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Europe

L'arc alpin, nouvelle macro-région européenne

Les représentants de sept Etats et de 15 régions ont lancé vendredi dernier à Grenoble un appel pour la mise en ?uvre d'une stratégie européenne dans l'espace alpin. Objectif : coordonner les actions et garantir un développement pérenne de la macro-région, notamment dans les montagnes.
L'arc alpin, nouvelle macro-région européenne

Après la Baltique et le Danube, les Alpes... Vendredi dernier, à Grenoble, les ministres ou les représentants de sept pays et de 15 régions de l'arc alpin ont dessiné les contours d'un nouveau territoire de l'Union européenne : les Alpes. Inspirés par le succès des stratégies macro-régionales développées dans la Baltique (2009) et la région du Danube (2011), les promoteurs de cette démarche souhaitent obtenir du Conseil européen que la région alpine bénéficie d'un dispositif similaire. L'ambition est de combiner développement économique et protection de l'environnement dans le cadre très contraint de l'arc alpin, et plus généralement dans celui de la stratégie Europe 2020 « pour une croissance intégrée, durable et inclusive ».

Approche moderne

L'enjeu est de taille. En France comme ailleurs, les Alpes luttent de concert sur plusieurs fronts : développement économique, déclin démographique, aggravation des inégalités, changement climatique, défis énergétiques et environnementaux... Or, avertit Jean-Jack Queyranne, président de la région Rhône-Alpes, « les Alpes constituent un territoire fragile. Si on ne veut pas qu'elles se transforment en un terrain de jeu pour citadins, il faut avoir une approche moderne, leur imaginer un avenir et associer les jeunes à cette réflexion. Nous devons penser les questions d'accessibilité, de formation. Nous devons aussi réfléchir à la gestion des ressources et au maintien des activités sur place, notamment l'agriculture. » Un chantier immense qui ne pourra aboutir sans une coopération internationale. D'où l'intérêt de la résolution politique prise lors de la conférence de Grenoble appelant à la mise en place une stratégie macro-régionale européenne dans les Alpes.

Concrètement, cette « stratégie » a pour ambition « d'accroître la solidarité mutuelle au sein de la région entre les espaces de montagne et les espace urbains, entre les territoires en perte de vitesse et les territoires dynamiques, entre les territoires fournisseurs d'aménité et ceux qui les consomment », annonce le document officiel signé vendredi dernier. Elle doit donner aux Etats et aux régions de l'arc alpin les moyens d'améliorer leur coopération et leur coordination « pour affronter des défis communs à certaines régions transfrontalières » (1). Une initiative salutaire à l'heure où les citoyens portent sur les institutions européennes un regard plus que méfiant : 60% des Français estiment que « l'Europe est en train d'aller dans la mauvaise direction » (2)... La stratégie de l'Union pour les Alpes devrait ainsi permettre de renouer le dialogue, en montrant que « l'Europe peut adapter sa politique à la réalité des territoires », a estimé Thierry Repentin, ministre délégué chargé des affaires européennes, lors de la conférence de Grenoble. « Nous voulons montrer que de grands investissements peuvent être portés à plusieurs, quand ils ne peuvent pas l'être tout seuls », s'est enthousiasmé le ministre.

« Tout peut être imaginé »

Dans les faits, la stratégie macro-régionale pour la région alpine doit conduire à mieux coordonner les subventions européennes, nationales et régionales existantes à travers des projets d'intérêt commun. Lesquels ? « Tout peut être imaginé, affirme Thierry Repentin. Nous ne nous interdisons rien. L'intérêt de cette stratégie, c'est que, pendant toute l'année 2014, nous allons nous mettre autour d'une table et réfléchir à ce que nous pourrions faire ensemble. Pour qu'un dossier soit validé, il faudra qu'au moins trois pays soient intéressés. » Un certain nombre de secteurs ont néanmoins été listés, parmi lesquels les transports, la protection de l'environnement, le tourisme, l'économie de montagne, les risques naturels ou la coopération universitaire. Quid de l'agriculture ? « S'il y a une volonté portée par les élus de faire de l'agriculture un axe prioritaire, le dossier sera retenu, assure le ministre français. Et ce d'autant qu'il y a une réorientation de la Pac vers une agriculture plus juste et plus verte. » Concernant l'agriculture, Jean-Jack Queyranne s'est montré plus précis : « Il faut maintenir des activités dans les Alpes, développer les filières qui vont de la production à la valorisation en montagne, en passant par la transformation. Nous devons renouer avec la réactivité des pionniers qui a donné lieu à tant de découvertes. Il s'agit de montrer que nos montagnes sont vivantes, et non pas immobiles ».

Mais qui décidera de quoi ? Et comment ? Le document d'interpellation signé à Grenoble précise que la stratégie macro-régionale alpine « représentera le premier exemple de stratégie initiée par les territoires selon une approche ascendante et portée par les Etats et régions ». Autrement dit que chacun pourra s'impliquer. Les citoyens européens n'ont plus qu'à se montrer vigilants et interpeler leurs élus sur ces questions. A défaut, l'Europe des Alpes se construira sans eux.

 

(1) Contribution de la Convention alpine au développement d'une stratégie macro-régionale alpine (« Input paper »).

(2) Sondage réalisé en juin dernier à l'échelle européenne par l'institut Gallup Europe.

Marianne Boilève

Qu'est-ce qu'une stratégie macro-régionale ?

Depuis 2009, les chefs d'Etats et de gouvernement de l'Union européenne développent une approche territoriale de la politique européenne à travers des initiatives baptisées « stratégies macro-régionales ». Ces stratégies s'appuient sur le traité de Lisbonne qui souligne « la nécessité de promouvoir la cohésion territoriale entre les Etats membres, et sur la stratégie Europe 2020 pour une croissance intégrée, durable et inclusive ». Elles permettent une meilleure articulation entre les fonds structurels existants et les financements, nationaux et régionaux, de politiques transversales et transfrontalières.

 

Une stratégie par étapes

18 octobre 2013 : Signature de la résolution politique à Grenoble par sept pays (France, Allemagne, Autriche, Italie, Slovénie, Suisse et Liechtenstein) et 15 régions de l'arc alpin.
19 novembre 2013 : Thierry Repentin présente la démarche au conseil des ministres de l'Union européenne.
19 et 20 décembre 2013 : La stratégie est soumise au Conseil européen (réunion des chefs d'Etat et de gouvernement) afin que celui-ci demande à la Commission d'en lancer le processus.
Année 2014 : Sélection des projets entrant dans le cadre de la stratégie alpine.
Décembre 2014 : Présentation de la stratégie alpine et de son plan d'actions au conseil européen en vue de son adoption.