L'eau, solide support d'apprentissage

« Combien de litres d'eau partent dans les toilettes à chaque fois que tu tires la chasse ? » Léa lève les sourcils, dubitative. A dire vrai, elle ne s'était jamais posé la question. On la sent qui hésite. Conciliabules avec les copains, fous rires... Cinq litres ? « Non, entre dix et douze ! » Devant l'air médusé de leurs jeunes recrues, les quelques « Gemeau » (Gestion et maîtrise de l'eau) qui animent ce jeu de l'oie un peu spécial se livrent à un rapide topo sur les usages domestiques de l'eau et les gâchis qu'ils entraînent. « Pour les sensibiliser, il faut partir de leur vécu, de leur quotidien, explique Tessie, en 2ème année BTSA « Gemeau ». Nous n'avons pas besoin de leur dire qu'en Afrique les gens manquent d'eau : ils le savent. En revanche, on peut leur faire prendre conscience de l'impact de leur mode de vie sur le futur. Pas pour leurs petits-enfants, mais pour eux-mêmes. »
Parcours ludique
C'est dans le cadre de leur formation que les étudiants du BTSA Gemeau du lycée Agrotec ont imaginé cette « semaine de l'eau ». Du 24 au 28 février, ils ont ainsi accueilli près de deux cents élèves de troisième des collèges alentour pour un « parcours ludique » constitué de jeux et d'expérience. Objectif officiel : amener les troisièmes à changer leur point de vue sur l'eau. « Nous leur montrons ce qui risque d'arriver dans cinquante ans, si nous ne changeons pas de comportement. Est-ce que nous voudrons vivre dans un monde pareil ? », demande Tessie.
Très soudée, la petite équipe de « Gemeau » mise sur ce travail pour atteindre un autre but, plus personnel et pragmatique. Il ne s'agit pas simplement de faire la promotion d'Agrotec et de ses filières, méconnues de la plupart des jeunes visiteurs. Le projet, dans sa forme même, leur permet d'apprendre à transmettre des connaissances, d'acquérir « une méthodologie dans le management » et de maîtriser des techniques d'expression.
Depuis deux jours qu'ils enchaînent les « ateliers », l'affaire est bien engagée. Oubliés le stress et le trac des premières heures : les « Gemeau » jouent à fond leur rôle d'animateurs. Outre « l'oie sur l'eau », sorte de jeu de l'oie géant au cours duquel sont passés en revue les différents usages quotidiens de l'eau et leurs répercussions sur le milieu, les élèves observent, expérimentent, questionnent, s'étonnent. Répartis en petits groupes -d'un côté les filles, de l'autre les garçons, adolescence oblige- ils se prennent au jeu, se trompent, s'amusent... Et c'est là la véritable prouesse des étudiants d'Agrotec : délivrer un vrai savoir sans ennuyer leur public. Avec le « jeu des chaises », Justine a découvert que la répartition des ressources en eau sur la planète générait « énormément d'inégalités ». Lilian, lui, a préféré le jeu de l'oie, plus ludique, « même si les questions étaient difficiles ». D'autres plébiscitent la « maquette », bricolage maison permettant d'expliquer les étapes du cycle de l'eau, ou encore les expériences sur la paillasse du labo.
Vocabulaire maison
Surfusion (transformation de l'eau de l'état liquide à l'état solide par un changement de pression), test au sulfate de cuivre anhydre, mise en évidence de la pression atmosphérique... Pour chaque activité, les « Gemeau » endossent la blouse de professeur avec une aisance déconcertante. Pas question pour eux de « faire cours » : la décontraction est de mise et les explications sont livrées en « vocabulaire maison », que l'on retrouve dans le livret distribué aux élèves à la fin du parcours. Le rapport au savoir s'en ressent. Les troisièmes se montrent curieux, presque gourmands d'apprendre. A contrario, Florène expérimente les affres de l'enseignement, même atypique : « Nous faisons quatre fois le même à la suite. Ce qui est très dur, c'est de répéter tout le temps la même chose, d'un atelier sur l'autre. » La réflexion ferait sourire plus d'un professeur, y compris dans l'enceinte d'Agrotec.