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Histoire

Eugène Chavant, le poilu devenu chef de maquis

En cette année commémorative, le musée de la Résistance rend hommage à un combattant de la Grande Guerre devenu "patron" du maquis du Vercors en 1943 à travers un livre et une exposition temporaire. A voir jusqu'au 13 octobre.
Eugène Chavant, le poilu devenu chef de maquis

« Chavant, ce n'est pas que du cinéma » L'affiche du musée de la Résistance a fait son apparition cet été sur les murs de Grenoble, apprenant ou rappelant à ses habitants qu'Eugène Chavant, bien mieux qu'un multiplexe, avait été un résistant aux multiples facettes. Dans un passionnant ouvrage paru fin septembre, l'historien Gilles Vergnon raconte en format poche le parcours étonnant de ce natif de Colombe qui, à deux reprises, prit les armes pour défendre son pays. Une première fois, à l'aube de la Grande Guerre, une seconde fois à l'automne 40 alors que la République s'effondre au profit du régime de Vichy.

Sorti indemne de Verdun

Fils d'un cordonnier et d'une soyeuse, Eugène Chavant est avant tout un enfant de la troisième République et de ses valeurs. Né en 1894, il s'engage à 18 ans dans un régiment de dragons, qui le conduira tout droit sur le front alsacien dès août 1914. La bataille de la Marne, le front de Champagne, les tranchées, Verdun, l'offensive de la Malmaison, près du Chemin des Dames... Chavant est de tous les combats. Et s'en sort indemne, en dépit de nombreux actes de bravoure qui lui valent d'être cité trois fois à l'ordre de sa brigade. « Excellent sous-officier, n'a jamais cessé d'être un exemple vivant du devoir », mentionne l'une de ces citations.

Démobilisé en août 1919, après sept années passées sous les drapeaux, Eugène Chavant revient à la vie civile, miraculé, mais profondément éprouvé. Gilles Vergnon raconte son retour en Isère, son installation à Grenoble et ses premiers engagements politiques. Redevenu chaudronnier, l'ancien dragon adhère à la FOP (Fédération ouvrière et paysanne), une association d'anciens combattants, ainsi qu'au parti socialiste SFIO. Au début des années 30, Chavant fréquente les figures du socialisme local, et notamment le docteur Léon Martin, grand résistant lui aussi ressuscité à nos mémoires par la campagne de communciation du musée de la Résistance (« Docteur Martin, ce n'est pas qu'un arrêt de bus », proclame l'affiche composée sur le même principe que celle de Chavant). Elu conseiller municipal à Saint-Martin-d'Hères en 1929, Chavant devient premier adjoint quelques temps plus tard et maire de la ville en mars 1938.

Clandestinité

Lorsque la seconde guerre mondiale éclate, Eugène Chavant a 45 ans. Coiffé de sa double casquette d'ancien combattant et d'élu politique, il vit très mal la défaite de 40, l'armistice et plus encore l'installation du nouveau régime par le maréchal Pétain, vainqueur de Verdun... En novembre 40, Chavant démissionne de ses fonctions de maire et glisse sans bruit dans la clandestinité. Il y retrouve le docteur Martin et quelques autres pour engager les premiers actes de ce qui ne s'appelle pas encore la Résistance.

Spécialiste de la période et surtout du maquis du Vercors, Gilles Vergnon a réalisé un travail de fourmi pour reconstituer le parcours de Chavant - devenu Clément - durant ces « temps obscurs », où le secret a force de loi. Après avoir été membre du « groupe Martin » à Grenoble, Chavant rejoint le deuxième « Comité de combat » du Vercors pour en devenir, à l'automne 43, le  chef civil, le « patron ». Et c'est en tant que tel qu'il fait placarder une affiche annonçant que « le 3 juillet 1944, la République française a été officiellement restaurée dans le Vercors ». Une Libération anticipée, chèrement payée : les Allemands exerceront d'épouvantables représailles trois semaines plus tard. A peine libéré, le Vercors devient martyr.

Marianne Boilève

 

Eugène Chavant, Du Eugène Chavant, Du "poilu" au chef de maquis. Ouvrage de Gilles Vergnon, édité par le musée de la résistance et de la déportation en Isère, collection "Parcours de résistants" (12 euros).

 

Vercors 40/44

A l'occasion des 70 ans du maquis du Vercors, le musée de la résistance et de la déportation en Isère présente une exposition temporaire retraçant l'histoire de ce « maquis emblème » de la Résistance française. S'appuyant sur les recherches historiques les plus récentes, ce travail fait le point sur les trois « temps » qui ont fait l'histoire du maquis, du « plan Montagnards » à la « République en Vercors » en passant par la fameuse « réunion Monaco » qui, en janvier 44 à Méaudre, voit se coordonner les principaux chefs de la Résistance iséroise. L'exposition est intéressante par le regard croisé qu'elle propose, grâce aux sources françaises et allemandes. On peut y voir notamment le témoignage vidéo d'un ancien combattant allemand ayant participé à l'assaut du Vercors. Bouleversant.
MB
Tous les jours jusqu'au 13 octobre (du lundi au vendredi 9h-18h, mardi 13h30-18h, samedi et dimanche 10h-18h) Musée de la Résistance, 14 rue Hébert à Grenoble. Tel : 04 76 42 38 53