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Stratégie

L'abattoir piste toutes les rentabilités

Les difficultés sont toujours présentes, mais l'abattoir de Grenoble commence un nouvel exercice en poursuivant ses pistes de développement orientées vers le service aux usagers.
L'abattoir piste toutes les rentabilités

L'abattoir de Grenoble n'est pas encore sorti de l'ornière. Pour autant, trois ans après sa reprise par un collectif d'usagers, l'heure est à la prospective. Comme dit le proverbe japonais : tomber sept fois, se relever huit. Les chiffres traduisent une réalité complexe. Celle d'une transition qui n'est pas achevée, d'un équilibre qui demeure fragile et d'un passé qui ne demande qu'à ressurgir.
Jouant la prudence, les administrateurs du Pôle viande coopératif (PVC), la coopérative gestionnaire, ont démarré ce nouvel exercice, d'une part en continuant à renoncer à leurs jetons de présence, d'autre part en ne procédant pas au remplacement des salariés qui ont quitté l'entreprise (démission, retraite), hormis un poste à la découpe. L'effectif s'établit désormais à 17 salariés.

 


La rentabilité de l'outil est recherchée à tous les niveaux. Mais l'abattoir doit faire face à une nouvelle difficulté avec le départ du groupe Bigard qui réorganise son activité en région. La perte annuelle est de 1 000 tonnes, soit un tiers de l'activité. « Nous devons nous réadapter. L'objectif n'est pas de fermer l'abattoir », insiste Eric Rochas, le président de PVC.

Optimisation horaire

Cela commence par des petits changements sur les horaires. « La bouverie est maintenant ouverte à partir de 5h30 du matin. Quand les travaux seront finis, le portail du site sera fermé », explique Christian Oddos, administrateur de PVC. Pour un fonctionnement efficace de l'outil, il demande aux éleveurs « de bien faire annoncer les bêtes à la tuerie, si possible la semaine d'avant. Cela permet de mieux caler les journées d'abattage ». Les bêtes peuvent arriver la veille, voire en début de semaine pour les bovins. Mais pas le week-end, ni avant 5h30.

L'abattoir joue serré sur les coûts horaires de ses salariés, notamment sur les heures de nuit et les jours fériés. Dans ce même souci d'optimisation du temps des salariés, les jours d'abattage vont être réduits à quatre (contre cinq aujourd'hui). Les ovins passeront en début de semaine, les porcs en milieu et les bovins en fin de semaine.

Cooptation

Si le site bénéficie d'une lourde rénovation, à hauteur de 2,5 millions d'euros, les effets ne s'en sont pas encore fait ressentir. La salle d'abattage, les frigos de ressuyage et de conservation, la production d'eau chaude et d'eau froide, l'électricité et l'entrée de la bouverie ont été refaits.

 

 

En passant de trois à une chaudière, des économies sur la production d'eau chaude sont attendues. PVC a également renégocié son contrat de fourniture d'électricité et travaille désormais avec GEG. « L'économie estimée est de 10% sur une facture de 150 000 euros pas an », insiste Eric Rochas.
Côté éleveurs, le président de PVC invite ses collègues « à être chauvins » et à favoriser la production locale, notamment en demandant à chacun « de ramener un client ». Il s'agit surtout « de passer le cap entre le départ de Bigard et l'arrivée de nouveaux clients », sans quoi, il sera difficile de boucler l'exercice 2016.
Pour favoriser l'activité, PVC songe sérieusement à développer le volet commercial. L'idée est celle d'une personne ressource qui pourrait accompagner commercialement les besoins et les demandes des boucheries et des exploitations agricoles. « Nous ne pouvons pas rester inactifs », reprend le président.

Une collecte

Sur la question de la désaffection de certains éleveurs, les réponses sont plurielles. Les tarifs d'abattages peuvent être un peu élevés, mais les responsables rappellent qu'ils paient une redevance aux collectivités de 90 euros/tonne pour rembourser les frais engagés sur les travaux. Seul le conseil régional a versé une subvention de 400 000 euros non remboursable. L'abattoir sait aussi qu'il souffre d'un déficit d'image, de notoriété.
Une autre piste de développement est l'organisation de la collecte de bêtes. Les responsables de l'abattoir comptent organiser une réunion avec les marchands de bestiaux et les entreprises disposant d'une licence de transport pour imaginer la mise en place d'une tournée, avec ramassage des animaux dans un sens et livraison de la viande dans l'autre.
Le dossier de la saucisserie pourrait aussi trouver une issue favorable cette année, « sur des bases simples », mentionne le président. Il faudra d'abord réaménager une salle, mais ce service devrait permettre « de conforter - un peu - les volumes d'abattage ». Les recettes seront imposées. « Comme à la découpe, nous ne pouvons pas faire dans l'épicerie ». Comprendre que l'efficacité repose sur le même cahier des charges pour tous.

 

Les usagers sont nombreux à rester attentifs à la destinée de l'abattoir de Grenoble.


Enfin, d'autres travaux sont envisagés, à la faveur du développement du pôle alimentaire sur le site de l'abattoir. La façade devrait bénéficier d'un lifting. De nouvelles visites de l'abattoir seront planifiées à l'issue des travaux encore en cours, dans un souci de promotion de l'outil. Et comme il n'y a pas de petits profits, chaque visiteur payera sa tenue !

Isabelle Doucet

Une baisse des volumes

La société gestionnaire de l'outil, la Scic Pôle viande coopératif (PVC) enregistre un chiffre d'affaires de 60 000 euros pour son premier exercice sur 12 mois. Son résultat n'est que de 5 000 euros, qui ont servi à couvrir en grande partie l'apurement du passif. PVC est la société mère d'Abag SAS, exploitant l'abattoir. Le chiffre d'affaires de cette dernière, de 1,7 millions d'euros, est à la peine (1,8 millions d'euros sur le précédent exercice de 19 mois).
L'abattoir doit en effet faire face à une progression de ses charges, à une baisse des volumes produits, qui s'établissent à 2 830 tonnes en 2015 contre 3 100 tonnes précédemment et, à la nécessité de faire des provisions sur des condamnations issues de la précédente gestion. L'une concerne une amende liée au redressement judicaire d'un montant de 51 000 euros. Elle fait l'objet d'un appel fait par PVC, qui est suspensif. « Nous avons bon espoir », confiait Eric Rochas la semaine dernière, lors de l'assemblée générale qui réunissait les usagers (éleveurs, bouchers, grossistes, collectivités et salariés). La deuxième, qui concerne un licenciement économique, passera en appel aux prud'hommes.
 

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