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Bois

Construire en bois local, c'est possible!

En Isère, les acteurs de la filière font valoir l'intérêt économique et social d'un tel développement pour la vitalité du territoire. Un appel relayé par une poignée d'élus qui s'efforcent de prescrire le bois local dans les projets de construction.
Construire en bois local, c'est possible!

Construire le futur en bois. Mais pas avec n'importe quel bois. Le bois local, celui qui pousse dans nos forêts et dont l'exploitation est susceptible de générer autant de bien-être que de chiffre d'affaires. C'est en tout cas le crédo que prêche Jean-Luc Sandoz, ingénieur bois et directeur du bureau d'ingénierie franco-suisse CBS-CBT, dès qu'on l'invite à parler de son métier. Pour cet adepte de la construction bois, il ne s'agit pas de surfer sur un effet de mode né avec le Grenelle de l'Environnement, mais de répondre à un enjeu à la fois politique et économique. Outre les vertus propres au bois (matériau durable, facile à mettre en œuvre, système de construction rapide, propre, extrêmement performant en termes d'économies d'énergie...), l'ingénieur met en avant l'intérêt de développer la construction bois dans le cadre de filières courtes, histoire de développer l'emploi et de réapproprier localement tout un pan de l'économie de la construction. Car, selon lui, on peut tout construire en bois, et même en bois local, à commencer par le gros œuvre (murs, plancher, charpente...). Il suffit de s'organiser...

Champs d'investigation pour les PME

« Aujourd'hui, dans la construction, nous ne sommes encore qu'à 10% de structure bois. Il y a beaucoup de progrès possible », s'enthousiasme l'ingénieur. Encore faut-il que la filière s'organise et travaille en ce sens. « Il y a des champs d'investigation énormes pour les PME », poursuit Jean-Luc Sandoz qui rappelle qu'en termes de structure, il n'y a aucun problème de durabilité et qu'il existe aujourd'hui toutes les technologies nécessaires pour mener à bien les opérations les plus audacieuses : « La limite n'est pas dans la technique, elle est dans nos têtes ! » Encore faut-il structurer la chaîne économique qui, du maître d'ouvrage au constructeur, en passant par le bûcheron, le scieur et le charpentier, ne peut se passer d'aucun maillon. « Il faut une pluralité de gens et de savoir-faire qui s'additionnent, insiste Jean-Luc Sandoz. Il faut regagner sur la valeur ajoutée, concevoir du prêt à monter, du prêt à exporter : c'est comme cela que nous génèrerons du chiffre d'affaires et que nous garderons des emplois. »

Reste que localement, si le bois ne manque pas, son exploitation ne va pas forcément de soi. C'est le problème soulevé par Xavier Lacroix, de la société Pivoteau Bois (scieur et transformateur), qui, lors du colloque, a évoqué la question du « morcellement, des faibles volumes disponibles et de la faible mobilisation de la ressource » : « Il faudrait vraiment un esprit de filière, avec un vrai prix du bois », a-t-il souligné. Valérie Nier, de la scierie Nier, certifiée Bois des Alpes, lui a emboîté le pas : « Nous avons compris depuis longtemps que si nous ne nous organisions pas, nous allions être croqués. Nous sommes quelques scieurs à avoir mutualisé le matériel. Mais il a fallu aussi  faire appel à de la matière grise pour pouvoir répondre à la demande des architectes et des maîtres d'ouvrage. Nous sommes un certains nombres de petites et moyennes scieries à nous être investies dans toutes les strates de la filière : il n'y a pas d'autre manière d'avancer. »

Vue de l'esprit ?

De fait, en Isère, le secteur se structure peu à peu. En quelques années, un marché a émergé qui a conduit les professionnels à s'organiser pour travailler avec les bois locaux. « En 1981, quand nous avons démarré, on nous prenait pour des rigolos, raconte Jean-Claude Mattio, fondateur de l'entreprise SDCC (charpente, ossature, couverture et vêture bois). L'ossature bois, c'était pour les chalets, la montagne. Mais, le besoin se faisant sentir, en dix-quinze ans, les choses ont beaucoup évolué, les entreprises ont investi. Il y a encore cinq ans, ça paraissait une vue de l'esprit. Il a fallu mouiller sa chemise. Mais aujourd'hui il y a une vraie prise de conscience et nous avons une carte sociétale magnifique à jouer. Il est vrai que nous serons cernés par les dangers tant que la filière ne développera pas une réelle volonté politique. Mais les choses bougent. Les gens se forment. Ça concerne toutes les entreprises, de la plus petite à la plus grande. Pour ma part, je suis plutôt optimiste. »

La construction en bois constitue un enjeu important pour le développement économique des territoires

Et il a raison de l'être car les élus, depuis quelques années, ont compris qu'il y avait là un enjeu pour le développement économique des territoires. Nombreux sont les maîtres d'ouvrage publics (communes, communautés de communes, conseil général...) qui prennent soin de valoriser le bois dans leur projet de construction. « L'élu, c'est la clé : quand l'élu veut, on peut construire en bois local », explique Emeric Truchet, prescripteur bois chez Fibra (1) qui conseille les collectivités lorsqu'il s'agit de rédiger les appels d'offre de façon à privilégier le bois local le plus légalement du monde. Les enfants de La Rivière en savent quelque chose : leur maire a voulu que l'école et l'extension du restaurant scolaire soient construits avec le bois de la forêt communale. Choix politique mais aussi question de cohérence, selon lui. « Pour moi, le point de départ, ce n'est pas le matériau, mais le circuit court, explique l'architecte Vincent Rigassi, concepteur du projet. C'est un engagement sociétal et citoyen suffisamment fort pour convaincre les élus. » Thomas Guillet, maire de Corrençon-en-Vercors, en charge de l'aménagement de l'espace, de l'urbanisme, du logement, de l'agriculture et de la forêt au sein de la communauté de communes du massif du Vercors, ne le contredira pas, qui rappelle « la volonté ancienne des élus du Vercors de soutenir une filière en soutenant la construction bois, notamment dans les bâtiments publics ».

Dans le Vercors, les élus ont souhaité que la maison de l'intercommunalité soit construite en bois local (crédit photo : Pierre Cook).

Vitrine du Vercors

Après le « Télespace Vercors » (bâtiment accueillant des entreprises tournées vers le télétravail), la maison de l'intercommunalité a elle aussi été construite en bois local. Charpente, murs à ossature bois, bardage, toiture, platelage et menuiseries intérieures : tout est en « Bois des Alpes », mais un bois issu pour l'essentiel des forêts de Villard-de-Lans, Méaudre et Autrans et transformé à proximité. Une « vitrine » à faire pâlir d'envie les élus d'autres territoires qui, du Gard, de la Loire ou de Corse, défilent depuis sur le plateau pour connaître la recette de la « potion magique ». La volonté politique, vous dit-on...

(1)  Fédération des professionnels de la forêt et du bois en Rhône-Alpes.

Marianne Boilève