Prendre la clé des champs pour ouvrir la porte du monde agricole : depuis sa première édition en 1997, l'opération initiée par la chambre d'agriculture de l'Isère permet aux consommateurs de découvrir les coulisses des exploitations. Chaque année, près de 50 000 curieux se rendent ainsi dans la centaine de fermes iséroises et savoyardes qui participent à l'événement. Tonte de mouton, soin au cochon, traite à la main, démonstration de fabrication de fromage, découverte de semences, mondée de la noix ou récolte de spiruline : la plupart des agriculteurs proposent des activités qui sont prétexte à échanger avec les visiteurs.

Bêles des champs

Pour Sylvie Charpenay, participer à la « Clé des champs » ne tient pas seulement de l'opération de communication. C'est aussi une façon de tisser des liens plus forts avec sa clientèle. Basée à la Forteresse, la jeune femme élève et transforme le lait de ses « Bêles des champs » - des brebis lacaune. Elle écoule toute sa production sur les marchés : « Je rencontre beaucoup de gens qui voudraient voir où et comment je travaille », affirme-t-elle. Elle les a donc invités à visiter son exploitation les 30 avril et 1er mai prochains. Même s'il y a « plein de choses à mettre en place », elle aborde cette « première saison » avec sérénité. Elle compte aussi un peu sur la proximité du P'tit Barru, une ferme cotée qui commercialise sa production de chèvre chez tous les bons fromagers de la région, pour créer une petite émulation locale. Côté animations, Sylvie a opté pour une formule assez légère : « Je vais surtout faire visiter ma ferme et expliquer comment je fabrique. L'an prochain, si ça marche, j'étofferai : je sais bien qu'il faut proposer des choses innovantes pour faire venir la clientèle. » Des idées, Sylvie en a. La ferme étant dotée d'un four à pain, elle aimerait par exemple proposer un peu de restauration et cuisiner ses agneaux de lait. « Mais... plus tard. On ne peut pas tout faire la première année. »

L'agriculture, une grande famille

La jeune femme vient en effet de s'installer. La ferme, c'est un peu sa deuxième vie. Après plusieurs années passées dans l'industrie médicale, Sylvie a souhaité changer de cap et renouer avec ses premières amours : la terre et les animaux. « Je suis originaire de Sillans. Mes parents n'étaient pas agriculteurs, mais nous avions des bêtes à la maison. Des chevaux, des moutons... Je m'en suis toujours occupé. J'ai également un bon cercle d'amis agriculteurs. Le monde agricole m'a toujours plu, c'est comme une grande famille. » Le déclic se produit vers la trentaine. Saisissant l'occasion de faire un stage en Aveyron, Sylvie se décide à entamer une formation. Son employeur est d'accord, mais l'organisme financeur tente de la faire changer d'avis. « Vous savez, l'agriculture, c'est compliqué... », s'entend-elle dire. Le caractère bien trempé, la jeune femme passe outre, retourne à l'école et décroche son diplôme. Ayant acquis une ancienne ferme à La Forteresse, elle reconvertit la vieille écurie en bâtiment d'élevage et s'installe avec la DJA en juin 2014. Elle a aujourd'hui un troupeau de 60 brebis laitières, dont 39 en lactation, ce qui lui permet d'assurer sa fabrication fromagère. Elle ne travaille pas en bio, mais en « culture réfléchie ». On la sent sûre d'elle, bien que consciente de ses limites. « Il faut rester simple et commencer par apprendre son métier », répond-elle quand on l'interroge sur son avenir proche. Avant d'ajouter avec un brin de fierté : « Je jongle, mais je m'en sors. Je paie mes factures : c'est déjà pas mal. Et puis... être indépendante, ça me plaît. »

Marianne Boilève

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