Des légumes à portée de main

« Les circuits courts ne s'improvisent pas. Ils nécessitent l'organisation de l'ensemble des acteurs concernés », indique Marie Amore, vice-présidente de la section commerce de la CCI de Grenoble. Pour rapprocher les producteurs des distributeurs et structurer les circuits courts alimentaires en Isère, une démarche concertée a été lancée depuis 2012, ponctuée notamment par une enquête menée auprès de 330 distributeurs (GMS, primeurs, grossistes) avec un taux de retour de 27%.
L'étude montre ainsi un certain équilibre de l'offre des produits locaux distribués (laitiers, fruits et légumes, liquides ou transformés) avec cependant une moindre présence des produits carnés. Pour autant, ces produits locaux représentent moins de 10% des approvisionnements. Pour les distributeurs, la relation avec les fournisseurs est stable voire en progression, probablement parce que ces derniers sont peu nombreux à pouvoir proposer un approvisionnement local. Côté prix, plus de 50% des distributeurs trouvent que les tarifs pratiqués par les producteurs locaux ne diffèrent pas de ceux des autres fournisseurs et s'ils sont supérieurs, le delta est compensé par la spécificité et la qualité. Pour développer les relations entre les deux parties, l'étude révèle que 80% distributeurs sont dans l'attente d'un démarchage de la part des producteurs, ceci pour gagner du temps dans leurs prospects et dénicher de nouveaux produits. « Ils ne savent pas comment, ni où trouver des producteurs locaux », déclare Christine Petit, chargée de mission à la CCI, responsable de l'enquête.
Sur le volet de la promotion, les distributeurs veillent à dédier des espaces privilégiés pour valoriser leur offre de produits locaux : publicité sur le lieu de vente (PLV), panneaux avec le nom et la localisation du producteur, communication de vive voix pour les primeurs. En revanche, l'exercice est limité par la visibilité des produits locaux, auxquels 70% des distributeurs consacrent moins de 10 m de linéaire. Pour la CCI, les axes de développement sont pluriels et les attentes réciproques. Mais il convient encore de lever certains freins au développement des circuits courts, comme les difficultés de logistique (livraison), la méconnaissance de l'offre locale et donc le manque de diversité des produits ou encore, les contraintes règlementaires liées à la grande distribution et la concurrence directe entre des producteurs qui pratiquent la vente directe et les primeurs. Les distributeurs attendent donc que les producteur fassent la promotion de leur offre, se regroupent, soient référencés sur un site dédié en fonction de leur activité ou organisent des événements particuliers. Enfin, la création d'une identité visuelle est une demande criante.
Structurer l'offre
Une autre étude réalisée par les différents organismes consulaires et le département sur la production iséroise et les circuits courts rappelle que la ferme iséroise, avec ses 6 300 exploitations offre une agriculture très diversifiée, mais avec des niveaux de production inégaux. En théorie, alors que la production de fruits couvre largement les capacités du marché, en revanche, le déficit est significatif en matière de légumes (15% de couverture) et de production carnée (45% de couverture). Technicien de la chambre d'agriculture, Geoffrey Laffosse rappelle que les appellations demeurent des signes de qualité. Cependant, l'agriculture iséroise pâtit de sa faible attractivité et de la déprise agricole. Elle est donc au cœur d'une réflexion structurelle au regard de la valorisation des exploitations. Elle cherche un équilibre entre les filières longues et la vente en masse et les filières courtes plus rémunératrices. Aujourd'hui, 27% des exploitations iséroises commercialisent au moins un de leurs produits en vente directe, contre 18% à l'échelle nationale. Les points de vente collectifs, sont actuellement au nombre de 15 en Isère et quatre autres devraient voir le jour. Mais c'est véritablement la vente aux GMS et aux commerces de détail qui fait défaut. En réponse à cela, les agriculteurs sont conscients de la nécessité de structurer leur offre. Deux projets sont actuellement en cours : celui d'une plateforme collective d'approvisionnement en viande à Grenoble et celui de la légumerie de Voiron.
Enfin, une étude de marché réalisée par le conseil général estime à 2,5 milliards d'euros le marché alimentaire isérois. Pas moins de 72% des ménages déclarent acheter des produits locaux pour un marché estimé à environ 500 millions d'euros. Les principales familles de produits concernées sont les fruits et légumes frais, les produits laitiers et les œufs et enfin, les produits carnés. Les zones urbaines offrent naturellement le plus fort potentiel de développement de filières locales et les consommateurs déclarent souhaiter réaliser leurs achats dans les magasins de producteurs ou les hypermarchés. Il apparaît également pertinent de développer l'offre sur les trajets domicile-travail. Paradoxe de l'étude, elle révèle que les milieux ruraux ne sont pas forcément mieux desservis en produits locaux. Enfin, ce tour d'horizon du point de vue du consommateur insiste sur les piliers de la valorisation des produits locaux : une démarche en circuit court, des produits clairement identifiés ainsi que des valeurs spécifiques et, des producteurs au rendez-vous.
Isabelle Doucet
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