« La méthode nous agace »

Les notaires sont en colère. En cause, le projet de loi porté par Bercy, qui vise à réformer la profession, de même que 36 autres professions règlementées. Le précédent ministre de l'Economie avait dans le collimateur les « systèmes de rente et de monopoles » et souhaitait, en les remettant en cause, « rendre du pouvoir d'achat aux français ». C'est le rapport de l'Inspection générale des finances (IGF), dévoilé avant l'été, qui a précipité les choses, en pointant des professions très rentables. En ce qui concerne les notaires, il est notamment question de libéraliser certains actes et d'infléchir les tarifs. « Nous ne sommes pas réfractaires à une réforme, a insisté Me David Ambrosiano, président de la chambre des notaires de l'Isère, en marge de la mobilisation générale de la profession, le 17 septembre. Mais la méthode nous agace ». En effet, les notaires redoutent que la loi ne soit élaborée avant la remise de l'avis de l'Autorité de la concurrence prévue courant septembre. Précipitation, absence de concertation, ils dénoncent « les graves risques que le Gouvernement fait peser pour l'équilibre de notre système juridique, sa sécurité et celle du service public ». Certes, les frais de notaires sont élevés, mais « ils comportent en réalité 85% de taxes », lesquelles ont augmenté de 19% en mars dernier. « La rémunération du notaire s'élève à moins de 1% du prix d'achat d'un logement », précisent-ils. Mais surtout, ils se posent en garants de la sécurité juridique des français, « notamment en droit de la propriété immobilière ». Les actes authentiques, qui ne peuvent être remis en cause, en sont les instruments les plus efficaces. « Chaque année, près de quatre millions d'actes sont reçus, dressés et conservés et 20 millions de français se présentent devant un notaire », rappelle Me Ambrosiano. Cette « pratique apaisée du droit », quasi exempte de contentieux, « participe à la maîtrise du budget de la justice », ajoute le notaire. Les officiers publics estiment également que toucher aux tarifs et ouvrir certains actes à la concurrence, c'est risquer de voir le coût des actes augmenter car aujourd'hui, rappellent-ils, « les actes importants financent les petits ».
Concertation
L'incompréhension semble grande entre le Gouvernement et ces professionnels qui ne comprennent pas pourquoi « on s'attaque à un modèle qui marche. C'est irresponsable de remettre en cause une institution républicaine en laquelle les français ont une confiance absolue », dénoncent-ils, enquête Harris à l'appui indiquant que 84% des français ont une image positive de leur notaire. Pour engager les discussions sur une réforme qu'ils souhaiteraient concertée, les notaires demandent à être reçus par les préfets. Ils ont déjà rencontré des parlementaires et des élus locaux auxquels ils ont expliqué être prêts à revoir à la hausse le nombre d'implantations d'offices notariaux pour passer de 9 600 en France à environ 12 000. Ils proposent en outre leur aide pour soulager les services de la Justice et ne sont pas hostiles à une révision des tarifs qui datent d'un décret de 1978.
Ce jeudi, le Conseil supérieur des notaires, présidé par Jean Tarrade, devrait être reçu par la ministre de la Justice, Christiane Taubira et une commission parlementaire sera mise en place pour accompagner les travaux de cette réforme.