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La Grande guerre vue de l'arrière

Le centenaire de la Grande guerre fera l'objet de nombreuses manifestations en Isère. Expositions, conférences, rencontres, spectacles, films, concerts débuteront à partir du mois d'avril, du Trièves aux Balmes dauphinoises en passant par Belledonne et le Royannais.
La Grande guerre vue de l'arrière

Bien sûr, beaucoup d'Isérois se presseront à Pressins pour découvrir la reconstitution d'une tranchée grandeur nature. Mais la commémoration de la Grande guerre intéressera chaque village de l'Isère ou presque, à commencer par le musée du Trièves à Mens, qui ouvrira le parcours événementiel, à partir du 5 avril. Plus d'une centaine de rendez-vous sont déjà programmés cette année dans le département. « Ce n'est jamais facile de commémorer une guerre et surtout, lorsqu'il s'agit du moment de l'entrée en guerre », souligne Pascal Payen, vice-président du conseil général en charge du patrimoine. « Faut-il vraiment commémorer une telle horreur », s'interroge-t-il. Plus de neuf millions de personnes ont péri dans le conflit, dont environ 20 000 Isérois sur les 150 000 à 190 000 engagés. Le conseil général de l'Isère a pris le parti de s'inscrire sur l'échelle des valeurs et des enseignements que véhicule ce temps de mémoire. Pascal Payen rappelle ainsi quelques idées fondamentales : les nationalismes sont dangereux ; la paix ne semble pas naturelle pour l'humanité et elle est sans arrêt menacée ; une guerre mal finie a donné naissance au nazisme, mais l'Europe a permis de vivre 60 ans sans un coup de feu, « un miracle ».

Un fonds peu exploré

Oliver Cogne, responsable du musée de la Résistance, note que l'histoire en Isère s'est surtout intéressée à la Seconde guerre mondiale et que la Première « a été laissée de côté pendant des décennies ». Au moment du centenaire, le musée Dauphinois et les archives départementales ont donc dû se plonger dans un fonds peu exploré et ayant rarement fait l'objet d'études de la part d'historiens. Pour autant, la matière est abondante, notamment grâce au travail d'Hippolyte Müller, premier conservateur du musée dauphinois en 1906, passionné de photographie.

Entre 15 000 et 20 000 isérois ont été mobilisés. Un sur dix ne reviendra pas du front.

L'Isère en 1914, et plus particulièrement Grenoble, est une terre de garnison. Un habitant sur quatre est militaire. Et son territoire va être fortement transformé par le conflit. Ainsi, le département accueille de nombreux prisonniers allemands qui offrent une main-d'œuvre bon marché pour la construction de barrages dans le Grésivaudan ou de voies ferrées dans le sud Isère. Véritable base arrière, l'Isère compte pendant la période plus d'une centaine d'hôpitaux militaires, dont beaucoup sont le fait d'initiatives privées d'industriels. La région recueille aussi d'innombrables réfugiés du nord et de l'est de la France, dont des milliers d'enfants. L'industrie connaît une profonde mutation ; on passe de l'activité mécanique à l'industrie de guerre, à l'image du site de Bouchayer-Viallet transformé en usine à canons. C'est à ce moment-là que l'industrie chimique s'implante à Pont-de-Claix, Roussillon puis Jarrie, pour la fabrication de gaz de combat... « Pendant ce temps, la vie culturelle demeure. Les musées restent ouverts tant que leur personnel n'est pas appelé. Ainsi, le musée dauphinois ne fermera pas car le conservateur n'est pas mobilisable », indique Olivier Cogne. Puis viendra l'heure de l'Armistice et du travail de mémoire. Deuil pour les uns, angoisse pour les autres, avant que ne rentrent les hommes, car il faut parfois un à deux ans avant qu'ils ne soient démobilisés, et que ne soient rapatriés les corps des champs de bataille.

Grande collecte

Aux archives départementales de l'Isère, Hélène Viallet, leur directrice a piloté un travail autour des conséquences de cette guerre sur la vie sociale, économique ou politique, fouillant dans un fonds de documents administratifs, journalistiques et épistolaires. Un guide des sources, qui n'attend que les chercheurs, a d'ailleurs été édité à cette occasion. Elle suggère, comment comprendre, à travers la mise en valeur de ces recherches, la façon dont les pouvoirs publics sont parvenus à faire face au cataclysme et cela, en dépit d'un vide parlementaire total. « A quel point les soldats étaient-ils consentants ? Comment la population a-t-elle pu tenir ? Nous ouvrons des pistes de recherche », explique Hélène Viallet. Les Archives départementales assurent également le travail de compilation de la Grande collecte qui s'est déroulée à l'automne 2013. « Nous constatons que la Première guerre mondiale est inscrite dans le souvenir des familles françaises. Nous avons eu affaire à des enfants et petits-enfants de combattants, qui nous ont apporté leurs souvenirs et leur histoire ». La conservatrice rappelle que des milliards de lettres ont été échangées, car cette génération de mobilisés était la première à avoir bénéficié de l'instruction publique pour tous. Ces lettres permettent donc de comprendre le ressenti des troupes et des familles, ainsi que la réalité de la vie quotidienne des deux côtés, mais elles ont aussi été le lien ininterrompu qui a sans doute permis à tous de tenir pendant plus de quatre ans de conflit. Ces documents seront mis en scène dans le cadre de plusieurs expositions, au musée dauphinois, à partir du 19 avril « A l'arrière comme au front, les Isérois dans la Grande guerre », ou au musée de la Résistance, à partir du 12 novembre « Poilus de l'Isère ».

