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Patrimoine

Fort Barraux : l'héritage d'une sentinelle militaire

Depuis 1597, Fort Barraux surplombe la vallée du Grésivaudan. Construit en plusieurs étapes, les ingénieurs qui se sont succédés pour le concevoir ont marqué le site, façonnant une forteresse imprenable.
Fort Barraux : l'héritage d'une sentinelle militaire

Installé en sentinelle sur les contreforts de Chartreuse, le fort Barraux, construit sous le nom de Fort Barthélemy, domine l'Isère et la Savoie depuis 400 ans. Cette fortification bastionnée (système de défense qui, à l’opposé des défenses médiévales composées de hautes et épaisses murailles, « enfonce » les ouvrages défensifs dans le sol pour les rendre moins fragiles) constitue d'ailleurs l’une des plus anciennes et des plus prestigieuses places défensives des Alpes.

Son édification a été réalisée en 1597, sous le commandement du Duc Charles Emmanuel 1er de Savoie, par l’ingénieur militaire piémontais Ercole Negro. Le Duc de Lesdigières, qui s'était étonné qu'Henri IV laisse faire cette construction en territoire dauphinois, l'avait repris dans la nuit du 15 mars 1598. Les finances de l'Etat n'auraient pas permis une telle construction, mais le site était bien choisi. Les armées avaient l'assurance d'une défense bien gardée !

Le Fort est classé aux Monuments historiques depuis 1990. L'entrée n'est pas celle d'origine conçue par Ercole Negro du côté savoyard, mais par Vauban.

Vauban

Au cours des décennies qui ont suivi, le fort a connu de nombreuses évolutions architecturales autour du plan général conçu par Ercole Negro (Jean de Beins a notamment fait construire en 1608 l'Hôtel du gouverneur). Mais les modifications les plus importantes ont été apportées en 1692 et 1700 par Vauban, le célèbre ingénieur militaire de Louis XIV. Lorsqu'il visite les places des Alpes, de nouveau sous la menace du duc de Savoie, il se montre très critique vis-à-vis de la conception du fort Barraux. Il  corrige donc les faiblesses défensives, en approfondissant les fossés, modifie le plan des bastions et relève les pointes. Il fait aussi construire des souterrains. « Vauban était un militaire mais aussi un humaniste. Il cherchait à préserver la vie, la santé, voire le confort de ses soldats et travaillait même à ce que leur quotidien soit moins dur », explique Pierre Marzocca, généalogiste passionné par l'histoire et président de l'Association de sauvegarde et de valorisation de Fort Barraux. « Soucieux d'une organisation rationnelle des bâtiments, il imprime sa marque à l'ensemble, en créant une ordonnance géométrique des éléments et en veillant à l'aspect pratique des cantonnements, des magasins, des ateliers et de tout ce qui est nécessaire à la vie quotidienne et à la défense, notamment à la disposition judicieuse des accès et des communications », détaille François Lesbros, dans son ouvrage « Fort Barraux, quatre siècles d'histoires ».  « C'est lui aussi qui fera construire les deux casernes, l'arsenal, le bâtiment du puits, la grande poudrière et la chapelle (dont il fait les plans mais qu'il ne verra pas, car elle fut achevée en 1724) », indique encore Pierre Marzocca. Une nouvelle étape dans la construction du Fort est mise en œuvre vers 1820 avec la construction par le Général Haxo d’un cavalier casematé sur le front de Grenoble pour renforcer sa défense.

La chapelle a été construite en 1725 grâce aux plans de Vauban. Elle a été décorée par Robert Haas, un officier allemand emprisonné au Fort durant la seconde guerre mondiale.

Monuments historiques

Fort Barraux a connu plusieurs utilisations. Par sa situation, il a rempli une fonction dissuasive. Il a aussi servi de garnison ainsi que d'entrepôt pour les armes et les munitions. Mais il a surtout été utilisé comme prison. « La première personne internée au fort fut Marie Vigon, maîtresse et seconde épouse du duc de Lesdiguières. Il y eut ensuite trois périodes carcérales importantes », rapporte le président de l'association. Des prisonniers allemands y ont été enfermés pendant la première guerre mondiale. « Mais les archives laissent penser que les conditions de vie étaient plutôt agréables, les soldats étaient tirés à quatre épingles. Ils faisaient de la musique et du théâtre » raconte Pierre Marzocca. Entre 1940 et 1945, le site devient un centre de séjour surveillé sous le gouvernement Pétain. Il sert de prison aux civils (trafiquants de marché noir, syndicalistes, communistes, tziganes) mais aussi à 119 juifs envoyés ensuite à Auschwitz. Enfin, il a été utilisé pour les prisonniers de guerre allemands jusqu'en septembre 1947, moment où il est reconverti en dépôt de munitions pour l'armée des Alpes. Désaffecté en 1988, le fort est acheté par la commune de Barraux. Il est classé au titre des monuments historiques en 1990.

 

Isabelle Brenguier

Le devenir du Fort Barraux

L'arsenal, réalisé d'après les plans de Vauban, était utilisé pour stocker et réparer les canons. Devenu
Propriété de la commune de Barraux depuis 1988, Fort Barraux, avec ses quatre siècles d'histoire, constitue pour celle-ci un élément patrimonial remarquable. Il est aussi un lieu de vie pour les Barrolins, puisque la salle Vauban, ancien arsenal restauré, est utilisé pour la vie associative du village, l'organisation de conférences et de réceptions. Selon Christophe Engrand, maire de Barraux, « le fort est un lieu de caractère qui permet aux habitants de se retrouver. Ils y sont très attachés. D'autant que jusqu'à ce qu'il soit acheté par la commune, personne n'avait jamais pu pénétrer dans son enceinte. Les Barrolins se le sont appropriés et y tiennent beaucoup. Pas question pour eux, ni pour l'association de sauvegarde de le céder ». Pour autant, il n'en demeure pas moins une charge. « Aujourd'hui, nous réalisons l'entretien minimum. Nous ne pouvons pas nous lancer dans des gros travaux  », assure-t-il.
Des partenaires
Alors, quel avenir pour ce site chargé d'histoire et encore relativement bien conservé par l'occupation quasi permanente dont il a fait l'objet ? La commune s'est posée la question et a commandé une étude pour étudier son potentiel. « L'idée serait d'allier l'économie et la culture, mais aussi de garder une partie publique (la salle Vauban) pour la vie locale. Le palais du gouverneur pourrait être réhabilité en hôtel-restaurant. Nous avons souvent des demandes pour organiser des séminaires. D'autres parties pourraient accueillir des entreprises de petit artisanat », dévoile Christophe Engrand. « Mais ce n'est pas évident. Pour parvenir à nos fins, nous devons nous faire aider, trouver des partenaires, des montages juridico-économiques. Le sujet doit être encore travaillé. Le principal problème est la recherche de financements. Une rencontre est prévue avec la communauté de communes du Grésivaudan et Isère tourisme. Ils vont nous apporter leur savoir-faire et leur ingénierie », ajoute le premier magistrat de la commune.
IB

 

 

Informations pratiques

Visite commentée à 15h 00  - durée : 1h30 à 2h
Mai - Juin - Septembre  - Les dimanches et jours fériés
Juillet et août - Tous les jours
Contact : 06 37 63 02 95