L'arrêté préfectoral autorisant le tir d'un loup retoqué par le tribunal administratif

Le tribunal administratif de Grenoble vient de suspendre l'arrêté préfectoral du 11 juillet dernier autorisant le tir d'un loup. « Le préfet de l'Isère prend acte du jugement », indique sobrement un communiqué publié par la préfecture le 5 août. Les opérations encadrées par l'Office national de la chasse pour le prélèvement d'un loup ont donc été suspendues. Le préfet a cependant « accordé la mise en œuvre de tir de défense à l'aide d'une arme à canon rayé à trois éleveurs sur les secteurs d'Emparis, des Grandes Rousses et du Taillefer où le dérochement de 364 brebis est survenu le 2 juillet », ajoutant que « tous les éleveurs victimes des attaques de loup pourront bénéficier de cette autorisation s?ils sont titulaires du permis de chasser ».
Pris à l'issue d'une rencontre en préfecture avec Collin Orand, le berger qui a perdu plus de 350 brebis dans un dérochage sur l'alpage de Plan Col (massif du Taillefer) début juillet, et les représentants des éleveurs, cet arrêté ordonnait en effet la réalisation d'un tir de prélèvement sur les communes de Lavaldens, Ornon, Oulles, Livet-et-Gavet, La Morte, Cholonge, Villard St Christophe, St Honoré, Nantes-en-Rattier, La Valette, Chantelouve et Oris-en-Rattier.
Saisi le 16 juillet par l'Association pour la protection des animaux sauvages (Aspas), le tribunal administratif a rendu son jugement le 1er août, ordonnant « la suspension de l'exécution de cet arrêté », et mis en cause sa légalité. « Il fallait s'y attendre », soupire un proche du dossier pour qui le préfet a pris l'arrêté un peu vite, autrement dit sans consulter la DDT.
Pour motiver sa décision, le juge des référés considère que l'arrêté incriminé porte « une atteinte suffisamment grave et immédiate aux intérêts que l'association Aspas entend défendre », à savoir la sauvegarde d'une espèce protégée tant par la convention de Berne que par la directive européenne dite « Habitats » et par les dispositions de l'article L. 411-1 du code de l'environnement.
Les causes du dérochage contestées
L'ordonnance du tribunal administratif relève en outre que la décision administrative du préfet de l'Isère méconnaît les dispositions de l'arrêté interministériel du 15 mai 2013 fixant les dérogations aux interdictions de destruction du loup. Elle souligne notamment que les conditions précisées à l'article 23 (possibilité de tirer un loup « dans les situations où l'existence d'obstacles pratiques ou techniques à la mise en œuvre du tir de défense est établie » et « dans les situations de dommages exceptionnels ») n'ont pas été réunies, les causes du dérochage des 350 brebis étant contestées par le requérant. « Les loups ne provoquent pas de telles paniques, argumente Pierre Athanaze, président de l'Aspas. Un loup, il s'économise : il ne tue que ce dont il a besoin pour se nourrir. Seul un chien divagant peut susciter un dérochage pareil. Le problème, c'est que si on reconnaît que c'est un chien, il faut retrouver le propriétaire... »
Face au juge, l'Aspas a également pointé le non-respect de l'article 25 de l'arrêté du 15 mai 2013 définissant le périmètre dans lequel un tir de loup est rendu possible. « Le territoire de tir - trop vaste - prévu par l'arrêté sur 12 communes n'est pas défini de façon cohérente », a fait valoir l'association écologiste. Le tribunal administratif lui a donné raison, précisant que le territoire défini par l'arrêté concerne douze communes référencées comme zone de présence permanente (ZPP), alors que deux d'entre elles « ne seraient classées qu'en zone de présence occasionnelle (ZPO), ce qui met en doute la cohérence du territoire retenu qui ne compte au demeurant qu'un seul individu identifié (...). »
Tir de défense
Reprenant les arguments de l'Aspas, le tribunal administratif a également mis en cause l'« absence de mise en place de mesures effectives de protection du troupeau » par Collin Orand pour expliquer les tragiques événements du 2 juillet. Un coup dur pour l'éleveur et l'ensemble de la profession. Consternée, Valérie Séchier, éleveuse et responsable "montagne" à la FDSEA, n'entend pas en rester là : « Les éleveurs vont demander un autre secteur, car celui-ci est trop vaste : le loup est difficile à atteindre ». Les agents de l'ONCFS et les lieutenants de louveterie du département peuvent en témoigner, qui ne sont pas parvenus à débusquer le prédateur ces dernières semaines, en dépit de la mission qui leur avait été confiée par le préfet. Les éleveurs vont donc étudier, avec la Fédération des alpages, les gardes de l'ONCFS et les louvetiers, le secteur le plus pertinent à soumettre au représentant de l'Etat pour que celui-ci prenne un nouvel arrêté de tir de prélèvement, comme il s'y est engagé au cours d'un entretien mardi matin avec le syndicat majoritaire. « Nous demandons également que le préfet autorise des tirs de défense immédiats », ajoute Valérie Séchier. Reste là encore à préciser sur quelle unité d'action ce tir pourrait être autorisé : les conditions du tir de défense sont strictement encadrées. « Le loup n'est plus sous contrôle, estime la syndicaliste. Les éleveurs se sentent condamnés : c'est une filière en perdition qui n'a plus de perspective d'avenir. Dans le même temps, le loup en Isère a coûté 790 000 euros cette année au contribuable. Est-il bien raisonnable de gaspiller tout cet argent en période de restriction budgétaire ? »