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Innovation

La ficelle qui révolutionne le pied de tomate.

Les premiers Trophées de l'Innovation en Chartreuse ont distingué vendredi dernier quatre lauréats, dont Textilose Curtas technologies, qui a mis au point une ficelle biodégradable pour les plants maraîchers.
 La ficelle qui révolutionne le pied de tomate.

« Nous espérions gagner, mais nous avons du mal à y croire », reconnaît Pascal Servais, dirigeant de Textilose Curtas technologies à Entre-deux-Guiers et lauréat des Trophées de l'innovation en Chartreuse, catégorie produits et services. L'entreprise vient d'inventer la ficelle de tuteurage écologique. Les tomates n'ont qu'à bien se tenir.
L'histoire de cette innovation est aussi celle d'une renaissance. En 2006, la papèterie iséroise Matussière et Forest est en pleine restructuration. Alors directeur d'une entité du groupe, Pascal Servais rachète deux structures et leurs brevets, poursuivant les marchés historiques des intercalaires antiglisse et des ficelles pour l'agriculture sur lesquels l'entreprise est positionnée depuis 50 ans. « En 2010, nous avons fusionné les deux unités sur le même site à Entre-Deux-Guiers », poursuit le dirigeant. Il ne s'est jamais permis de douter. « Mon premier credo, c'est l'intuition, reprend-il, et puis les hommes, avant les machines ». C'est la raison pour laquelle il a donné les moyens à ses équipes pour innover. « Sans l'innovation, l'entreprise serait morte ».

 

Le projet Fil rouge de ficelle de tuteurage biodégradable va révolutionner le maraîchage.

Essais grandeur nature

En 2010, alors qu'il travaille régulièrement au Maroc pour le secteur des fruits et légumes, une demande lui est faite de ficelle en papier biodégradable pour les plants de tomates. « Cela n'existait pas. Ca ne marchait pas. » Le dirigeant mène ses premières réflexions avec un ingénieur en apprentissage, dans le cadre de son projet de fin d'étude. Les résultats sont « encourageants, mais fragiles ». Les années 2010 et 2011 sont celles de vaches maigres pour l'entreprise qui met le projet en stand by, avant de le reprendre en 2014 à la faveur d'une conjoncture redevenue favorable. Pascal Servais se rapproche alors de l'école Pagora et recrute Laetitia Marrot, une ingénieure spécialiste des textiles sous contrat de recherche avec Grenoble INP. Tests papier, recherche de matériaux : la machine est lancée. Si bien que les premiers essais grandeur nature son effectués cette année en Bretagne, à Auray, ainsi que dans l'orléanais dans deux stations expérimentales, avec le soutien des chambres d'agricultures. « A la fin août, nous avons constaté que les ficelles avaient tenu, rapporte le dirigeant. Les stations, qui ont déjà testé beaucoup de ficelles, n'y croyaient pas ». Une nouvelle batterie de tests sera menée cet hiver au Maroc et en 2016 en France. « Il reste à affiner le produit, mettre au point une gamme. Nous avons pour objectif de commercialiser la ficelle au deuxième semestre 2016. C'est un produit qui a de bonnes chances de fonctionner. Il faut 300 mètres de ficelle par hectare ». Le dirigeant fait ses comptes et s'empresse de déposer le brevet. « Aujourd'hui, 100% de la ficelle est polymère. Elle n'est pas recyclable et pose problème. Mais il va falloir se conformer aux normes environnementales, d'autant que les entreprises sont obligées de détricoter à la fin des cultures ». De production 100% française, le Fil rouge inventé par Textilose Curtas technologies se décompose en 15 jours. « Nous allons inonder le monde », sourit le dirigeant.

 

Pascal Servais reçoit le trophée de l'innovation des mains d’Éliane Giraud, présidente du PNR. Au centre Laetitia Marrot, ingénieure textile.

Les résultats réinvestis

Pour mener à bien ce projet, l'entreprise a bénéficié d'un Crédit impôt recherche, qui couvre les frais de recherche et de développement. Le réseau des entrepreneurs de Chartreuse-Guiers (EGC), dont Pascal Servais est vice-président, est également très présent dans le soutien aux dirigeants. Cette année, l'entreprise dégagera un chiffre d'affaires de 3,5 millions d'euros. Il n'était que de 2,7 millions d'euros en 2014. La part à l'export, vers les pays d'Europe et d'Amérique du Nord, est de 55%. Surtout, Textilose Curtas technologies consacre environ 250 000 euros depuis trois ans à la R&D. « 100% de nos résultats sont réinvestis », reprend Pascal Servais qui emploie aujourd'hui 14 salariés. C'est la première fois qu'il reçoit un prix dans sa vie professionnelle, mais sûrement pas la dernière. En effet, la société mène un autre projet de recherche de ficelle intelligente. Le principe est d'insérer des puces RFID dans les ficelles en papier et de les glisser dans des câbles électriques. « Je n'aurais jamais cru, en 2006, que je travaillerais sur un projet innovant avec le CEA Leti. Cela m'aurait faire rire ! », lance Pascal Servais qui souligne l'implication du Parc naturel régional de Chartreuse dans l'accompagnement aux entreprises.

