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Préservation

L'étalon noir du Vercors

En choisissant d'élever des chevaux de la race mérens il y a une trentaine d'année, les Ecuries du col de l'Arc ont contribué à sauver une race en voie d'extinction. Leur fierté : avoir "sorti" Azur, un étalon agréé par les Haras nationaux.
L'étalon noir du Vercors

Azur du Vercors piaffe dans son box. Fils de Caraco de Bigorre et de Kreola du Vercors, le jeune étalon fait le fier. Gilles et Cendrine Cavalli, ses propriétaires, ne le sont pas moins de lui : c'est la première fois que leur élevage, démarré par le père de Cendrine il y a une trentaine d'années, « sort » un étalon. Agréé en 2013, « Azur du Vercors est pour l'éternité dans la race, savoure Cendrine. C'est le truc qu'on a réussi avec Gilles. » Né en 2010, ce beau mérens, robe noire zain lustrée, impeccable, vient d'obtenir son carnet de saillie. Il lui faudra un peu de temps pour s'enorgueillir d'une descendance aussi nombreuse que celle de Cos de Bigorre, le doyen du troupeau (161 poulains à son actif d'après les Haras nationaux...). Mais la fougue de la bête est de bon augure: « Avec lui, c'est du 100% », assure l'éleveuse.

Une race à sauver

Installées au dessus de Lans-en-Vercors, les Ecuries du col de l'Arc comptent une quinzaine de chevaux de race mérens, dont deux étalons et cinq poulinières. Gilles et Cendrine ont repris le flambeau de l'élevage paternel, combinant reproduction, insémination et éducation équine. Chaque année, les Cavalli vendent quatre à cinq poulains, sevrés ou éduqués selon les besoins et les attentes des acquéreurs. Lui s'occupe de toute la partie agricole et administrative, elle, des chevaux, sa passion. Pourquoi les mérens ? « Parce que nous cherchions une race de montagne, rustique, capable de rester dehors, explique Cendrine. Quand mon père a trouvé les mérens, la race était en voie de disparition. Il y avait un challenge à relever, une race à sauver. Il ne restait à l'époque qu'une quarantaine d'animaux, dont quatre à cinq étalons. Papa a acheté Caroline, puis une autre, jusqu'à en avoir une demi-douzaine. » Issu d'un tout autre milieu, Gilles Cavalli sait ce qu'il doit à Raymond Roussanès, son beau-père : « C'est lui qui a constitué le troupeau. La génétique, c'est les parents qui l'ont faite. Quand j'ai pris la suite, en 2005, tout le travail était fait. Le plus dur, c'est de sélectionner. Il y a de très bonnes juments, mais qui ne sont pas de bonnes mères. Il ne faut pas hésiter à les revendre pour l'équitation, et à garder les filles des bonnes poulinières. »

C'est la jument qui décide

En haut du pré, deux d'entre elles pataugent dans un ruisseau avec leur poulain, sous l'œil attentif de Cos du Bigorre. Ils sont bien, au frais, tout un pré fleuri à se mettre sous la dent. Azur ne jouit pas de la même liberté. A l'écart dans sa stalle, il est environné de juments, les unes en pension, les autres en attente d'une saillie ou d'une insémination. Ces dernières font l'objet d'un soin particulièrement attentif de la part des éleveurs qui guettent le jour J. Car en matière de saillie, ce n'est pas le mâle qui fait la loi, mais la jument qui décide. « Si elle couche les oreilles, prête à botter, c'est que c'est non, décrypte Cendrine. Mais si elle campe et fait du gringue à l'étalon, c'est que c'est bon. » Intarissable sur tous les petits signes qui indiquent que les juments sont en chaleur et prêtes à la saillie, l'éleveuse se plaît à rappeler une des phrases favorites de son père : « Les juments, c'est comme les femmes : c'est pas des mathématiques. »

