« La montagne est un formidable atout »

Quel est l'esprit de cette loi ?
Il s'agit de tirer les enseignements de 30 ans de loi montagne. En octobre 2014, le 1er Ministre, à Chambéry, nous a confié un travail parlementaire pour examiner cette loi – jamais dans la remise en cause – mais pour la compléter et l'améliorer. Car cette loi a beaucoup apporté, mais beaucoup de choses ont changé.
Quels principaux changements était-il nécessaire de prendre en compte ?
La première demande, des concitoyens, des collectivités et des acteurs économiques de la montagne concerne l'accès au numérique. Il y a aussi une prise de conscience du réchauffement climatique qui devrait être évoqué dans la loi Montagne. C'est une nouvelle donne qui ne sera pas exclue de la réflexion.
On assiste aussi à une évolution institutionnelle depuis la loi de 1985, qui était une des premières à s'inscrire dans la décentralisation initiée en 1982. Il est logique que la nouvelle loi tire les enseignements du renforcement du rôle de la région et de ses nouvelles compétences en matière d'économie et de transport. De même qu'elle s'adapte aux nouveaux liens entre territoires et intercommunalités.
De quelle façon la future loi tiendra-t-elle compte de l'agriculture de montagne ?
L'agriculture est concernée par de nombreux sujets à commencer par celui de la conservation du foncier agricole. Les stations ont beaucoup utilisé les terres les plus planes. Or, il importe de garder des terres exploitables pour conserver l'agriculture, en mettant un terme à l'extension foncière.
Par ailleurs, si l'aide aux exploitations ne relève pas du domaine législatif, en revanche, la loi sera surement sensible au maintien des exploitations par des aides à la transformation du lait dans les territoires. Il faut se donner les moyens, dans la durée, de conserver des structures sur place qui produisent de la plus value.
Quelles seront les autres questions portées au débat législatif ?
La question des Gaec et des heures de travail supplémentaires devra être abordée. L'agriculture et la pluriactivité liée au tourisme n'est pas un modèle dépassé. Or cette pratique est encore dérogatoire. C'est un vrai problème, soulevé par tous les acteurs de l'agriculture. Il ne faut pas perdre de vue que c'est l'agriculture de montagne qui permet de continuer à avoir des activités touristiques dans des paysages entretenus. Il faut donner les moyens aux agriculteurs de travailler et de vivre en montagne.
Quelle vision de la montagne cette loi défend-elle ?
La loi de 85 a été présentée pour surmonter le handicap de la montagne. L'acte II considère la montagne comme un formidable atout. La montagne appartient à tout le monde, mais il existe des spécificités que vivent les habitants et qu'il convient de faire partager. La loi propose un nouveau pacte entre la montagne et la Nation. C'est une réservoir de biodiversité, de production de qualité, de loisirs de vie qu'il faut préserver, développer en intégrant les enjeux d'aujourd'hui et en tenant compte de la géographie, du climat, de l'altitude, de la saisonnalité, des temps de parcours etc. L'objectif est de tirer ces territoires vers l'excellence.
Que disent les 25 articles du projet de loi ?
L'article 2 portera probablement sur la reconnaissance des spécificités et la nécessité de mettre en place des politiques diversifiées et adaptées en fonction des massifs.
Le législateur souhaite aussi le renforcement des comités de massif dans leur gouvernance et dans la coopération entre les collectivités.
La nouvelle place de la région devrait être prise en compte.
Des propositions devraient être faites concernant la procédure des Unités touristiques nouvelles (UTN), de façon à inciter les stations à reconstruire sur l'existant plutôt que de créer de nouveaux lits. Dans les années 85, la logique était celle de la construction de logements neufs et de mètres carrés supplémentaires. On est arrivé au bout des principaux aménagements. C'est une nouvelle donne.
Enfin, concernant les prédateurs, il se dessine une proposition de gestion par massif. Il y a une sensibilité parlementaire autour de ce dossier.
Avez-vous retenu des exemples de démarches intéressants dans l'approche de la montagne ?
Certaines stations se sont engagées dans des restructurations de copropriétés et dans la création de logements pour les saisonniers. Reste à dupliquer ces expériences et en faire des objectifs par la loi. Par ailleurs, des collectivités se sont penchées sur les PLU, sur la place de l'agriculture en montagne et sur l'émergence des circuits courts. En revanche, je ne pense pas que l'on arrive à une application des Scot à tous les territoires de montagne. Le passage de PLU à PLUI, impliquant plusieurs stations portant chacune leur projet pose la question de l'harmonisation en tenant compte de l'existant.
Comment s'articule la question du travail saisonnier entre la loi travail et la loi Montagne ?
Certains points comme la définition du contrat de travail, la négociation des accords par branches pour les contrats renouvelables, font partie de la loi travail, de même que la question des groupements d'employeurs. La loi montagne apportera surement des points de compléments, notamment sur l'emploi saisonnier dans les régies. Et puis, il y a la question des Gaec, le traitement de la pluriactivité étant pour le moment confié à la négociation avec les préfets, qui n'ont pas tous la même lecture des textes.
Dans quel climat vont se dérouler les débats parlementaires ?
L'objectif du Gouvernement est que le texte soit voté avant la fin de l'année. Pour cela, il devrait y avoir une seule lecture par chambre et un accord de la commission mixte paritaire, afin qu'il soit rapidement opérationnel. Mais il est nécessaire d'obtenir le consensus. La loi montagne est transversale, elle abord beaucoup de sujets. Si la contribution de l'Anem* a été importante, il existe d'autres associations et d'autres partenaires, comme les chambres d'agriculture qui ont été contributeurs.
Propos recueillis par Isabelle Doucet
*Anem : Association nationale des élus de montagne
Le calendrier
Le projet de loi a été transmis pour examen fin juillet au Conseil d'Etat.Il a délivré son avis début septembre.
Le Conseil des ministres a aussitôt été saisi. Le texte est présenté en conseil mercredi 14 septembre 2016.
Il pourra être examiné à l'Assemblée nationale au mois d'octobre et par la commission mixte paritaire fin octobre-début septembre.