La Dauphinoise dans une impasse ferroviaire

Jusqu'au 16 mars 2015. C'est la date butoir décidée par RFF, devenu SNCF réseau, après laquelle la coopérative Dauphinoise ne pourra plus faire circuler ses trains de céréales depuis Beaurepaire jusqu'à l'embranchement ferroviaire de Saint-Rambert dans la Drôme, soit un peu plus d'une vingtaine de kilomètres de voie ferrée. L'entreprise de Beaurepaire avait été informée l'été dernier de la fermeture imminente de la voie pour cause de sécurité. Les élus se sont fortement mobilisés sur ce dossier jusqu'à une réunion organisée en sous-préfecture de Vienne, le 13 février dernier, entre les techniciens et responsables de SNCF réseau, Gérard Leras, premier vice-président du Conseil régional, Philippe Mignot, maire de Beaurepaire, Christian Nucci, vice-président du conseil général de l'Isère et Frédéric Fayant, le directeur technique de La Dauphinoise.
Une étude complète
Depuis, les élus ne décolèrent pas, SNCF réseau n'ayant pas apporté de nouvelles propositions. « Nous demandons que soit effectué le minimum de travaux nécessaire pour que l'exploitation actuelle puisse continuer dans les mêmes conditions, c'est-à-dire que les trains puissent rouler à 20 km/h. Or, cela n'a pas été étudié », tempête Gérard Leras. Il rappelle que la Région a débloqué une première enveloppe de 500 000 euros pour accompagner le maintien de la voie. Les élus, dans une très belle unité interdépartementale et intercommunautaire réclament une étude complète, « pour savoir que faire à court terme. Dans un deuxième temps, si nous souhaitons développer la voie, nous réfléchirons aux investissements ». Rappelons que ce type de structure est intégré au périmètre du Grand projet Rhône-Alpes (GPRA), qui rayonne autour de la zone industrialo-portuaire de Salaise-sur-Sanne, clairement orientée vers le transports multimodal. « Nous ne parlons pas d'une ligne ou d'une entreprise, mais du développement du sud de Lyon. Nous sommes dans une réflexion globale. La fermeture de cette ligne mettrait en péril le développement économique futur de ce secteur », insiste Pierre Jouvet, président de la communauté de communes de Portes DrômArdèche.
Pour Philippe Mignot, « il y a urgence ». Il mesure l'impact financier pour La Dauphinoise et craint, à terme que des emplois soien touchés. Il y va également de l'attractivité économique du secteur, avec d'une part la friche industrielle Pichon à requalifier, qui pourrait tirer parti de l'embranchement ferroviaire. D'autre part, l'entreprise Copal, spécialisée dans la fabrication de barres en aluminium, envisagerait un nouveau développement autour de cette section ferroviaire. Enfin, une zone d'activité de 27 hectares est en projet, ce qui n'est pas forcément une bonne nouvelle pour l'agriculture.
Livrer des trains entiers
Frédéric Fayant, ne s'inquiète pas seulement pour son train du 17 mars, mais pour tous ceux qui suivront. La coopérative réfléchit à « d'autres montages pour la circulation sur les voies capillaires ». Elle tient compte du fait que SNCF réseau ne veuille pas faire passer des train en « période chaude », c'est-à-dire l'été, sur des voies déjà fragiles, que la chaleur risquerait de déformer encore davantage. « Nous demandons à pouvoir circuler à nouveau à l'automne 2015 », indique le directeur technique de La Dauphinoise. Pour l'heure la coopérative fait circuler une vingtaine de trains par an, un minimum pour honorer son contrat avec son client, auquel elle s'est engagée à livrer des trains entiers. Le reste passe par la route. Le report a déjà coûté 374 000 euros à La Dauphinoise en 2014 et devrait s'élever à 500 000 euros en 2015. « Nous avons des obligations contractuelles avec nos clients qui travaillent avec des trains complets. Si demain, on ne peut plus faire circuler des trains depuis Beaurepaire, il faudra bien les charger quelque part : à Salaise-sur-Sanne. » Un schéma de nature à remettre en cause la façon dont la coopérative travaille à Beaurepaire. Le maïs est séché puis stocké et enfin chargé depuis la Bièvre. Demain, pour une question de logistique et amputée du rail, La Dauphinoise peut choisir d'investir sur des installations de séchage directement à Salaise-sur-Sanne, où la marchandise sera acheminée par camion. C'est le scenario le plus extrême. Rappelons que 25 000 tonnes de marchandises - ce qui circule aujourd'hui par rail - c'est environ un millier de camions. « Mais ce sont le producteurs en bout de chaîne qui seront les plus touchés. La coopérative va chercher des marchés avec des plus-value de façon à mieux rémunérer les producteurs, mais si les coûts de transport augmentent, les conséquences financières seront importantes chez les exploitants. Il est également difficile de remettre en cause certaines productions, pour aller sur d'autres marchés, cela pour un problème de logistique », précise Frédéric Fayant.
La Dauphinoise attend donc, comme les élus, que SNCF Réseau propos un plan B. Le gestionnaire du réseau s'est engagé à apporter une réponse d'ici à la fin du mois. La Région a déjà débloqué des financements. La Dauphinoise pourrait faire ses comptes. Les autres collectivités aussi, pour une reprise à minima. En ce qui concerne l'investissement de 8 à 9 millions d'euros nécessaires à la rénovation complète de la voie, ce ne pourrait être qu'un projet à plus long terme.
Isabelle Doucet
Voir aussi l'article de Terre dauphinoise : Les rails de la discorde