Eau : les éleveurs ont bien capté l'enjeu

Des collines verdoyantes, des vaches broutant dans les prés, un ruisseau qui musarde entre paysages bucoliques et villages paisibles, des sources à profusion, des marais abritant courlis, gravelots et orchidées sauvages... De prime abord, la vallée de l'Hien semble préservée de tout stress hydrique et de toute pollution. Les éleveurs sont nombreux à disposer de points d'eau dans leurs parcs, évitant ainsi tout branchement sur le réseau communal. Il n'empêche : depuis le début des années 90, les collectivités sont confrontées à un problème de teneurs élevées en nitrates et en produits phytosanitaires dans l'eau potable. En cause : la sensibilité des captages aux pollutions d'origine domestique et agricole. Le signal d'alarme ayant été tiré, très vite, les agriculteurs, mobilisés par la chambre d'agriculture, se sont engagés dans un changement de pratique. Raisonnement de la fertilisation et de l'utilisation des produits phyto, implantation de cultures « pièges à nitrates », pilotage de l'irrigation, gestion des déchets... Plusieurs plans d'action ont été conduits, reposant chaque fois sur des démarches collectives de contractualisation de mesures agro-environnementales. « A l'époque, mon père, qui avait une bonne partie de ses surfaces concernées par le captage, avait souscrit à ces mesures, se souvient Eric Chavrot, éleveur laitier et membre du Gaec des Sources à Biol. Il avait opté pour la réduction d'intrants, histoire de donner l'exemple et de montrer que les agriculteurs sont des gens ouverts. »
Taux de nitrate divisé par deux
Trente ans plus tard, les agriculteurs continuent de jouer le jeu. Ce n'est pas toujours facile, surtout en période de crise. Mais la motivation est là. En 2008, le programme Terre & Eau propose aux agriculteurs de les accompagner dans le changement de leurs pratiques. Les résultats suivent. A Biol, où le captage de Saint-Romain a été classé prioritaire par le Sdage au titre de la pollution par les nitrates, le taux de nitrates a pratiquement été divisé par deux entre 2010 et 2014. Mais rien n'est encore gagné pour autant. « C'est un territoire où la pression est relativement importante sur les ressources en eau potable, explique David Cinier, chargé de projet agriculture-eau au Syndicat mixte d'aménagement de bassin versant de la Bourbre (SMABB). Comme beaucoup de captages du nord Isère, ceux de Doissin et de Biol ont des bassins d'alimentation de petite taille, mais avec des activités agricoles et non agricoles importantes. En raison d'un contexte géologique particulier – un socle recouvert de dépôts morainiques très perméables –, les activités humaines y ont plus d'impact qu'ailleurs. »
Considérés comme très sensibles du fait que tout apport de pollution, domestique ou agricole, passe rapidement dans la nappe, les deux captages sont donc sous haute surveillance. Mais les acteurs – distributeurs d'eau potable, gestionnaires de captage, élus, techniciens, agriculteurs... – partagent le sentiment d'être sur le bon chemin. « On progresse, reconnaît David Cinier. On travaille ensemble à trouver des solutions. Nous avons dépassé l'approche purement réglementaire. Quand nous allons voir les agriculteurs, ils comprennent qu'il faut mettre en place des mesures agro-environnementales, même si ce n'est pas toujours simple. » Pour Gérard Mathan, maire de Belmont et président du syndicat des eaux de Biol, « c'est une évolution normale des mentalités et une nécessité ». Et si, l'opération Pil'azote, lancée en 1992, devenue Terre & Eau en 2008, a connu des fortunes diverses, il semble que la mobilisation se soit renforcée depuis le classement du captage de Biol. « Ça a redémarré de façon plus constructive, estime l'élu. Les agriculteurs sont partie prenante dans le comité de pilotage du captage et sont très bien informés. Il est très important que la coopération se fasse sans animosité, sans agressivité. Avant, les agriculteurs avaient l'impression qu'on voulait les contraindre. Aujourd'hui, ils ont pleinement conscience qu'ils participent activement aux opérations de la préservation de l'eau. »
Diffusion des bonnes pratiques
D'où vient ce changement d'attitude ? Chacun a sa petite explication. Mais il est certain que les animateurs et les techniciens de la chambre d'agriculture, qui s'efforcent de diffuser les bonnes pratiques, ne sont pas pour rien dans ce patient travail de formation et d'information. Diagnostics, conseils individuels, propositions de pistes d'action, appui à la mise en place d'itinéraires économes en intrant, suivi des indicateurs... De multiples leviers sont actionnés. Avec succès. « Pour nous, ça va dans le sens de l'histoire, confie Eric Chavrot. On n'a pas le droit d'être borné avec ces questions-là. J'habite sur la zone et je me sens totalement concerné par la problématique. Nous sommes ouverts à d'autres manières de faire. Mais il faut aussi voir comment ça se passe au niveau économique. S'il y a du matériel à acheter – une herse-étrille par exemple pour remplacer le désherbage chimique –, de la main-d'œuvre, du temps passé : qui paie ? Tout cela n'est pas gratuit ! » Comme Eric, ils sont nombreux à être conscients qu'« on ne peut pas continuer comme ça ». Mais tous mettent en balance le changement de pratique et ses incidences économiques. « S'il y a une baisse de rendement ou plus de travail, qui va compenser la différence ? » C'est tout l'enjeu du pari agriécologique porté par Stéphane Le Foll...
Marianne Boilève
AnimationsLe concours, un voyage au fil de l'eau
Baptisé L'élevage au fil de l'eau, le concours départemental a cette année des allures de manifeste. « L'eau est un sujet sensible, notamment dans ses aspects agricoles. Le concours, c'est l'occasion d'en parler en dédramatisant, en expliquant ce que font les uns et les autres », explique André Perrin, en charge de la commission responsable des animations autour de l'Eau qui seront proposées au public lors du concours. Expositions, maquettes, ateliers, débats, expériences scientifiques : la thématique de l'eau sera abordée sous différentes formes : pédagogique, ludique, technique et même spectaculaire, puisque le week-end sera rythmé par un show aquatique (le samedi soir), des « danses de l'eau » (le dimanche) ainsi qu'une séance de théâtre d'improvisation sur les rapports qu'entretiennent l'élavage et l'eau…Le Centre d'information sur l'eau brossera un portrait général de la ressource à travers trois expositions (l'eau apprivoisée, l'eau protégée et les usages de l'eau), alors que l'Agence de l'eau proposera une approche plus territoriale (d'où vient l'eau en Rhône-Alpes, les zones humides, les captages…). De leur côté, la chambre d'agriculture, Terre & Eau et le Smabb aborderont la thématique sous son aspect agricole, prenant appui sur de petites vidéos humoristiques pour lancer le débat et expliquer le travail entrepris avec les agriculteurs pour préserver la ressource. Les irrigants de l'Isère interviendront également pour décortiquer les cycles respectifs de l'eau et de la plante et expliquer les techniques modernes d'irrigation. Pour couronner la fête - et attirer le public le plus large possible -, la soirée du samedi sera placée sous le signe de la « féérie des eaux », un grand show aquatique allaint son et lumière et projection sur un rideau d'eau.MBConcours départemental d'élevage les 22 et 23 août. Parking, entrée et animations gratuits. Restauration possible sur place.
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