Isabelle Doucet

Quatre des huit associés de la Ferme de la Berthe, lauréats pour leur innovation collaborative.

 

La ferme de la Berthe cultive l'utopie

C'est le rêve très concret d'une dizaine de trentenaires. Dans l'avant-pays savoyard, dans le petit village de Saint-Franc, ils font revivre la Ferme de la Berthe en y déployant deux types d'activités : une exploitation agricole et un lieu d'animations culturelles et artisanales. Leur projet collectif a séduit le jury des Trophées de l'innovation en Chartreuse qui leur a décerné un premier prix au titre de sa dimension collaborative. « La ferme a été achetée par huit personnes en partenariat avec Terre de liens pour la partie agricole », évoque Diane Fisher, une des fondatrices de la Ferme de la Berthe. Le hameau avec ses différents habitats s'adaptait bien au projet du groupe d'amis. Autour, la surface des terres agricoles n'est que de 7,5 hectares. De quoi assurer quand même un élevage caprin, la culture de légumes et l'installation de ruches. « Il y a une dimension agricole, mais pas seulement », explique la jeune femme. Comme trois des autres résidents, elle s'est reconvertie dans l'agriculture après des études supérieures. Leur BPREA* effectué au lycée agricole de La Motte-Servolex en poche, ils se sont lancés dans l'aventure rurale. La plupart ont suivi un parcours en ingénierie environnementale, mais il y a aussi un ébéniste et une circassienne.
Lieu de vie
Ils ne peuvent prétendre à la ½ surface minimum d'installation (SMI) pour une installation agricole, la problématique de l'accession au foncier étant toujours prégnante. C'est la raison pour laquelle tous les cotisants solidaires ont une activité complémentaire à celle de la ferme, en formation, animation ou artisanat. Ils ont surtout conçu l'endroit comme étant un lieu de vie et d'animation. Les ateliers qu'ils y développement y sont nombreux : réalisation de portiques de cirque, de yourtes, de toilettes sèches ou tout autre mouton à cinq pattes. La ferme accueille des événements culturels ainsi que de nombreux participants, qui donnent un coup de main à la réhabilitation du lieu. Ce n'est pas du woofing**, mais ça y ressemble.
A Saint-Franc, ces associés d'un genre particulier ont été plutôt bien accueillis. « Les activités que nous avons réussi à créer nous donnent de la crédibilité et change le regard que l'on porte sur nous », confie Diane Fisher. La petite production agricole est écoulée à la ferme sous forme de paniers, sur internet ou sur les marchés. Lancés dans ce projet un peu fou depuis trois ans, les résidents ont déjà gagné sur plusieurs volets : ils ont apporté du dynamisme dans un territoire et, en s'organisant à plusieurs, se sont créés des conditions de vie « confortables », même pour le milieu agricole.
ID
*Brevet Professionnel Responsable d'Exploitation Agricole
** Travail volontaire dans des fermes bio

 

Cœur de Chartreuse et d'innovations

Sur 35 dossiers reçus pour la première édition des trophées de Chartreuse, le jury en a sélectionné vingt. Ils ont été présentés vendredi 18 septembre à Saint-Laurent-du-Pont. Entreprises, artisans, associations, exploitations agricoles : les profils et les trouvailles des candidats étaient des plus variés. Et les idées ont fusé depuis tout le périmètre du parc : des contreforts grenoblois jusqu'à Voiron, en passant par le Grésivaudan, l'avant-pays savoyard et le cœur de Chartreuse, qui a fourni à lui seul 22 dossiers.

 

Vasimimile égaye l'univers du vélo.


La manifestation était organisée par le Parc naturel régional de Chartreuse, soutenu par la Région et le Département. Au-delà de la dotation qu'ils ont reçu les lauréats bénéficieront d'un accompagnement de leur projet, soit dans leur démarche marketing et commerciale, soit dans leur parcours créatif avec le CEA Leti. Outre Textilose Curtas Technologies et la Ferme de Berthe, Vasimimile (Meylan) a été distinguée pour ses casques et sacoches de vélo stylisés et Déplacer les montagnes (Entre-deux-Guiers) pour la conception de stands écologiques. Parmi les nombreux projets, on peut encore noter le saucisson le Cartusien, à base de vaches hérens, crée par le Gaec des Reines de Chartreuse (Saint-Pierre-d'Entremont) ; l'achat collectif d'une machine de taille du bois par quatre entreprises concurrentes à Entre-Deux-Guiers ; les buffets fermiers proposés par l'association des Plateaux des fermes de Chartreuse (Saint-Pierre-de-Chartreuse) ; le nouveau concept de restauration à la ferme, Chez Job à Saint-Pierre-d'Entremront, ou le Groupement foncier agricole du Sappey-en-Chartreuse. Pour Eliane Giraud, la présidente du parc, c'est bien le rôle du PNR de « travailler sur les questions économiques et à la mutualisation des moyens ».