« Il faut voir avec quelle passion se sont mobilisés les gens dans l'ensemble du territoire isérois autour de cette commémoration », insiste Jean Guibal, le conservateur en chef du patrimoine. C'est le cas de l'association pour la Sauvegarde et la mise en valeur du patrimoine de Saint-Martin-d'Uriage qui présentera « La vie dans une commune rurale et thermale de moyenne montagne de 1914 à 1918 », à partir du 3 octobre. Comment finir les foins, comment soigner la vigne, comment faire tourner le moulin, comment s'occuper des pâtures en alpages ? On y découvre comment, dès août 1914, ceux restés à l'arrière ont dû faire face à des problèmes concrets. Le village a également compté jusqu'à 12 000 lits pour accueillir les blessés, tandis que le casino et les établissements thermaux n'ont cessé d'accueillir des visiteurs, à la recherche de loisirs pour oublier la guerre.

L'Isère comptera plus d'une centaine d'hôpitaux militaires pendant la Première guerre mondiale.

Isabelle Doucet
Focus / A partir du 5 avril, le musée du Trièves à Mens retrace la vie des habitants du sud de l'Isère pendant la période de conflit.

Le Trièves pendant la guerre de 14-18

Pendant quatre ans, le statut des femmes a changé dans l'économie rurale, comme ici ces agricultrices à Gresse-en-Vercors. Avant que les hommes ne reprennent leur place.

Comment une société rurale, comme celle que composaient les villages du Trièves, a-t-elle vécu la Grande guerre ? Comment se sont organisées les femmes dans les campagnes ? C'est à ces questions que tente de répondre l'exposition sur la Première guerre mondiale présentée au musée du Trièves à Mens. Les premières à changer, ce sont sans doute les femmes. « Et cela se voit à travers les registres, commente Frédéric Dumolard, le directeur du musée du Trièves. Elles étaient femmes d'exploitant agricole, elles deviennent chef d'exploitation. Cependant, après-guerre, les hommes reprendront leur place. » La société française n'était sûrement pas prête à des avancées dans le domaine de l'émancipation de la femme. A travers les recherches menées par le groupe de travail des Amis du musée du Trièves dans les archives communales, départementales et dans les familles, le musée dévoile une économie rurale autarcique. « Les gens vivent en autosubsistance en dépit des réquisitions, notamment sur le cheptel, qui compliquent la vie. On a ainsi retrouvé des photos où ce sont les femmes elles-mêmes qui tirent une charrue. Ce qui est révélateur de ce qu'elles ont dû endurer. A la fin de la guerre, on voit d'ailleurs apparaître quelques évolutions technologiques comme l'arrivée du machinisme, nées d'une réflexion après-coup », poursuit le directeur. Autre signe d'austérité, les foires disparaissent le temps de la guerre, hormis celles qui se déroulent dans les chefs-lieu de canton : Mens, Clelles et Monestier-de-Clermont. Et puis l'exposition apporte son lot d'images insolites, comme ce Zepellin naufragé dans la vallée du Buech, cette jambe de bois appartenant à un amputé de la guerre et retrouvée dans une famille. Ce sont aussi des images, celle de l'école modèle protestante transformée en hôpital, ou des destinées particulières, à l'instar de celle de M.Arthaud à Mens, amputé des deux jambes et qui remonte avec sa famille, un atelier d'ébénisterie. « Le monde paysan a payé le prix fort, celui de la chair à canon, rappelle le directeur. Dans le Trièves, comme à l'échelle nationale, 10% des mobilisés ne sont pas revenus. »
Proclamation de?claration de guerre au balcon de la mairie de Mens.
ID

 

Quelques dates parmi les nombreuses expositions en Isère :

-       Le Trièves pendant la guerre de 14-18, musée du Trièves à Mens, du 5 avril au 30 mars,

-       Sur les traces de nos poilus, à Arts Books, rue du Breuil à La Mure, du 21 avril au 10 mai,

-       Regards de mémoire, dans le cadre des Historiales de Pressins, du 1er mai au 26 octobre,

-       Pont-en-Royans et ses habitants en 14-18, sur les quais de Bourne à Pont-en-Royans, le dimanche 6 juillet

-       Sur les traces de nos poilus, à la maison du patrimoine de Pellafol, du 12 juillet au 17 août,

-       La vie quotidienne des côtois à l'arrière du front, mairie de La Côte-Saint-André, du 13 au 28 septembre,

-       Ils nous ont écrit, exposition itinérante du 140e régiment d'infanterie alpine, de septembre 2014 à novembre 2018,

Chaque monument aux morts de l'Isère porte au moins le nom d'un homme du 140e RI.

 

-       Tu seras soldat, à la grange Chevrotière à Artas, d'octobre 2014 à juin 2015,

-       1914-2014 : un centenaire, au jardin de ville de Villard-de-Lans, à partir du 11 novembre,

-       1914, le début de la fin d'une société, au musée Chasal Lento à Mont-de-Lans, à partir du 11 novembre,

-       La vie quotidienne du poilu au front, à Rives, du 15 novembre au 6 décembre

Programme détaillé, toutes les dates à ce jour sur : http://www.poilus38.com/documents/GUERRE-1914-programme-WEB.pdf