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Collectivités

La fusion d'Eclose et Badinières en marche

Eclose et Badinières ne feront bientôt qu'une. Pas à pas, les deux petites communes voisines parviennent à surmonter l'ensemble des obstacles qui retardent leur évidente union.
La fusion d'Eclose et Badinières en marche

A l'écoute des récits des deux maires des communes d'Eclose et Badinières, on comprend pourquoi les fusions de communes sont si rares en France. Le parcours est tellement semé d'embûches que les plus déterminés auraient matière à renoncer. Mais non, à Eclose - 717 habitants - et Badinières - 630 habitants - , contre vents et marées, la fusion est en bonne voie et devrait être effective en 2016. « Nous sommes un cas d'école, assure André Ziercher, maire d'Eclose, car nous nous trouvons dans la situation la plus compliquée : pas le même Etablissement public de coopération intercommunale (EPCI), pas le même canton, pas le même arrondissement, pas la même circonscription électorale. Nous rencontrons tous les obstacles administratifs imaginables. » Pour autant, de part et d'autre de l'Agny, toute petite rivière qui a durablement séparé les deux communes, la création d'une commune nouvelle sonne comme une évidence. La rationalisation des moyens, la mutualisation des projets et la logique géographique donnait tout son sens à cette volonté commune. Ce fut d'ailleurs l'enjeu électoral du dernier scrutin municipal.

Deux clochers

Les tentatives de rapprochement entre les deux communes ont été régulières, depuis la moitié du XIX siècle, lorsque le hameau de Badinières a été séparé des Eparres. Mais Eclose n'en a pas voulu. Pire, la rivalité entre les deux bourgs a été exacerbées par la construction concomitante de deux églises. A chacun son clocher. En 1972, suite à la loi Marcellin, nouvelle tentative, mais en dépit de l'accord de l'ensemble du conseil municipal de Badinières et de la majorité de celui d'Eclose, le maire de cette dernière s'oppose. Il faudra attendre plus de 40 ans pour que le dossier de la fusion prenne enfin une direction favorable. « Mais les habitants n'avaient pas attendu les élus pour aller vers un rapprochement, puisque les 28 associations sont communes aux deux villages », notent les deux maires.

Bientôt un trait d'union entre les deux noms ?
Dans les années 80, les deux communes sont amenées à réaliser de plus en plus d'équipements en commun. Cela commence par la création d'une station d'épuration et du syndicat intercommunal afférant en 1985, puis la construction du complexe sportif en 1989. « Ce fut un élément fort avec une prise de conscience que chaque commune ne peut pas construire son propre équipement », note André Ziercher. A terme, le syndicat intercommunal a été conduit à gérer les infrastructures sportives, les écoles, la bibliothèque, la cantine, la garderie et les espaces de loisir des deux communes. Le regroupement pédagogique intercommunal est intervenu en 2001.

Mutualiser les marchés

Ces réalisations concrètes ne sauraient masquer le joug administratif. En 2008, Eclose, qui était commune isolée, décide de rejoindre Badinières dans la Communauté d'agglomération portes de l'Isère (Capi) plutôt que de s'affilier à Saint-Jean-de-Bournay, les élus étant conscients que le bassin de vie penchait davantage vers Bourgoin-Jallieu. C'est le premier acte de rapprochement administratif avec sa voisine. Par la suite, Eclose anticipera le redécoupage cantonal pour demander son rattachement à celui de Bourgoin-Jallieu.

Puis vient le temps de la suppression des charges croisées qui empoisonnaient la gestion des équipements communaux et les flux financiers entre les deux communes. Dans la foulée, les élus décident également de mutualiser leurs marchés publics. Résultat : une baisse de 15% des postes concernés dans le budget de fonctionnement. Mais lorsque la réforme territoriale prévoit en 2010, dans le cadre du schéma de coopération intercommunale, la suppression du syndicat intercommunal, Badinières n'est pas prête à fusionner. « Pas sous la pression, car elle doit être librement choisie », insiste Alain Berger, le maire de Badinières. Car les deux communes avaient encore à régler quelques points financiers, notamment celui de la convergence de la taxe d'habitation (5,53% pour Badinières et 12,22% pour Eclose). Il faut dire que Badinières dispose sur son territoire d'une usine, Porcher industrie, employant 300 personnes et dont la taxe professionnelle confortait les ressources communales via l'attribution de compensation. De son côté, Eclose bénéficiait de certaines dotations de l'Etat. Pour trouver un terrain d'entente sur ces questions financières, les élus ont décidé de comparer leurs budgets respectifs, pour s'apercevoir de l'équivalence de leurs recettes. Quant à la taxe d'habitation, elle devrait être lissée sur 12 ans pour atteindre un taux qui devrait s'établir autour de 7%.

180 000 euros d'économies

Le nouveau groupe scolaire a vu le jour sous le principe de la fusion des deux communes.

Si elle n'avait pu avoir lieu sous le mandat précédent, la décision de la fusion a été officiellement prise au moment où les deux communes ont convenu, en 2010, de construire, pour un montant de 3,7 millions d'euros, un groupe scolaire, qui a été livré en janvier 2014. Les communes vivent désormais au rythme de la fusion. Les deux conseils municipaux siègent ensemble et ont pris l'engagement qu'il n'y aurait pas de nouvelle élection après la création de la commune nouvelle. Chaque commission est composée d'un binôme d'élus des deux villages. André Ziercher note cependant l'économie d'échelle qui pourra être réalisée, à partir du prorchain scrutin en 2020, lorsqu'il n'y aura plus que 15 élus : 30 000 euros d'économie par an, 180 000 euros sur un mandat, soit l'équivalent d'un projet communal.
Aujourd'hui, Eclose a lancé la démarche pour changer d'arrondissement et rejoindre celui de La Tour-du-Pin. Un délai de 5 mois incompressible est requis. Cela facilitera sans doute les choses de part et d'autre de l'Agny de relever du même secteur de gendarmerie et de trésorerie. « Pour la circonscription électorale, ce n'est pas clair, » reconnaît André Ziercher. Le risque serait de devoir passer devant le Conseil d'Etat, à moins que le changement d'arrondissement ne permette de l'éviter. « Le chantier administratif est encore devant nous, mais en matière de fonctionnement, les choses se mettent en place naturellement », affirme l'élu. Le 7 juillet dernier, les deux conseils municipaux ont délibéré à l'unanimité sur la constitution d'une commune nouvelle. Eclose-Badinières, Badinières-Eclose : on ne sait pas encore quel en sera le nom, ni le nouveau maire, mais en 2016, les deux villages seront enfin réunis.

Isabelle Doucet
Communes

La France des cloclers 

La France compte 36 681 communes, ce qui en fait le pays d'Europe qui comprend le plus de collectivités à cet échelon administratif (11 253 communes en Allemagne et environ 8 000 en Italie et Espagne). Avec 533 communes, l'Isère fait partie des départements où l'on dénombre le plus de communes.
Depuis la loi Marcellin de 1971, qui incitait à la fusion des communes, le mouvement a été peu suivi : à peine 710 communes avaient fusionné depuis, dont une grande proportion entre 1971 et 1975. Deux nouveaux textes de loi sont venus encore favoriser les regroupements communaux : la loi Chevènement de 1999 pour le renforcement et la simplification de la coopération intercommunale et en 2010, la réforme des collectivités territoriales qui initie la création des communes nouvelles. Mais les démarches restent marginales.