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ÉCONOMIE LAITIERE

Des revenus en hausse, malgré des écarts entre les différents systèmes

Depuis une décennie, le secteur laitier connaît une augmentation des revenus, notamment liée à une meilleure valorisation du prix du lait et au gain de productivité. Mais cette amélioration reste toutefois à nuancer selon la spécialisation des systèmes et ne prend pas en compte la charge mentale des éleveurs et éleveuses.

Des revenus en hausse, malgré des écarts entre les différents systèmes
En conjoncture favorable, l’Idele estime que les systèmes robotisés tirent profit de leur productivité et permettent de diluer certaines charges sur le volume.

Entre 2014 et 2022, l’Institut de l’élevage (Idele) a comparé les résultats de 400 fermes laitières du réseau d’élevages Inosys. Représentatives des systèmes présents sur le territoire, ces fermes ont montré une hausse des revenus moyens. Selon Sophie Tirard, de la chambre d’agriculture de Bretagne, leur revenu a triplé en neuf ans, atteignant 83 000 € courants/UMOex en moyenne en 2022. « Mais d’importants écarts subsistent entre les différents systèmes », précise la conseillère. Les exploitations de lait et cultures de ventes de plaine culminent en moyenne à environ 105 000 € courants/UMOex, suivies par les systèmes de lait et viande bovine de plaine avec une estimation à 65 000 € courants/UMOex. Viennent ensuite les systèmes de montagne de l’Est AOP avec une moyenne à 40 000 € courants/UMOex. La fin du peloton concerne les systèmes de montagne du Sud (environ 31 000 € courants/UMOex) et les systèmes de plaine bio (environ 28 000 € courants/UMOex).

Moins de chefs d’exploitation, plus de salariés et de robots

Ces écarts peuvent être expliqués par plusieurs facteurs : la conjoncture des grandes cultures, les gains de productivité, la sensibilité aux aléas climatiques et sanitaires et le prix du lait. À titre d’exemple, les systèmes laitiers spécialisés en lait conventionnel de plaine ont connu une hausse moyenne de leur résultat courant de 25 000 €/UMOex. Ces revenus sont en hausse grâce à un tandem prix du lait et volumes intéressants, tandis que les systèmes de montagne (hors de l’Est AOP) sont pénalisés par des surcoûts de production et une insuffisance, voire une absence, de démarcation du lait.

Selon Franck Lavedrine, qui anime le réseau d’élevages Inosys à l’Idele, ces performances technico-économiques doivent être interprétées au regard d’un facteur nouveau. « Des exploitations ont du mal à recruter un nouvel associé pour remplacer un départ à la retraite et se tournent davantage vers le salariat pour compenser », explique le responsable. Si bien que sur 180 exploitations conventionnelles du réseau, 57 % ont augmenté la main-d’œuvre salariée, dont 29 % de plus de 0,5 ETP. « Or, cette part de salariat en hausse n’absorbe pas en totalité la charge de travail supplémentaire », ajoute le professionnel, qui estime que pour un système de plaine en traite conventionnelle, le temps de travail nécessaire à l’acte de production est passé à 45 à 47 heures, voire 49 heures par semaine entre 2014 et 2022. Le capital d’exploitation, hors foncier, a lui aussi augmenté de 21 %, passant de 414 000 €/UMOex en 2014, à 502 110 €/UMOex en 2022. « Mais ce capital se concentre sur une main-d’œuvre exploitante en baisse… », ajoute Franck Lavedrine.

Systèmes de plaine et de montagne

Autre enseignement tiré de l’observation de ce réseau : une exploitation Inosys sur cinq est dorénavant équipée en traite robotisée. Elles sont même une sur trois en plaine conventionnelle. Dans un contexte de conjoncture favorable, ces exploitations tirent parti des robots, puisqu’elles connaissent une augmentation généralisée des volumes de lait (8 339 l/VL en 2022 contre 7 871 l/VL en 2014). Une attention doit, en revanche, être portée sur les postes d’achats liés à l’alimentation et au fioul.

Si la tendance est à l’augmentation des revenus laitiers sur la dernière décennie, le niveau de rémunération de l’atelier lait devrait rester stable (2,4 SMIC/UMOex). « En revanche, les activités spécialisées en montagne, hors AOP de l’Est, souffrent de coûts de production plus forts qu’en plaine », note Yannick Pechuzal, expert en système d’élevages bovins lait à l’Idele. Pour les systèmes conventionnels, les dépenses liées aux engrais et aux aliments font que les coûts de production devraient se stabiliser. Reste un facteur que l’Idele n’a pas mesuré : celle de la charge mentale. « Malgré une conjoncture relativement favorable, le changement climatique, l’augmentation de la charge de travail par exploitant et le management des salariés sont à prendre en compte », souligne le spécialiste. Autant de critères liés à la qualité de vie au travail qui devraient être prochainement analysés par l’institut.

Léa Rochon