A Saint-Etienne, le coût matière d'un repas 100% bio est de 2 euros 50, contre un coût de 1,70 euros pour un repas conventionnel. Petit bémol cependant : la politique du 100% bio limite l'offre en local. La municipalité est donc en train de réfléchir à un nouvel appel d'offre, lequel devrait privilégier le local, quitte à faire un peu moins de bio et à accepter les fournisseurs qui sont en période de conversion.
Les pistes exprimentées à Saint-Etienne ont beaucoup fait réfléchir la quinzaine d'élus isérois ayant participé au voyage. « On se rend compte que ce n'est pas si compliqué de faire du bio et du local », sourit Christine Frachon. L'adjointe au maire de Saint-Jean-de-Bournay, où la cuisine est en régie, partage son point de vue : « Nous aussi sommes motivés pour avoir des produits locaux de qualité dans nos cantines, explique Marie-Laure Ciesla. Du bio, ce serait l'idéal, mais commençons déjà par passer au local pour faire travailler notre économie. De toute façon, en analysant un an de factures, nous nous sommes rendu compte que les agents achetaient beaucoup de surgelés, ce qui coûte très cher. Depuis le 1er septembre, nous avons revu notre organisation : désormais nous payons des agents pour travailler des produits bruts et préparer des gâteaux, et non plus pour ouvrir des sachets. On n'est pas Saint-Etienne, mais on va y arriver ! »