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Développement territorial

Et si l'économie redécouvrait le local ?

Pour sortir de la crise, de nombreux acteurs territoriaux ont trouvé par la parade : s'appuyer sur les ressources locales et les regarder avec un œil neuf. Exemples picorés au cours de l'Atelier de l'innovation, organisé par l'agence Sud-Isère-Drôme du programme « Une rivière, un territoire ».
Et si l'économie redécouvrait le local ?

Face à la mondialisation, les territoires ont du répondant. C'est la conclusion optimiste de l'Atelier de l'innovation qui s'est tenu le 15 novembre au musée de l'eau de Pont-en-Royans. Impulsée par l'agence Sud-Isère-Drôme du programme « Une rivière, un territoire » porté par EDF, l'initiative a réuni une petite centaine d'élus, entrepreneurs, producteurs, chercheurs et acteurs territoriaux venus débattre des moyens d'articuler innovation et développement local. L'enjeu n'est pas mince. Car, si la situation du commerce des entreprises artisanales iséroises s'est un peu améliorée en 2015, l'embellie reste très fragile. Et le nombre d'emplois a diminué (- 0,3% en 2015). D'où la nécessité de s'appuyer sur les ressources locales pour développer une économie de proximité, favorable à la création d'activités et à la relocalisation de l'emploi.  « On ne peut pas imaginer le développement des territoires avec des produits standards, lance Bernard Pecqueur, enseignant-chercheur au laboratoire Pacte de Grenoble. Il faut s'appuyer sur des spécificités locales et les signes de qualité, rechercher des labels. Car la ressource est l'élément déclencheur. »

Vercors Lait, un exemple d'initiative locale réussie.

L'exemple de Vercors Lait

C'est ce qu'on fort bien compris les producteurs laitiers du Vercors lorsqu'ils ont racheté la coopérative Vercors Lait en 2003. « Ça a été compliqué les quatre premières années, explique son président, Paul Faure. Quand on est agriculteur, ce n'est pas facile de s'occuper d'une usine... Fin 2007, nous avons même été au bord du dépôt de bilan. Mais nous avons été très soutenus, notamment par la communauté de communes, le Département et le parc du Vercors. » Et Vercors Lait s'en est sorti. Pour Paul Faure, la clé de sa réussite passe par « un produit de qualité, donc un lait de qualité. Pour cela, les producteurs doivent être rémunérés correctement. » Produire, c'est bien, mais il faut aussi vendre. Pour trouver des débouchés, la coopérative a mené un gros travail auprès des grossistes, des touristes et des restaurateurs. Elle a également lancé de nouveaux produits, une gamme bio, et ouvert trois magasins. Autant d'actions qui ont fini par payer. « Aujourd'hui, la seule voie pour se tirer d'affaire, c'est que les éleveurs se prennent en main », conclut Paul Faure.

 

Curiosité et imagination

Le succès de Vercors Lait montre que la réussite de ce type d'entreprise n'est pas lié à la nature du produit (le fromage, tout le monde en fabrique, à commencer par les industriels), mais à sa qualité et aux hommes qui portent le projet. Il suffit parfois de faire preuve de curiosité et d'imagination. Les témoignages qui se succèdent tout au long de l'Atelier de l'innovation montrent que la valorisation des ressources locales est un « facteur de résilience des territoires face aux mutations du système économique global », souligne Manuel Lenas, directeur « Une rivière, un territoire » Sud Isère Drôme. C'est ce que démontrent de nombreuses expériences, y compris en milieu rural, comme celles présentées par Alp Lignum (lire ci-dessous) ou par Séverine Aufort, directrice de la Boîte à essais, un incubateur « agri-rural » qui accueille des porteurs de projets dans le Sud Grésivaudan le temps de « se tester grandeur nature ».

Construire des partenariats

La démarche vaut également pour des ressources traditionnelles passées à la trappe de la modernité. « Le changement de regard sur la ressource se traduit par un développement du business », fait observer Jean Pivart. Le dirigeant de Fayol, entreprise drômoise spécialisée dans la fabrication de produits réfractaires, sait de quoi il parle. Constatant que ses produits standards ne faisaient plus recette et que le savoir-faire traditionnel de son entreprise (les fours à pain) était en train de se perdre, l'entrepreneur s'intéresse à un matériau local, la terre blanche de Larnage, dont il possède une carrière. Après analyse en laboratoire, il s'avère que cette terre est parfaitement adaptée à la fabrication de four à pain. Ni une, ni deux, l'entreprise conçoit le Panyol, un four à bois culinaire 100% naturel qui, une fois lancé sur le marché, remporte un véritable succès en France et à l'international. Et pousse Jean Pivart à imaginer un partenariat avec la filière bois pour « travailler sur les techniques de chauffe ».

Rebondissant sur cet exemple, Bernard Pecqueur rappelle que « le temps est terminé où les gens consommaient tous la même chose. La solution aujourd'hui, c'est la diversité des produits ». Or les territoires peuvent parfaitement générer cette diversité. « Nous avons besoin de réinventer les différences, et notamment les différentes coopérations au sein des territoires, insiste le chercheur. Et pourquoi pas à travers des mariages étonnants ? » Car l'innovation n'est pas que technologique, elle est aussi organisationnelle. Et imaginative.

Marianne Boilève

La synthèse de l'atelier de l'innovation en vidéo

 

Filière bois

Alp Lignum : s'associer pour conquérir de nouveaux marchés

Créé en 2014, Alp Lignum est un groupement d'entreprises iséroises issues de la première et seconde transformation du bois. Née des suites de la crise de 2008, qui a réduit les carnets de commandes comme peau de chagrin, la structure est composée de quatres scieries (Treminis, Varces, Lus-la-Croix-Haute, Mens), un bureau d'étude bois (Grenoble) et cinq entreprises de charpente (Renage, Les Adrets, Vif, Autrans et Beaucroissant). Son crédo : mutualiser des compétences technico-commerciales pour conquérir de nouveaux marchés. « Nous faisons partie d'un tissu de TPE (très petites entreprises, ndlr) qui n'ont pas les moyens de développer des compétences en interne, explique son dirigeant, Frédéric Sabourault. Or la profession se numérise. Nous n'avons pas non plus les moyens d'aller chercher les prescripteurs. C'est ce qui nous a conduit à créer une structure, dans laquelle chacun a mis des billes. » Il a fallu un peu de temps aux partenaires pour s'accorder (« Nous sommes des chefs d'entreprises issus d'un milieu peu habitué à collaborer », reconnaît Frédéric Sabourault), mais les premières affaires démontrent que la démarche est bien reçue. Pour se différencier sur le marché, le groupement développe des systèmes constructifs (mur en bois massif tourillonné - sans colle -, mur en poteau poutre, mur en ossature...) visant à réintroduire un maximum de bois dans la construction. Alp Lignum vise un chiffre d'affaires autour de 2 millions d'euro d'ici deux ans.
MB