L'ironie, antidote contre le poison nazi

Plus que quelques jours pour se plonger dans l'univers loufoque et glaçant de Marinus qui, par ses photomontages satiriques, a dénoncé sans relâche la folie meurtrière d'Hitler et les lâchetés géopolitiques des Occidentaux. D'origine danoise, Marinus Jacob Kjelgaard a travaillé dans les années 30 pour l'hebdomadaire Marianne, créé par Gaston Gallimard pour « lutter contre les idées toutes faites et les pouvoirs établis ». Pendant huit ans, chaque semaine, le photographe s'est ingénié à parodier l'actualité internationale en composant d'habiles montages ou en détournant des œuvres classiques pour combattre les projets hégémoniques du Führer.
Qu'il s'amuse à représenter Hitler sous les traits du Penseur de Rodin - en train de réfléchir à son prochain coup bas - ou le déguise en danseuse faisant des grâces ridicules devant l'émissaire de Roosevelt, Marinus appuie systématiquement là où ça fait mal. Là où la naïveté, l'inertie ou la veulerie des hommes politiques ont conduit l'Europe : à la guerre et au chaos. Remarquablement réalisés, ses photomontages ressemblent pour la plupart à de véritables photos. La partie de belote entre Hitler, MacDonald, Daladier et Mussolini (mars 1933) a tout d'une vraie. Elle met l'accent sur le jeu risqué du Premier ministre britannique (favorable au réarmement de l'Allemagne) avec un réalisme tragique : Hitler louche vers Mussolini, qui regarde ailleurs, tandis que Daladier, carte en main, affiche une mine réjouie. C'est terrifiant de lucidité.
Malaise
En septembre 1939, Marinus met en scène Hitler coiffant le globe terrestre d'un gigantesque casque à pointe : quand on se souvient que l'Allemagne a envahi la Pologne dix jours plus tôt, on rit jaune. Sensation de malaise encore plus grand avec ces montages du printemps 1940, l'un représentant L'Epouvantail des neutres, une tête de mort coiffée d'une mèche et d'une petite moustache reconnaissables en toutes, l'autre montrant trois enfants épouvantés, cachés dans une malle et dominés par la silhouette d'Hitler, pistolet à la main. Datant d'avril 40, la photo est intitulée : « Chez les neutres : si ce n'est toi, c'est donc ton frère. » Deux mois plus tard, les Allemands envahissent Paris et détruisent les locaux de Marianne. Marinus et ses collègues sont déjà en zone libre.
Présentée jusqu'au 21 octobre au musée de la Résistance et de la déportation, l'exposition affiche 36 tirages et deux originaux de Marinus, placés en regard des Une de Marianne qu'ils illustrent. En marge du petit cours d'histoire qu'ils nous offrent, ces documents renvoient chacun à une question très simple et très compliquée : celle de l'engagement.
MB
Marinus, photomontages satiriques 1932-1940
Au musée de la Résitance et de la déportation en Isère jusqu'au 21 octobre
14, rue Hébert à Grenoble
Tel : 04 76 42 38 53
Ouvert tous les jours sauf le mardi matin de 9h à 18h. Samedi et dimanche : 10h-18h.