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Energie

Courant porteur pour les centrales villageoises

Les projets de centrales villageoises fleurissent dans tout le département donnant aux citoyens le sentiment de maîtriser (un peu) une production d'énergie renouvelable. Le modèle économique, basé sur l'équipement de toits en panneaux photovoltaïques grâce à de l'épargne locale, génère une forte dynamique.
Courant porteur pour les centrales villageoises

Il y a d'abord eu les pionnières, les quatre centrales villageoises du Vercors, accompagnées par le Parc naturel régional, soutenu par Rhônalpénergie-Environnement.

A partir de 2012, les initiatives ont fleuri dans toute la région où l'Ageden* recense 14 projets** en cours, notamment en Isère.

L'année 2016, est celle de la concrétisation de nombreuses initiatives, de la Capi jusqu'à l'Oisans, en passant par la Métro, le Pays voironnais, le Haut et le Sud-Grésivaudan.

« Nous sommes les premiers à démarrer avec une telle dynamique et une telle ambition, assure Vincent Gay, élu crollois impliqué dans la centrale villageoise du Grésivaudan baptisée Grési21. Avec 450 kWc*** nous installons l'équivalent de la puissance déjà développée par toutes les centrales ».

Le Grésivaudan est exemplaire pour la rapidité avec laquelle s'est effectuée la mobilisation autour du projet. « Nous avons organisé cinq réunions publiques qui ont rassemblé 170 citoyens », poursuit l'élu.

Le projet a été présenté au mois d'octobre 2015, en mars, la société était créée et deux mois plus tard, 120 000 euros étaient déjà collectés auprès des citoyens et 30 000 euros auprès des collectivités. « Ces fonds propres nous permettent d'emprunter environ 450 000 euros », précise Vincent Gay en reconnaissant que le résultat a largement dépassé les attentes des participants.

 

A Crolles, le projet de centrale villageoise s'est montée à la vitesse grand V.
Crédit photo : Ageden

 

Environ 25 bâtis sur cinq communes (Crolles, Bernin, Saint-Hilaire-du-Touvet, Saint-Bernard-du-Touvet et Saint-Pancrasse) vont bénéficier des installations.

Deux types de surfaces ont été retenus : 60m2 pour une puissance de 9 kWc et 240 m2 pour 36 kWc. Des bâtiments publics (écoles, crèches, salles associatives) sont concernés, mais aussi des maisons d'habitation et des granges. Installés après l'été, les panneaux photovoltaïques devraient être opérationnels avant la fin de l'année.

« Cela crée une nouvelle dynamique dans le territoire en mettant ensemble des gens qui ne se connaissaient pas », analyse l'élu. C'est ainsi la rencontre entre les habitants du plateau et ceux de la plaine, entre ceux qui ont des surfaces de toit à proposer et ceux qui disposent de fonds pour investir dans le projet, entre ceux qui se sentent attirés par un sujet innovant ou qui s'intéressent à l'écologie pratique et ceux qui ont la fibre résolument citoyenne.

Un terreau

Dans le Trièves, le projet est encore plus avancé puisque huit toits, soit 200 m2, vont être équipés cet été. « Les premiers kW/h seront produits à l'automne », annonce Robert Cuchet, le président de la société porteuse du projet.

Il marque la concrétisation d'une démarche dans laquelle les acteurs du territoire se sont engagés depuis les années 2000, avec l'Agenda 21. « Il y a un terreau pour démarrer ce genre d'action », explique le président de la SAS.

Quand le Parc du Vercors et la communauté de commune du Trièves ont proposé d'apporter leur appui, les citoyens ont fait part en écho de leur volonté de s'emparer de ces enjeux énergétiques. Pour ceux qui l'ont vécu de l'intérieur, le projet a pourtant été long à émerger. Le temps nécessaire pour que chacune se l'approprie.

Le coup d'accélérateur de ces démarches a été la baisse des tarifs de rachat de l'énergie amorcée en 2012. Fini le temps de la réflexion, place à l'action. « Nous avions ciblé de grandes toitures, mais les tarifs se sont écroulés, remettant en cause le modèle économique », rapporte Florin Malafosse, animateur du projet Tepos.

Finalement, ce sont des toitures individuelles et une bergerie de Lalley qui seront sélectionnées pour recevoir les panneaux photovoltaïques. En général, les porteurs de projet intègrent une installation de plus grande surface afin de réaliser des économies d'échelle, même si le tarif de rachat est moins intéressant.

Florin Malafosse détaille les enjeux liés à cette vague de centrales villageoises. « C'est la réalisation d'économies d'énergie et la possibilité d'agir localement par le biais des énergies renouvelables. Il y a un intérêt pour le développement du solaire, un investissement citoyen et la mise en place d'un modèle duplicable aux autres énergies renouvelables ».

Le Trièves mène aussi une réflexion autour de la petite hydroélectricité.

Pour autant, Florin Malafosse et Robert Cuchet ne cachent pas les difficultés traversées pour mobiliser les acteurs. Sur la durée, on s'aperçoit combien les retraités, qui ont soit mené carrière dans l'ingénierie, soit ont une véritable sensibilité pour les énergies renouvelables, sont moteurs de la démarche et entraînent les actifs.

« Faire appel à de l'épargne locale, la confier à une société innovante, pour une action maîtrisée sur un territoire, » pour Robert Cuchet, il s'agit bien d'un acte militant.
Si toutes les sociétés porteuses ont choisi le statut de SAS, tous les actionnaires reconnaissent que les discussions ont été des plus nourries pour en définir les termes. On se rapproche en effet souvent d'un modèle coopératif, basé sur un homme/une voix pour certaines, ou limitant le nombre de voix pour d'autres sociétés qui ont reçu le soutien financier de collectivités.

