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Territoire

Face aux difficultés, la pugnacité

La réunion de territoire de la FDSEA pour le secteur Beaurepaire/Roussillon a révélé un vrai malaise. Mais les producteurs font face.
Face aux difficultés, la pugnacité

Le malaise est palpable. Les agriculteurs, arboriculteurs pour l'essentiel, sont remontés autour de la table. La réunion de territoire de la FDSEA de l'Isère dans le secteur de Beaurepaire et du pays Roussillonnais est révélatrice de l'antagonisme entre une profession qui n'est plus entendue, ni par certains élus, ni par une partie de la population. Mais pour les deux qu'une partie seulement, heureusement.
« L'idée de la FDSEA dans sa nouvelle organisation est de coller au territoire, rappelle Pascal Denolly, administrateur de la centrale syndicale. Et donc dans les territoires à économie forte comme ici, il faut se demander comment l'agriculture peut être prise en compte ». Car même si elle est bien implantée avec des filières arboricoles ou maraîchères remarquables, ce secteur économique ne pèse pas beaucoup vis-à-vis des grandes entreprises industrielles du couloir de la chimie. « Il y a un certain mépris à notre encontre de la part de certains élus locaux », assène Pascal Denolly. Aucun nom n'est donné, mais tous autour de la table ont compris le message. Toutes les collectivités ne sont pas à la même enseigne. L'implication de Bièvre Isère communauté dans des projets de méthanisation destinés à transformer les effluents d'élevage d'une bonne partie de ce secteur occidental du département relève le moral et est apprécié. Même si un éleveur considère qu'une étape de trop a été imposée, celle de la précédente mise aux normes. « Je me suis endetté pour 15 ans, pour des investissements non rentables. Mon fils va s'installer dans quelques années, je ne peux pas l'enterrer avec un nouvel endettement avant son installation », s'exclame-t-il. Pour sa part, l'entrée dans le projet de méthanisation attendra donc un peu.

Prendre du temps

« Ce dossier est important car il va nous permettre de reprendre en main notre image et d'expliquer notre métier », estime Pascal Denolly. Car le dénigrement permanent, les attaques fréquentes dont sont victimes les agriculteurs parce qu'ils traitent, parce qu'ils se déplacent avec des machines, portent vraiment atteinte à leur moral. « Vis-à-vis des pollutions, nous devons prendre notre part, reconnaît Pascal Denolly, mais seulement notre part. Il y a bien d'autres facteurs que nous ne maîtrisons pas ». Surtout quand on est proche du couloir de la chimie ou des autoroutes. « Nous faire traiter d'agriculteurs pollueurs est insupportable, dénonce Jérôme Jury, de Saint-Prim, candidat sur la liste FDSEA/JA pour les prochaines élections consulaires. Chacun d'entre nous se sent un peu impuissant face à ces réalités quotidiennes. » Mais l'arboriculteur ne s'avoue pas vaincu. « Il faut communiquer, prendre du temps avec les détracteurs pour expliquer ce que nous faisons depuis quelquefois longtemps sans que cela soit réellement su en dehors de notre cercle professionnel. » La confusion sexuelle pour lutter contre certains insectes prédateurs date de 15 ans et a beaucoup fait pour diminuer les traitements. Le recours aux filets paragrêle peut aussi limiter les vols de carpocapse. Et donc autant de traitements en moins. Mais il faut le dire. « La FNSEA s'est rapproché du WWF et c'est une bonne démarche pour être entendu par certains milieux, apprécie Pascal Denolly, mais il faut aussi décliner la communication au niveau local. Il faut expliquer comment nous avons progressé et combattre les fausses vérités ». Ce n'est pas parce qu'un pulvérisateur est à l'œuvre que le produit est obligatoirement toxique par exemple. Autour de la table, chacun a son anecdote.

Dindons de la farce

Mais si le moral est en berne, c'est parce que tous ces efforts réels de chacun dans son exploitation ou collectivement, ne sont pas vraiment récompensés par un prix à la hauteur. Si les coûts de production ne sont pas faciles à déterminer, de toute façon les prix pratiqués sortie exploitation sont aléatoires. Et la contractualisation n'est même pas une solution pour la quasi totalité des agriculteurs présents autour de la table. « Quand les volumes manquent, on sait que l'on vendra notre marchandise, mais à un prix inférieur au marché parce que souvent encadré par un contrat fixé avant la saison, donc à un prix moyen. En revanche, s'il y a surproduction sur le marché, notre marchandise n'est même pas prise, contrairement aux clauses très rassurantes du contrat. Et que voulez-vous y faire ? Un procès ? Mais ce serait l'assurance de perdre le client et le débouché pour plusieurs années », racontent la plupart des producteurs. C'est ce que l'on appelle des dindons. « Il faut non pas de simples protocoles, mais de vrais contrats, estime Pascal Denolly. Ils ont plutôt la faveur de la loi Egalim ».
Au niveau local, la démarche Is(h)ere est envisagée avec prudence. « Nous ne devons pas faire rêver et promettre plus de 15% de rémunération aux producteurs pour les produits qu'ils proposeront, avance Pascal Denolly, mais nous sommes là sur des marchés plutôt de masse qui s'appuient sur des GMS intéressées. »

Les sangliers, bons indicateurs

Les dégâts de gibier ont soulevé un concert d'indignation autour de la table. Là-aussi, certaines ACCA joueraient sur un mépris vis-à-vis de la situation des agriculteurs. « On nous reproche beaucoup de choses, mais justement si les sangliers viennent autant, c'est que nos sols regorgent de vers de terre, donc qu'il y a de l'humus et qu'ils ne sont pas matraqués par les produits chimiques », fait remarquer Françoise Thévenas, responsable syndicale locale. Décidément le travail bien fait ne paie pas.

Jean-Marc Emprin

Portrait / Candidat aux élections consulaires, Jérôme Jury considère que l'atout des productions locales est bien dans leur origine France

Une qualité niveau 3

A la tête de l'exploitation Les fruits du Val qui rit, à Saint-Prim, Jérôme Jury est aussi administrateur de la Fédération nationale des producteurs de fruits ( FNPF), suppléant de Robert Juillet. Figurant sur la liste Avançons ensemble les pieds sur terre, portée par la FDSEA de l'Isère, l'arboriculteur « n'a pas d'ambition de carrière de représentant professionnel », mais pense plutôt qu'il « est important que la filière fruit soit représentée à la chambre d'agriculture ». Ce secteur de production compte 155 exploitations spécialisées dans le département pour 11% du revenu de la ferme Isère et seulement 4,6% des surfaces cultivées dans le département.
« Il y a des évolutions fortes de la demande des consommateurs, notamment dans le domaine de la sécurité alimentaire et de la traçabilité, analyse le producteur de Saint-Prim. La charte des bonnes pratiques envisagée par la profession au niveau départemental est un signal fort montrant que la profession est prête à répondre à ces attentes. » Le producteur est persuadé qu'il faut même aller plus loin : « la démarche Haute valeur environnementale (HVE) de niveau 3 doit nous guider » estime-t-il, même si ces cahiers ne deviennent malheureusement que des portes d'entrée au marché. Il croit d'ailleurs fermement « aux produits d'origine française car les consommateurs y sont de plus en plus attentifs... Il vaut mieux d'ailleurs une certification HVE 3 bien française, qui prend en compte de nombreux paramètres que l'on peut expliquer, qu'un produit bio importé de l'autre bout de la terre », estime-t-il. Question de cohérence et non d'opposition entre les démarches. C'est aussi ces démarches qualitatives et non un contrat qui peuvent assurer un prix rémunérateur avance-t-il en substance.
 
JME