La lutte contre le dérèglement climatique peut compter sur l'agriculture

Tout le monde en parle. La conférence des Nations unies sur les changements climatiques ou COP 21, qui se tiendra à Paris à la fin de l'année, est l'un des temps forts de la communauté internationale. L'enjeu est de taille. Pour Jean Jouzel, climatologue et membre du groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat, est catégorique : « La communauté internationale est au pied du mur, il faut absolument agir avant 2020 pour ne pas aller au-delà d'une hausse de 2°C supplémentaires qui serait très préjudiciable à l'humanité et aux milieux. » Or dans ce grand concert des nations, sur un sujet qui va impacter la vie de tous, l'agriculture va pour la première fois être incluse dans les règles de comptage des émissions de gaz à effet de serre (GES).
Un enjeu planétaire majeur
« La COP 21, ce n'est pas un enjeu politique, c'est un enjeu tout court », a estimé Xavier Beulin, président de la FNSEA, le 20 février dernier lors du Forum international du climat et de l'agricultur. Il a insisté sur l'enjeu sous-jacent à celui du climat qui est de nourrir la planète où « près de 800 millions de personnes restent aujourd'hui sous-alimentées ». A cette occasion, le chef de l'État, François Hollande avait expliqué : « Nous devons nourrir la planète, nous avons besoin de toutes les innovations possibles, aussi pour protéger l'environnement et s'adapter au changement climatique ». L'agriculture européenne s'est déjà fixée pour objectif de réduire les émissions agricoles de 40 % d'ici 2030. Les négociations de la COP 21 à Paris ne se feront pas sans l'agriculture qui veut adopter une position « offensive » selon les termes du ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll.
Dans les pays développés, l'agriculture aura un rôle à jouer dans la lutte contre le réchauffement climatique. Mais il devrait être plus important dans le Sud où la part PIB agricole est encore très importante dans le PIB national. L'agriculture a du potentiel pour à la fois réduire ses émissions de GES via la généralisation de pratiques « bas carbone », dans sa capacité à mobiliser le captage de CO2 dans les sols notamment, et par la production d'énergies renouvelables liées à la biomasse.
La COP 21 devrait mettre sur les rails un Fonds vert international pour le climat dont l'objectif est de transférer vers les pays en développement les financements nécessaires à la lutte contre le changement climatique. Il devrait atteindre 90 à 100 milliards d'euros par an. « Une grande partie du Fonds vert international doit être mis au service de méthodes de production agricole qui permettront aux agriculteurs du Sud de lutter contre le changement climatique », a indiqué François Hollande en février dernier.
« Innovation et progrès »
« On ne pourra pas résoudre le problème du climat sans les agriculteurs », prévient Evelyn Nguleka, présidente du Syndicat national des agriculteurs de la Zambie et présidente de l'Organisation mondiale des agriculteurs. Pour lutter contre le changement climatique, tous les modes de production ont leur place. Les agricultures du Nord auront aussi un rôle à jouer. Comme le président de la République, Xavier Beulin estime que « la vraie clé réside dans l'innovation et le progrès ». Et de suggérer que la Pac propose de nouveaux instruments comme l'assurance et « accompagne les investissements dans nos fermes. »
Des aides publiques à l'agriculture qui sont réorientées progressivement vers des modèles « bas carbone » selon un rapport de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) divulgué début juin. Lors d'une conférence à Paris le 2 juin, l'OCDE a indiqué que les aides agricoles étaient de moins en moins « préjudiciables à l'environnement ». « Il y a un effort de réduction des aides encourageants des modèles gourmands en engrais ou soutenant la production de bétail supplémentaire depuis les années 90 », explique Virginie Marchal, analyste des politiques à l'OCDE. « Elles représentent aujourd'hui 50% du total, soit près de 136 milliards d'euros et devraient continuer à reculer ». Les aides découplées, jugées neutre pour l'environnement, devraient voir leur part se renforcer dans l'avenir. Et l'OCDE de recommander de soutenir des modèles agricoles générant moins de GES notamment via la réduction des engrais, riches en énergie grise .
OGM de deuxième génération
C'est aussi pour des raisons de lutte contre le réchauffement que le président de la République François Hollande s'est clairement exprimé en faveur des OGM de seconde génération. « La génétique peut permettre d'augmenter les rendements, de faire davantage de production en réduisant l'empreinte carbone, de faire des plantes résistantes à la sécheresse » ou dont les valeurs nutritives sont enrichies. Il conclut : « Les consommateurs sont contre les OGM de première génération. Cependant, la recherche doit aller plus loin en prenant des précautions ».