FDSEA et JA mettent la grande distribution sous surveillance

Soirée très chaude à La Tour-du-Pin, mercredi soir 1er juillet. Et pas seulement à cause de la canicule. A l'appel de la FDSEA et des JA de l'Isère, entre 150 et 200 agriculteurs ont convergé de tous les points du département – Isle-Crémieu, Bièvre, Trièves, Terres froides... - pour laisser éclater leur colère, leur trop plein d'incompréhension face à une situation qu'ils ne maîtrisent plus. « Si vous êtes là, c'est que vous n'arrivez plus à dormir », lance Pascal Denolly, président de la FDSEA de l'Isère.
Pas de franc-jeu
A plus de 22 heures, effectivement, aucun n'avait envie de dormir alors qu'ils subissent, tous, des prix du litre de lait payés aux producteurs de 20% inférieurs à ceux de l'année dernière. Les niveaux annoncés par les collecteurs tournent autour de 300/310 euros les 1 000 litres, alors que les coûts de revient se situent autour de 340/350 euros. « L'an dernier, les comptabilités des agriculteurs n'ont pas explosé, rappelle avec fermeté Pascal Denolly. On a tout juste rebouclé un long cycle douloureux commencé en 2009. En 2014, les trésoreries ont juste été reconstituées ». Et le responsable syndical d'estimer que chacun doit jouer son rôle. Celui de l'éleveur est de produire du lait aux normes. Les autres maillons de la chaîne doivent le collecter et le distribuer en le rémunérant à la hauteur de cette qualité. « Mais aujourd'hui, ces maillons ne jouent pas franc-jeu. Quand ils font venir du lait de l'extérieur pour créer artificiellement une surproduction, avec des prix extrêmement bas, ils ne respectent plus leurs partenaires. Dans toute relation, les termes doivent être équilibrés », souligne-t-il. Pourtant, face aux déséquilibres, à la relation léonine qui lie producteurs et collecteurs, dans laquelle les organisations de producteurs (OP) ne peuvent guère peser d'un poids réel, des lois ont été votées par différents gouvernements. La LMDE n'est pas appliquée. D'un autre côté, les dirigeants de GMS « bavassent et veulent faire croire aux consommateurs qu'ils nous soutiennent, mais avec quoi ? Des brancards ? », s'interroge le leader syndical.
Une action longue
Il prévient : « Cette soirée n'est pas à ranger dans la catégorie action coup de poing, sans lendemain. FDSEA et JA vont mettre sous surveillance dans un premier temps la grande distribution. C'est à nous qu'incombe d'aller dire aux GMS que la loi doit être appliquée.»
Enervement
Quelques élus locaux étaient là : Jean-Pierre Barbier, président du conseil départemental et député, André Gilet, Magali Guillot, Fabien Rajon, mais aucun n'est intervenu estimant que la compétence et les moyens d'actions n'étaient pas en leur possession. Une attitude qui a eu plutôt le don d'énerver les manifestants qui attendent des réponses politiques à leur impasse économique. D'autant plus que beaucoup de jeunes étaient présents.
Certains ont expliqué, parfois avec véhémence, que la réalité de leur situation. « Les prélèvements sont automatiques, MSA, EDF, eau, impôts... Ce qu'il nous reste ? Rien. Nos femmes et nos enfants, nous n'arrivons plus à les faire vivre », s'énerve un jeune, installé depuis moins de dix ans et connu dans la profession pour avoir une exploitation plutôt solide. « Aujourd'hui, les meilleurs flanchent, consultez les banques, regardez les prêts d'emblavure qui sont pris pour débuter la saison », lance Pascal Denolly à l'encontre des élus et du sous-préfet. Car si la situation touche de plein fouet les éleveurs, toutes les filières et les productions sont concernées. « Avec des prix pareils, des exploitations arrêteront à la fin de l'année et ça, je ne le veux pas », clame-t-il avec colère et sous des applaudissements nourris. D'autres bravos ont éclaté à un moment tendu quand certains ont rappelé qu'il y a six ans, lors de la grève du lait de l'été 2009, les producteurs étaient déjà à La Tour-du-Pin. « Rien n'a changé ! » crient des déçus et pour certains, « indépendants » de mouvance syndicale. Mais s'ils étaient là, c'est qu'il y avait bien unité dans un constat : la situation ne peut plus durer, les éleveurs, et les producteurs d'une manière générale, sont à bout de souffle.