Diversifier les pratiques et les sons de cloche

C'est une émission sur France 2 qui, une nouvelle fois, a provoqué sa colère. Comme des milliers d'agriculteurs partout en France, André Coppard, céréalier à Saint-Savin, dans le Nord-Isère, n'en peut plus d'être soupçonné d'intoxiquer ses compatriotes, alors qu'il utilise des produits autorisés. « Il faut qu'on arrête de tirer à boulet rouge sur les agriculteurs, explose-t-il. Nous avons tout-à-fait le droit de soigner nos plantes comme on soigne les êtres humains. » D'autant que la réglementation oblige à une grande rigueur et que les contrôles sont permanents. Et si le céréalier reconnaît qu'il lui arrive d'utiliser des produits phyto « un peu plus souvent », c'est, explique-t-il, « parce qu'on diminue les doses ».
Ne pas tomber dans le piège
Mais ce qui inquiète le plus André Coppard, candidat sur la liste FDSEA-JA Avançons ensemble les pieds sur terre, c'est qu'il a le sentiment que l'on cherche à opposer les agriculteurs et les systèmes de production. Or il refuse de tomber dans le piège de la bataille des modèles. « Avec la suppression du glyphosate ou des néonicotinoïdes décidée par l'Etat, ce qui me gêne, c'est que ça dresse les agriculteurs les uns contre les autres, constate-t-il. On dirait que les agriculteurs conventionnels ou ceux qui sont en agriculture raisonnée sont des empoisonneurs. C'est tout le contraire ! Un grain de blé bien nourri est meilleur pour la santé qu'un grain tout atrophié, tout malade ! » Et d'affimer haut et fort que tout le monde a sa place, les producteurs bio comme les conventionnels, à condition que chacun respecte les règles. « Il faut sensibiliser les agriculteurs dans ce sens-là : ça évitera les conflits de voisinage », conclut André Coppard.
Bataille de la communication
La profession l'a bien compris qui, depuis plusieurs mois, se montre offensive dans la bataille de la communication. Sa stratégie : s'adresser directement aux consommateurs finaux et aux riverains des exploitations. « Les opposants au mode de production conventionnel sont souvent les seuls à s'adresser aux citoyens-consommateurs qui, lorsqu'ils cherchent une information, n'ont donc généralement qu'un seul son de cloche », remarque l'expert-consultant Eddy Fougier, dans un rapport diffusé par la FNSEA sur le monde agricole face au défi de l'agribashing.
Les nuciculteurs du Sud Grésivaudan en ont fait l'expérience l'an dernier. Mis en cause sur la question des traitements par un collectif de riverains autour de Vinay, ils ont accepté de débattre en public en février. Les échanges ont été houleux, parfois tendus, mais fructueux : à l'issue de la réunion, les positions des uns et des autres ont évolué, et le président du CING, Yves Borel, a promis l'élaboration d'une charte des bonnes pratiques. Elle a été rendue publique en juin.
Charte de bon voisinage
En septembre, le réseau FNSEA a de son côté lancé une Charte de bon voisinage, laquelle « formalise l’engagement de bonnes pratiques des agriculteurs en matière d’utilisation de produits phytopharmaceutiques ». Déclinée petit à petit à l'échelle des territoires, cette charte se veut un outil favorisant « un dialogue constructif » avec les acteurs locaux, élus, agriculteurs et riverains. Mise en avant dans le programme électoral de la liste FDSEA-JA, elle va être mise en œuvre « pour tous les systèmes et filières de production ».
Evolution des pratiques
Nombre d'agriculteurs l'appliquent déjà sans le savoir, car ils ont depuis longtemps modifié leurs pratiques (désherbage mécanique, non-labours, retard des dates de semis, mélanges de colza avec de variétés précoces pour limiter les attaques de méligèthes, buses anti-dérive sur les pulvé...). Le problème, c'est que personne ne le sait. « Tout cela, il faut l'expliquer dans les réunions publiques, insiste André Coppard. L'autre jour, j'étais en réunion à la chambre régionale avec Arvalis (Institut du végétal, NDLR) qui évoqué une étude de l'Anses sur l'alimentation en France. Il était expliqué que pour les substances actives dont la fréquence de détection dépasse 1%, le groupe d'aliments « céréales », n'est concerné que par les substances actives « Pyrmiphos-méthyl » et « Chlorpyriphos-méthyl » qui sont des insecticides de post récolte utilisés dans les installations de stockage. Mais ce dernier n'est plus utilisable sur blé et maïs depuis 2018. Mais qui est au courant ? »
MB