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CREATION D'ACTIVITES

L'épicerie du bout de monde Version 2

S'installer en milieu rural, c'est bien. Mais que faire quand on ne trouve pas de travail ? Delphine Sanson a créé son propre emploi, en reprenant l'épicerie de Tréminis. Avec le soutien de la communauté de communes du Trièves et d'Isère sud Initiative.
L'épicerie du bout de monde Version 2

Pour reprendre une épicerie à Tréminis, l'un des villages les plus reculés du Trièves, il faut avoir un petit grain. Ou beaucoup de cran. Delphine Sanson a les deux, le sourire en plus. « Mon mari et moi nous nous sommes installés à Tréminis, il y a quatre ans, raconte la jeune femme. J'ai cherché du travail, mais n'en ai pas trouvé. Et puis un jour j'ai lu dans L'Echo de Tréminis qu'il y avait un fonds de commerce à vendre... » C'était l'épicerie du village. Après trente ans de bons et loyaux services, le couple qui la tenait annonce qu'il prend sa retraite. « Pourquoi ne pas se lancer ? », se dit Delphine.

Originaire du Pas-de-Calais, l'épicière en herbe a le sens du contact, le cœur sur la main et du courage à revendre. Ni une ni deux, la voilà qui présente une offre, prête à engloutir toutes ses économies dans l'achat du fonds de commerce. Par acquis de conscience, Delphine Sanson prend tout de même rendez-vous avec le maire de Tréminis, qui lui conseille de contacter la communauté de communes du Trièves pour obtenir des aides. Ce qu'elle fait. Fin septembre, les anciens épiciers acceptent son offre. Un compromis de vente est signé : l'épicerie est à elle...

Aide financière

A l'intérieur, tout est à refaire. Avec son mari, Delphine se met au travail. Fin novembre, la Communauté de communes la contacte. Le problème, c'est qu'elle a déjà fait un bon bout de chemin toute seule, sans rien demander à personne. Le service économie-emploi de la Communauté de communes lui propose une aide financière, qui, lui dit-on, peut être doublée si elle se fait accompagner par Isère sud initiative (Isi). L'apprentie épicière accepte. Pendant plusieurs semaines, elle navigue entre les travaux et le montage du dossier d'aide à la création d'entreprise. Et va plus vite que la musique administrative : en janvier 2013, l'épicerie ouvre ses portes.

Un mois plus tard, Isi l'invite à soutenir son projet devant le comité d'agrément. C'est un peu tard, mais Delphine y va, n'ayant pas grand chose à perdre et tout à gagner : « J'ai expliqué ce que je comptais faire devant le jury. Dans les dix minutes qui ont suivi, j'ai eu une réponse positive. » Un prêt d'honneur à taux zéro de 3 000 euros lui est consenti. Ajouté au soutien financier de la communauté de communes, cette aide permet à l'entrepreneuse d'investir dans l'installation de volets roulants, d'acheter du matériel frigorifique ainsi qu'un congélateur. Etalé sur trois ans, le prêt ne lui « coûte » que 125 euros par mois. Delphine Sanson bénéficie également d'un accompagnement pendant deux ans : « Tous les mois je dois montrer ce que je gagne et établir une courbe du chiffre d'affaires. Là, je suis au-dessus des prévisions ! »

Bouche à oreille

En effet, dès l'ouverture, les habitants de Tréminis jouent le jeu. Certes, quelques-uns se montrent méfiants « parce que je ne suis pas d'ici », sourit l'épicière. Mais le bouche à oreille fait rapidement son office. Un brin d'imagination (dans la sélection des produits), une touche d'innovation (paiement par carte de crédit, choix de produits bio, quelques surgelés, des sorbets de fabrication locale...) et beaucoup de réactivité (« Si vous souhaitez  trouver d'anciens articles que les anciens propriétaires proposaient ou de nouveaux produits, faites-le nous savoir », indique une petite affichette apposée au mur, près de la caisse) ont permis de conquérir une clientèle de fidèles, voire d'inconditionnels. Les gens du village et des environs viennent aussi bien acheter leur paquet de cigarettes, du pain, des produits locaux (laitages, fromages, confitures, miel, chocolat, bières...) que les croquettes du chat. Les anciens du village s'y retrouvent, qui prétextent souvent l'achat d'une bricole pour venir faire un brin de causette. L'épicerie, c'est un peu la place du village... surtout quand il fait mauvais.

La tête sur les épaules, Delphine Sanson a le triomphe modeste : « Avec mon mari, nous étions conscients que c'était une petite épicerie de dépannage. » Les débuts encourageants auraient pu être mis sur le compte de l'effet nouveauté, mais l'épicerie est en train de trouver un rythme de croisière. Le chiffre d'affaires de l'été a dépassé toutes les prévisions, en dépit d'un début de saison tardif pour cause de météo calamiteuse. Delphine, qui avait tablé sur un chiffre correspondant à celui de ses prédécesseurs, a finalement fait 12% de plus. Et même l'intersaison est meilleure qu'attendu. « Actuellement, c'est creux parce que les gens vident tous leur potager avant l'hiver », note, philosophe, l'épicière. Mais, ce mois-ci encore, le chiffre d'affaire est de 50% supérieur aux prévisions. « Mon banquier est venu me voir : il n'en revenait pas. Tout le monde est un peu étonné. Comme quoi il ne fallait pas hésiter à se lancer... »

Marianne Boilève

Les mousquetaires de l'emploi

L'union fait la force. Pour soutenir la création d'activités dans le Trièves, la communauté de communes du Trièves, Isère sud initiative (Isi) et la scop Aceisp (1) ont signé un accord de partenariat début octobre. Les trois structures s'engagent désormais à conjuguer leurs efforts pour accompagner les créateurs d'activités dans le Trièves, depuis les prémices du projet jusqu'à son financement. Le service économie-emploi de la communauté de communes propose un service gratuit d'aide à la création d'activités pour toute personne habitant le Trièves. Il travaille en lien étroit avec Isi et Aceisp, dont les approches sont complémentaires. Les conseillers d'Aceisp ont en effet pour mission d'accompagner les créateurs d'entreprise dans la construction de leur projet (exploration de l'idée, maturation, accompagnement au montage, formation à la culture d'entreprise...). Ceux d'Isi prennent le relais au moment de la création, la reprise ou le développement d'entreprise. Ils proposent une approche pluridisciplinaire, associant aide au financement, suivi classique des créateurs voire, pour ceux qui le souhaitent, un parrainage par un chef d'entreprise. Plusieurs dossiers sont déjà à l'étude. Les porteurs de projets intéressés peuvent rencontrer les conseillers d'Aceisp et d'Isi lors de leurs permanences (sur rendez-vous) à Monestier-de-Clermont (centre socioculturel intercommunal de Granjou) et à Mens (centre social).
(1) Accompagnement à la création d'emploi et à l'insertion sociale et professionnelle.
MB