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Ruralité

La difficile évolution du métier de "véto" rural

Les vétérinaires désaffectionnent de plus en plus la discipline rurale, au profit de l'activité canine. La profession doit se réorganiser pour pallier les contraintes inhérentes au métier et éviter une désertification annoncée.
La difficile évolution du métier de  "véto" rural

Etre disponible sept jours sur sept, vingt quatre heures sur vingt quatre. Un sacerdoce qui n'est plus dans l'air du temps. D'où la difficulté des vétérinaires spécialisés dans la pratique rurale à se renouveler. « Une grande amplitude horaire, les gardes et la dangerosité du métier (à cause des nombreux kilomètres effectués et du contact avec les gros animaux) sont nos  principales difficultés », énumère Vincent Chicoineau, vétérinaire associé au sein de la clinique des Vallons à Saint-Jean-de-Soudain. « C'est un problème sociétal. La nouvelle génération n'envisage pas sa vie professionnelle comme ses aînés. L'idée de s'installer seul à la campagne et de devoir assurer tous les jours et toutes les nuits est devenue inacceptable », analyse Jean-Marc Petiot, président du Conseil régional de l'Ordre des vétérinaires de Rhône-Alpes. Les vétérinaires qui exercent en milieu rural aujourd'hui sont des passionnés. Ils le font parce qu'ils l'ont toujours fait, parce qu'ils aiment le contact avec les éleveurs, parce qu'ils ont établi avec eux une relation de confiance, parfois même d'amitié, mais quand ils arrêtent (pour prendre leur retraite ou parce qu'ils n'en peuvent plus), la relève n'est pas là.

Plus de contraintes

Pour preuve, les statistiques. Selon une étude menée par le Conseil régional de l'Ordre des vétérinaires, « 15 % des structures vétérinaires rurales dédiées aux soins des animaux de rente ont disparu entre 1999 et 2010 ». Et selon les quatre écoles nationales vétérinaires qui ont interrogé leurs élèves des promotions 2010 sur leur situation en février 2012, 42 % se sont dirigés vers les animaux de compagnie, 9 % vers les animaux de production, et 29% vers une activité mixte (1). Et les témoignages. A La Côte-Saint-André, Anne Castillo, vétérinaire mixte depuis 2004, jette l'éponge. Ce ne sont pas les gardes qui ont eu raison de sa motivation. Mais, faute de relais, elle estime que sa clinique ne peut plus assurer un service d'urgence de qualité permanent pour les bovins. A l'avenir, elle n'exercera donc plus que pour la canine, les équins et les petits ruminants. A Fitilieu, les associés de la clinique des Bruniauds peinent à trouver un remplaçant pour six mois. « Dès que nous précisons qu'il faudra aussi faire de la rurale, cela fait fuir les candidats. Les jeunes ne veulent plus de contraintes », estime Lionel Chavasse-Frette, associé de la clinique.

« En pompier »

Le temps de travail n'est pas la seule cause de diminution de la discipline rurale, qui profite à l'activité canine. Les vétérinaires spécialisés dans l'exercice des animaux de rente n'ont plus assez d'activité. La densité des vétérinaires est corrélé avec la densité des élevages. Entre leur diminution et les difficultés économiques des éleveurs, la complémentarité entre les deux disciplines est devenue obligatoire. Selon Lionel Chavasse-Frette, « on fait encore des vaches parce qu'on fait du chien. Nos interventions ont largement diminué, car les éleveurs réalisent de nombreux actes par eux-mêmes. Ils sont beaucoup plus formés qu'avant et ils font très attention à leurs charges ». Le constat est unanime. Aujourd'hui, les vétérinaires sont souvent appelés « en pompier », quand tout ce que les éleveurs ont tenté n'a pas fonctionné. Et, quand le prix des actes revient plus cher que celui des veaux mâles, il est difficile pour les éleveurs de faire venir leur vétérinaire.

Rythme de vie acceptable

En Isère, la situation est très contrastée. « L'accessibilité aux vétérinaires reste moyenne en de nombreux points du département, mais est devenue faible à très faible dans les massifs montagneux, tels que la Chartreuse, le Vercors ou le sud-Isère », expose Dominique Vollet, directeur de l'unité Métafort (2). Sans être critique, la situation inquiète. « Le manque de vétérinaire en milieu rural va devenir un problème. Comment les motiver ? Avec la baisse du nombre d'éleveurs, si la conjoncture se poursuit en 2016, le problème va empirer. Pour autant, nos animaux, crise ou pas, il faut quand même les soigner. Les vétérinaires ruraux ont toujours leur place », insiste Jean-Michel Noël Baron, qui a été président des éleveurs de l'Isère jusqu'en 2015. « A l'avenir, il y aura de moins en moins de vétérinaires mixtes et spécialisés dans l'exercice rural. Ceux qui resteront seront bien formés, regroupés au sein de cliniques pour leur permettre un rythme de vie acceptable et devront parcourir de nombreux kilomètres. Mais il faudra que les éleveurs attendent », prévient François Tonnelle, vétérinaire à Vif, depuis 25 ans.


(1) Les autres se sont dirigés vers l'activité équine et l'industrie pharmaceutique ou agro-alimentaire.

(2) Mutations des activités, des espaces et des formes d'organisation dans les territoires ruraux

Isabelle Brenguier

Pour aller plus loin :

 

La profession se féminise. Aujourd'hui, 80 à 85 % des diplômés sont des femmes.

 

 

Pour mieux connaître le milieu vétérinaire, le site du Conseil régional de l'ordre des vétérinaires de Rhône-Alpes dispose de nombreuses informations sur le métier :

https://www.veterinaire.fr/lordre-en-region/rhone-alpes.html

 

Le projet VeterrA, ou comment faire revenir les vétérinaires ruraux dans les campagnes durablement : les premières conclusions de ces travaux réalisés en 2015 :

http://www.vetitude.fr/projet-veterra-ou-comment-faire-revenir-les-veterinaires-ruraux-dans-les-campagnes-durablement/