Encore plus catastrophique que 2013

Les années se suivent et se ressemblent. C'est l'amer constat de la filière apicole concernant la récolte de miel de la saison 2014. « 2013 avait déjà été qualifiée de catastrophique. C'est pareil cette année », déclarent, d'une même voix, les apiculteurs isérois. La situation est même encore pire, car l'an passé, il subsistait encore quelques stocks qui avaient permis de terminer la saison. Ce n'était même plus le cas cette année. Les températures douces de l'hiver ont été à l'origine d'un fort affaiblissement des colonies (puisque les abeilles, qui sont davantage sorties des ruches, ont plus consommé de miel et de pollen). Malgré cela, avec une météorologie favorable durant les mois de mars, avril et mai, le printemps restait prometteur. Pourtant, à part les miels de colza et de fruitiers, les récoltes sont faibles. Très faibles pour les miels de montagne, de lavande, de tilleul et de châtaignier. Inexistantes pour les miels d'acacia et de sapin. Résultat : « les pertes de rendement sont de l'ordre de 42 % par rapport à 2013 », indique l'Adara, l'Association pour le développement de l'apiculture en Rhône-Alpes, d'après une étude réalisée auprès de 55 adhérents.
Arrêt des exploitations
Le moral des apiculteurs est donc au plus bas, car ils ont dû passer beaucoup de temps et d'argent pour nourrir les colonies tout au long de l'été froid et pluvieux, sans que cela n'ait d'incidence sur leur production. Du côté des apiculteurs professionnels, il y a ceux qui sont en activité depuis longtemps, qui n'ont pas d'emprunts en cours, qui essaient de passer le cap. Et il y a les jeunes installés pour qui la situation est toute autre. Laurent Joyer, de l'Adara, a déjà identifié sept apiculteurs, engagés depuis moins de cinq ans, qui arrêtent leur activité. « Leurs charges ont explosé et ils n'ont plus aucune vente à effectuer », précise-t-il. Quant aux apiculteurs de loisirs, il devient de plus en plus difficile pour eux d'injecter sans cesse leurs deniers personnels dans la survie de leur activité.
Des prix qui flambent
L'incidence sur les prix de vente du miel et de ses produits dérivés sera sans doute sans précédent. Certains apiculteurs les augmentent de 30 à 50 %. D'autres l'ont déjà fait l'année dernière et estiment que le consommateur ne pourra pas supporter de telles hausses successives et qu'il se détournera de la production française. Le choix est cornélien. Entre la survie des exploitations et la volonté de ne pas faire flamber les prix. En plus, ces faibles récoltes ne permettent pas non plus aux apiculteurs de satisfaire l'ensemble de leurs débouchés. Patrice Bonzon, du Gaec Les ruchers du bon val, à Annoisin Châtelans, a arrêté l'approvisionnement de deux grandes surfaces et d'une quinzaine de points de vente, pour ne garder que le magasin de sa ferme. Le problème est qu'une fois perdus, les marchés sont difficiles à reconquérir. Ce nouveau manque de production favorise encore davantage l'entrée des miels d'exports en provenance des pays de l'est. « Alors qu'en année normale, le miel français ne couvre déjà que 27 % de la consommation », précise Patrice Bonzon. Pour pallier quelque peu les pertes financières des apiculteurs, une demande d'ouverture de procédure de calamité apicole est en cours au niveau régional. Toutes les DDT sont actuellement sollicitées.
Les phytosanitaires montrés du doigt
L'équilibre financier des exploitations n'est pas la seule préoccupations des apiculteurs qui s'inquiètent encore davantage pour la santé de leurs abeilles. Car elles sont de plus en plus affaiblies. « Malmenées dans un environnement défavorable, elles sont, depuis 20 ans, de plus en plus sensibles aux moindres changements », note Yves Argoud-Puy, apiculteur à Vaulnaveys-le-Haut. « C'est un affaiblissement qui provient de la présence dans le milieu naturel de molécules indésirables utilisées par l'agriculture, de conditions météorologiques plus difficiles et du développement de prédateurs comme le varroa », explique-t-il. Pour Roger Tronel, président du Groupement de défense sanitaire apicole de l'Isère, « il est difficile de prouver l'origine de la mortalité des abeilles. Néanmoins, il a été constaté qu'il n'y avait pas de problèmes de résidus de produits phytosanitaires dans les ruchers de montagne et de zone péri-urbaine. Ce n'était pas le cas dans les zones de cultures ».