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Justice

La justice en état d'urgence permanent

L'audience solennelle du tribunal de grande instance de Bourgoin-Jallieu, le 19 janvier, a été l'occasion pour les magistrats de dénoncer le manque chronique de moyens dans un contexte compliqué par la "problématique terroriste".
La justice en état d'urgence permanent

En ce mois de janvier 2016, partout en France, le rituel de l'audience solennelle a permis de pointer un paradoxe bien français : alors que la Nation est « en guerre contre le terrorisme », les moyens budgétaires et humains alloués à la Justice ne suivent pas. C'est ce qu'à dénoncé dans son allocution le procureur Cabut, lors de l'audience solennelle du tribunal de Bourgoin-Jallieu le 19 janvier dernier. « Peut-on prétendre lutter efficacement contre la menace terroriste ou criminelle lorsqu'on doit arbitrer entre des ramettes de papier ou du toner pour les imprimantes... quand il nous reste des imprimantes ! », s'est exclamé le magistrat.

Tout au long de l'année 2015, le parquet de Bourgoin-Jallieu, comme tous les parquets de France, a de fait dû conjuguer affaire de délinquance, « problématique » du terrorisme et « détection, suivi et prévention de la radicalisation ».
La Justice, parent pauvre de la République : le refrain est connu. Cédric Cabut n'a pourtant pas hésité à l'entonner, rappelant que « chaque année, l'enveloppe des frais de justice est épuisée généralement vers l'été », alors que « l'exigence de qualité des procédures est de plus en plus forte dans le procès pénal » et que les magistrats sont conduits à solliciter de avis techniques de plus en plus pointus. « Mais comment obtenir, si on ne peut les payer, des expertises fiables dans les disciplines médicales, biologiques, informatiques, psychiatriques, téléphoniques, automobiles, comptables ou commerciales », s'est interrogé le procureur.

Prévention de la radicalisation

Tout au long de l'année 2015, le parquet de Bourgoin-Jallieu, comme tous les parquets de France, a de fait dû conjuguer « problématique » du terrorisme, « détection, suivi et prévention de la radicalisation », sans pour autant baisser la garde sur les autres fronts. Les atteintes aux biens et à l'intégrité des personnes, notamment dans le cadre familial, n'ont en effet pas connu de « décrue », pas plus que la délinquance routière, dont « l'expérience montre malheureusement qu'un léger relâchement conduit à un regain de comportements aberrants ». Marie-France Bay-Renaud, la présidente du tribunal, a rejoint le procureur en soulignant « les effets de la crise et de la paupérisation » et en mettant l'accent sur la préoccupante activité du tribunal pour enfants : « Jamais on a suivi autant de mineurs : 607 en 2015 », a-t-elle indiqué, en précisant que « le juge des enfants est souvent en première ligne dans la lutte contre la radicalisation ». Las, 2016 ne s'annonce guère sous de meilleurs auspices.

Marianne Boilève