D'où l'importance de les observer et de bien repérer leurs cycles. Si le propriétaire n'est pas à même d'indiquer où en est sa jument, les Cavalli font pratiquer une échographie par le vétérinaire. Cela permet de gagner du temps et surtout repérer le jour de l'ovulation. « Il y en a qui ont des chaleurs longues, d'autres très courtes. Certaines sont saillies une fois, et elles sont pleines. Pour d'autres, il faut parfois trois cycles, soit trois fois 21 jours. C'est ça qui est passionnant. » Adeptes de la saillie en liberté, la plus pratiquée au Col de l'Arc, les Cavalli n'aiment pas forcer les choses. Et si parfois ils sont contraints de pratiquer la « monte en main » (accouplement d'une jument et d'un étalon tenu à la longe), c'est bien parce qu'il faut « gérer la fougue » du jeune Azur.

Autre technique pratiquée par les éleveurs : l'insémination artificielle. Agréé en 2006 par les Haras nationaux, les Ecuries du col de l'Arc sont équipées pour pratiquer des inséminations et préparer les juments à recevoir les doses, soit en insémination réfrigérée (une fois prélevée, la semence est diluée dans du lait, conditionnée, réfrigérée et expédiée pour être utilisée dans les 48 heures) soit en « IA congelée » (la semence est congelée avant l'insémination). Le propriétaire choisit sa semence sur un catalogue et confie sa jument aux Cavalli, qui se chargent de tout, depuis les soins quotidiens et le suivi des chaleurs jusqu'à l'insémination proprement dite, acte médical réalisé par un vétérinaire de Villard-de-Lans. Après l'insémination, la jument est laissée tranquille une quinzaine de jours, à la suite de quoi une échographie de contrôle est réalisée. « Si la jument est pleine, le vétérinaire établit un certificat et c'est parti pour onze mois de gestation. Sinon, on recommence, explique Cendrine. Pour les juments qu'on ne connaît pas, il faut souvent deux cycles : au premier, il n'est pas rare qu'on les loupe. » Si l'insémination artificielle présente l'avantage d'avoir à disposition un plus grand nombre de reproducteurs, elle est aussi plus contraignante. « L'étalon, il se débrouille tout seul. En liberté, on laisse faire la nature : il faut juste vérifier que le mâle s'occupe bien de son troupeau. » Ce qui avec Azur ne fait pas l'ombre d'un doute...

Marianne Boilève

Les mérens s'invitent à l'Equifestival de Villard-de-Lans

Organisée les 5 et 6 juillet par Isère Cheval vert et l'office de tourisme de Villard de Lans, l'Equifestival va galoper à l'heure américaine. Ambiance western assurée, avec animations, courses, rodéo mécanique et saloon party le samedi soir. Outre le show des races qui verra défiler mérens, Vercors, lusitaniens, américains et pur-sang arabes samedi et dimanche, la manifestation accueillera une étape du GRTE (1) et proposera des « Equi'rencontres » (conférence sur le shiatsu équin samedi), une « Equi'foire » (marché équestre), des spectacles et deux concours, l'un ouvert aux jeunes talents (« Equi'créa », concours de spectacles équestres dimanche 14 h 15 et 16 h 15), l'autre récompensant les plus beaux mérens de la région. Coordonné par Sherpa mérens Rhône-Alpes, l'association régionale des éleveurs et des utilisateurs de mérens, ce concours régional d'élevage « est une formidable fenêtre pour faire connaître la race », estime Cendrine Cavalli qui va présenter plusieurs bêtes au concours. Participeront au « concours de beauté », des mérens de trois ans montés, (test : modèles et aptitudes), des femelles et des mâles d'un et deux ans (sélection reproducteurs-reproductrices), ainsi que des poulinières suitées et non suitées (présentation en main). Les résultats du concours comptent pour les qualifications au championnat.
(1) Grand régional de tourisme équestre, circuit touristique à cheval, constituée d'un randonnée curieuse de 20 km à la découverte d'une ferme et de l'artisanat du Vercors.