La légumerie renaît de ses cendres
10 ans après son incendie, la légumerie, qui fournit la restauration scolaire du département de l'Isère, retrouve des locaux neufs à Vourey.

Il y a dix ans, la légumerie installée à Moirans était ravagée par un incendie à peine mise en service.
Elle a été reconstruite à Vourey, à un jet de carotte de son site initial, après avoir occupé temporairement l’abattoir de Grenoble.
Cet outil, destiné à alimenter la restauration collective en légumes frais grâce à des approvisionnements locaux, représente un investissement de 2,650 millions d’euros financés à hauteur de 40 % par l’État, le Département, le GIP et la Région (1).
Elus et financeurs coupent le ruban du nouvel outil de transformation.
Trois activités
Créée à Saint-Martin-d’Hères en 2012, la légumerie AB Épluche a donc connu trois sites avant d’emménager dans ses nouveaux locaux de la zone d’activité de Chantarot à Vourey le 21 décembre 2024.
Vincent Rozé, le président de la Scic et fondateur d’AB Épluche, a remercié les collectivités locales et « le très grand soutien du Pays voironnais depuis le début ».
Le bâtiment en bardage bois de 630 m2 dispose d’un atelier de transformation de 150 m2 et de 350 m2 de chambre froide.
L’entreprise traite 300 tonnes de légumes bruts par an pour obtenir 250 tonnes de produits finis.
Elle emploie 12 personnes et réalise un chiffre d’affaires de 1,06 million d’euros, en progression.
Ses activités sont la légumerie, la conserverie et l’approvisionnement de la restauration collective. Elle travaille avec une quarantaine de producteurs locaux.
« Tous ceux qui veulent nous livrer des légumes sont les bienvenus, lance Christophe Seccato, le directeur du site. 95 % des producteurs sont en agriculture biologique. » L’atelier peut traiter une quinzaine de légumes de saison et proposer une dizaine de découpes différentes (bâtonnet, râpé, cubes etc.).
« Nous avons besoin de tout type de légumes transformables mécaniquement, soutient le directeur. Nous donnons de la valeur ajoutée à des produits qui sont valorisables par la machine, comme des légumes trop petits. »
Une cuisine Charvet
Les lignes de l’atelier sont équipées de peleuses, tables de tri, laveurs, bacs de refroidissement, coupeuses, ensachage sous vide pour les légumes qui s’oxydent ou bien scellés.
En attendant leur expédition les produits sont stockés en cagettes lavables et réutilisables. Les déchets verts sont récupérés par les agriculteurs alentour pour fertiliser les champs.
Un secteur de la légumerie est dédié à la conserverie lancée il y a 18 mois.
Le process se déroule en plusieurs étapes : trempage des légumes, cuisson en deux fois, pasteurisation et refroidissement. Parmi les équipements, un bac de cuisson de 300 litres a été commandé au fabricant de cuisines Charvet à Charavines « parce qu’il n’y a aucun intérêt à acheter à l’étranger quand il y a un savoir-faire sur place », insiste le directeur.
Le matérioel de cuisine Charvet : un asavoir-faire local.
La conserverie représente 10 % du chiffre d’affaires de la légumerie, qui compte développer les céréales et se lancer dans la préparation de soupes.
« Ce secteur nous offre l’opportunité de pérenniser des emplois et de travailler en été et pendant les vacances scolaires car les DLC (2) sont de quatre mois », explique le directeur.
L’objectif est de passer de 15 à 30 tonnes de conserves. Pour répondre à cette saisonnalité, l’entreprise, qui travaille essentiellement avec la restauration scolaire, a élargi sa clientèle au secteur médico-social (Ehpad, hôpitaux).
Structurer des filières
Présent lors de l’inauguration, le 16 mai dernier, Jean-Pierre Barbier, le président du Département, s’est longuement exprimé pour dire « la volonté de travailler avec la profession agricole » depuis 2015.
« Il ne s’agit pas de ne donner que des subventions, il faut aussi que l’agriculteur puisse vivre de son travail. » C’est la raison pour laquelle le Département — au-delà de la marque IsHere « qui garantit, qualité, provenance et rémunération » a rappelé le président — a voulu aller plus loin « en donnant accès aux agriculteurs aux marchés publics ».
Jean-Pierre Barbier insiste sur la présence de « 60 % de produits locaux ou bio » dans les assiettes des collégiens et l’objectif de 100 % à l’horizon 2028. Le tout pour un ticket repas à 2 euros.
Structurer des filières est cependant une démarche qui s’inscrit dans le temps, un travail engagé avec la Chambre d’agriculture de l’Isère.
Il s’agit notamment d’adapter les productions vers des légumes et des légumineuses, mais aussi en fruits et en produits laitiers. L
e Département a ouvert les approvisionnements de ses cuisines centrales aux mairies et aux écoles ainsi qu’aux établissements recevant des personnes âgées.
« L’agriculteur ne peut pas changer de production du jour au lendemain. Il faut lui donner du temps et de la visibilité », fait encore remarquer le président.
Encore faut-il que des outils de transformation existent. « C’est un projet territorial important, qui s’inscrit dans une démarche globale que sont les PAT et les PAIT dans lesquels l’Isère est très engagée », a souligné pour sa part le secrétaire général de la préfecture Laurent Simplicien.
Quant à Bruno Cattin, le président du Pays voironnais, il a salué « l’accès à une alimentation saine, de qualité au plus grand nombre à travers les cantines scolaires » comme faisant partie intégrante de la stratégie de la communauté de communes.
Isabelle Doucet
(1) État : 550 000 euros ; Département : 200 000 euros ; GIP (Fonds d’intervention agricole et agroalimentaire du Pays voironnais) : 200 000 euros ; Région : 80 000 euros.
(2) DLC : date limite de consommation
« Un principe de confiance »
Plus que des fournisseurs, les producteurs qui livrent à la légumerie sont considérés comme des partenaires.

Les relations de la légumerie AB Épluche avec ses fournisseurs, essentiellement des producteurs isérois mais aussi quelques Drômois, relève du partenariat.
La moitié des producteurs livrant à la légumerie est sous contrat. Les productions sont planifiées sur plusieurs années, établies selon un cahier des charges avec un prix fixé par le producteur.
« C’est encourageant un outil comme celui-ci », assure Jean-François Charpentier, agriculteur à Thodure et président des irrigants de l'Isère.
Il s’est lancé cette année dans la production de pommes de terre (1,5 ha) pour approvisionner la légumerie. L’an prochain, il fournira des pois chiches (1 ha) et des haricots secs blancs et rouges sous contrat (5 ha).
Alimenter le local
« Il faut juste avoir envie d’essayer. Il y a du potentiel dans le département et le premier rôle de l’agriculteur est d’alimenter le local », estime-t-il.
Il présente les avantages du système : « L’agriculteur propose un prix sans être déconnecté du marché et établi par rapport à ses coûts de revient » ; de plus la démarche est basée « sur un principe de confiance entre le producteur et le consommateur ».
De son côté, Jérôme Jury, arboriculteur à Saint-Prim et vice-président de la Chambre d’agriculture de l’Isère, estime que la légumerie « est un bel exemple. Il devrait y en avoir dans toutes les communautés de communes si l’on veut alimenter la restauration collective de tous les territoires en produits locaux, HVE ou bio. Cela peut favoriser des installations dans de bonnes conditions ».
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