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Téléthon

La recherche, du temps pas perdu...

A quelques jours du Téléthon, l'Association française contre les myopathies (AFM) et l'Association des professeurs de biologie ont lancé, partout en France, l'opération "1 000 chercheurs dans les collèges". Objectif : faire venir un chercheur en classe pour expliquer aux élèves les enjeux de la recherche biomédicale, voire susciter des vocations... Reportage au collège Georges-Brassens de Pont-Evêque.
La recherche, du temps pas perdu...

En entrant dans la salle de sciences, Michel Ronjat, chercheur à l'Institut des neurosciences de Grenoble, savait ce qu'il l'attendait : un public d'adolescents qui, a priori, sait ce qu'est une cellule, un chromosome et un gène - c'est en tout cas au programme de troisième. Mais guère plus. Devant un tel auditoire, comment expliquer l'intérêt des recherches soutenues par l'AFM-Téléthon ? Avec quels mots, quelles expressions lui faire comprendre la spécificité des maladies rares, des thérapies géniques et cellulaires ? Le chercheur, dont les travaux sur les fonctions cellulaires de la dystrophine et des protéines associées ont été en partie financés par l'association, ne se démonte pas. Il y va tout de go, sans démagogie ni simplisme. Et introduit son propos par une question : qui, dans la classe, connaît l'AFM ? Une main se lève. C'est peu. Quand il évoque le Téléthon, les élèves ont l'air plus au courant. « Pour faire simple, l'AFM développe deux activités : le soutien aux malades et à leur famille pour faciliter la vie quotidienne et le financement de la recherche sur les maladies rares pour les soigner ou, à défaut, les soulager. C'est de ce deuxième aspect dont je vais vous parler aujourd'hui. »

3 millions de malades

Le chercheur embraye en expliquant patiemment la spécificité de ces 6 à 8 000 maladies évolutives, a priori « sans solution thérapeutique », qui affectent près de trois millions de personnes en France. « Aujourd'hui l'AFM s'intéresse à toutes les maladies rares, musculaires ou non. Toutes sont dues à une cellule ou à un gêne défectueux. Notre travail, c'est de trouver le moyen de remplacer cette cellule ou ce gène défectueux. » Il s'attarde sur la façon de « fabriquer » des médicaments : « On part d'une idée thérapeutique, née dans une équipe de recherche. On la teste sur des cellules humaines saines et sur des cellules de patients, puis sur des modèles animaux avant de se lancer dans des essais cliniques sur des patients. Ça, c'est un schéma un peu idéal, car il faut bien être conscient que dans toute la pharmacie dont nous disposons aujourd'hui, si on avait attendu de savoir comment et pourquoi l'aspirine fonctionnait, on aurait toujours mal à la tête... »

L'opération

Michel Ronjat attaque ensuite un gros morceau : la thérapie génique. Il s'efforce d'en décrire le principe avec des mots simples : il s'agit de « déposer un gène « médicament » dans le noyau de la cellule défectueuse » grâce à un gène vecteur qui conduit le « bon gène » à destination. Il explique ensuite en quoi consiste la thérapie cellulaire : « L'idée, c'est de prendre une cellule souche embryonnaire, de la multiplier, de différencier les nouvelles cellules en fonction de ce dont on a besoin - des cellules de peau, de muscle ou d'os - et de réintroduire les cellules saines dans le corps humain. Ça a l'air simple comme cela, mais ça ne se fait pas « finger in the nose ! » Sourires dans la salle. Les élèves ont l'air de comprendre les propos du chercheur, ardus mais accessibles.

La recherche, un enjeu citoyen

Rôdé à l'exercice, Michel Ronjat sait ce qu'il fait et pourquoi il le fait : « Je suis là parce que l'AFM m'a demandé de participer à l'opération, mais aussi parce que je pense que la recherche est une affaire de société, de citoyens. Il est important d'en parler à des adolescents, pour qu'ils se posent des questions et qu'ils comprennent à quoi ça sert. » Les intéressés apprécient. Certains avouent même leur étonnement face à la démarche de ce chercheur qui prend le temps de « venir les voir au collège plutôt que de rester dans son labo ». Avec leur professeur de « SVT » (sciences et vie de la terre), ils ont préparé une batterie de questions que l'exposé complexe du chercheur ne leur laisse pas le temps de poser toutes. Certaines concernent le quotidien du chercheur et ont une tournure qui peut faire sourire (quelle est la durée journalière de votre travail? Un projet de recherche, ça dure combien de temps ? Votre laboratoire est-il bien équipé ?). D'autres sont pragmatiques (votre travail est-il répétitif ou varié ? Pouvez-vous nous donner une fourchette de salaire de chercheur débutant et de chercheur confirmé ?), voire techniques (quels matériels utilisez-vous ?). A ceux qui demandent « quel est votre emploi du temps au cours d'une journée ? » ou « comment sont financées vos recherches ? », il répond : « Une grosse partie de mon quotidien est consacré à chercher de l'argent pour faire fonctionner le labo. Notre source de financement, c'est l'Etat. Mais depuis des années, cette source diminue, alors on s'adresse à l'Europe ou à des associations comme l'AFM. » Lucile intervient à son tour : « Est-ce que vous avez abouti des recherches ? » Réponse teintée d'humour : « Nous sommes des chercheurs, pas des « trouveurs ». Mais nous avançons petit à petit, et jamais tout seul. La plupart du temps, on trouve parce qu'on a utilisé les résultats des autres. » Et quand les élèves l'interrogent sur les motivations qui l'ont conduit à devenir chercheur, il a ce propos d'extra-terrestre : « La recherche est un métier comme un autre. Nous sommes des artisans : nous nous posons une question, nous cherchons en grattant dans notre atelier, dans l'idée de comprendre quelque chose. Ce n'est que ça. Mais il y a un vrai plaisir à essayer de comprendre les choses. » La plupart des adolescents présents dans la salle n'ont sûrement jamais aborder leur cours de SVT avec cet œil là...

Marianne Boilève

Vidéo : la recherche entre financements publics et privés

 

Le téléthon, nerf de la guerre contre les maladies rares

Le Téléthon, tout le monde connaît. Il y en a même que cela agace. Il n'empêche : cette machine de guerre télévisuelle inspirée d'un concept américain est d'une efficacité redoutable. Chaque premier week-end de décembre, en 30 heures de direct, près de 20 000 animations sont relayées par les chaînes du groupe France Télévision, en même temps que "monte" le fameux compteur qui permet de visualiser les sommes collectées auprès des donateurs. En 2013, l'opération a permis de récolter près de 90 millions d'euros. Plus de 80% des fonds collectés sont dédiés au soutien aux familles (aide financière pour les consultations spécialisées neuromusculaires, accompagnement, création de "Villages Répit Familles" solutions technlogiques innovantes...) et au financement de projets de recherche, ainsi qu'au développement de thérapies innovantes (300 programmes de recherche sont financés en moyenne chaque année, 34 essais thérapeutiques sont en cours ou en préparation). En juin 2013, Généthon, premier laboratoire à but non lucratif créé en 1990 par l'AFM-Téléthon, a obtenu le statut d'établissement pharmaceutique. Financé à plus de 80% par les dons du Téléthon, la mission de ce laboratoire est de mettre au point des traitements innovants contre les maladies rares touchant les muscles, le système immunitaire, le sang, le foie, la vision et le système nerveux central. La même année, Généthon a ouvert Généthon Bioprod, un centre dédié à la production de médicaments de thérapie génique (plus de vingt lots de vecteurs-médicaments par an).
MB