La force du réseau

Une fois la mobilisation réussie, chaque porteur de projet peut désormais profiter de l'expérience aboutie des centrales villageoise voisines. Toutes les questions ou presque dans l'élaboration des statuts ont été posées, les contraintes techniques étudiées, le réseau de professionnels identifié, ces informations sont compilées sur une plateforme gérée par Rhônalpénergie. Les nouveaux venus peuvent s'appuyer sur un réseau, multipliant les échanges entre les hommes et les territoires où émergent ces initiatives citoyennes.

Les derniers à en profiter sont la Capi et les Vallons de la Tour où les projets font flores.

 

La Capi et les Vallons de la Tour profitent de l'expérience des autres territoires.
Crédit photo : Ageden

 

L'Isle-d'Abeau, Four, Maubec, Bourgoin-Jallieu, Villefontaine, Chèzeneuve : « Nous recevons des demandes de partout », confirme Elodie Randrema, chargée de mission Tepos. « Pour ces habitants, il est important de faire quelque chose ensemble », analyse l'animatrice.

Le choix et la maîtrise de l'énergie préfigure déjà d'autres initiatives comme des chantiers de rénovation collectifs car, dans les réunions publiques, les idées foisonnent. « Les gens ont envie d'être actifs et acteurs, de se prendre en main avec leurs voisins pour faire quelque chose de positif », constate Elodie Randrema.

Isabelle Doucet

*Association pour la gestion durable de l'énergie

**De la Bourne à l'Isère ; Gervanne Raye ; Grésivaudan ; Lure Albion ; Pays d'Aigues ; Pays Mornantais ; Plateau de la Leysse ; Quatre-Montagnes ; Queyras ; Région de Condrieu ; Rosanais ; Sud Baronies ; Trièves ; Vals d'Eyrieux, Synclinal médian du Vercors.
***KiloWatt crête (kWc) : Unité utilisée pour le solaire photovoltaïque. Un Wc (Watt-crête) représente la puissance fournie sous un ensoleillement standard de 1.000 W/m2 à 25°C.

 

Dans le panneau

La Buisse : un four à pain ou une centrale villageoise

« Dans le cadre de l'Agenda 21, les membres de la commission et la municipalité ont mené une réflexion autour du faire ensemble. Nous nous sommes orientés vers la construction d'un four à pain ou d'une centrale villageoise. Nous avons trouvé cette dernière initiative encore plus symbolique, participant d'une démarche encore plus moderne », raconte Gilles Fanget, le président de la SAS.
Deux réunions publiques ont suffit pour la constitution d'un groupe de citoyens et jeter les bases de la société Buxia-énergies. Celle-ci est née en décembre 2015, six mois après le lancement de l'idée.
« Il y a eu une transmission entre l'équipe municipale, qui s'est dégagée du projet, et les citoyens qui se le sont appropriés », poursuit le président de la SAS.
La société a déjà récolté plus de 37 000 euros et compte 44 associés. L'objectif est de lancer trois installations de 9 kW/c et deux de 36kW/c sur des bâtiments publics et privés, à La Buisse, mais aussi à Voiron et Bilieu. Les premiers panneaux seront posés dès juillet. « Il y a une dimension pédagogique dans le projet en équipant des bâtiments fréquentés par les écoliers », insiste Gilles Faget.
Volonté citoyenne
Et dans le Pays voironnais, l'initiative fait aussi tache d'huile, de Rives à Coublevie, en passant par Moirans.
« Il faut que ça aille vite », répète le retraité du CEA-Liten au regard de la baisse des tarifs d'EDF.
Les bussards ont pourtant réussi à boucler deux dossiers de demande de subvention, au titre du programme Leader du Pays voironnais et auprès de la Fondation de France, ce qui devient assez rare. Et tout le monde s'y met puisque l'entreprise installatrice, choisie localement parmi les sociétés ciblées par le réseau régional des centrales villageoises, a aussi pris des parts dans Buxia-énergies.
Comme dans tous les territoires où ces initiatives sont lancées, les attentes sociétales sont très fortes. « Il est important d'apporter la preuve qu'il existe une volonté citoyenne », insiste Gilles Fanget.
ID

 

Centrale villageoise Energuil dans le Queyras (crédit photo : CVEenerguil)

 

Un modèle économiquement viable

Lancé avec quelques aides en 2010, le modèle des centrales villageoises doit être désormais viable sans subvention. Les communautés de communes, souvent sous label Tepos, interviennent en appui, souvent avec l'aide de l'Ageden ou de l'Alec (association locale pour l'énergie et le climat) et de Rhônalpénergie-Environnement.
Le système fonctionne avec une société actionnaire composée d'un collectif de citoyens du territoire, qui loue des toits pour produire de l'énergie photovoltaïque revendue à EDF. L'investissement s'élève à environ 25 000 euros par tranche de 9kW/c installés, soit environ 60m2 de panneaux photovoltaïques. Généralement, le montage financier se décompose en ¼ de capital propre et ¾ d'emprunt bancaire. Le montant de l'action va de 50 à 100 euros selon les sociétés. La rentabilité est d'environ 3% une fois la production d'énergie lancée.
A titre indicatif, les tarifs de rachat jusqu'au 30 juin 2016 sont :
Puissance < 9 kWc : 24,6 cts
Puissance 0 - 36 kWc : 13,2 cts
Puissance 36 - 100 kWc : 12,6 cts

 

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