La reproduction, cheval de bataille des jeunes éleveurs charolais

C'est une première dont David Rivière, secrétaire national de l'Association des jeunes éleveurs de charolais (Ajec), n'est pas peu fier. Pour la première fois, le congrès de l'association, qui rassemble des passionnés de la race venus des quatre coins de France, va se dérouler chez lui, en Isère. Réunis les 17 et 18 mai à La Côte-Saint-André, les jeunes éleveurs de charolais vont naturellement dresser le bilan de l'année écoulée (palmarès des prix, agrément au jugement...) et débattre des questions stratégiques de rentabilité, notamment grâce à la présentation d'une étude technico-économique sur l'amélioration de la rentabilité par la maîtrise de la reproduction. Et surtout revenir sur le dernier investissement de l'Ajec : le taureau Inné.
Cuma génétique
Chaque année en effet, l'association acquiert un veau mâle lors d'une vente aux enchères nationale et propose des paillettes aux adhérents qui en font la demande. Une sorte de Cuma génétique grâce à laquelle les jeunes éleveurs peuvent acheter des « parts » du taureau pour 450 euros et recevoir en retour entre 50 et 100 doses de semence. 2014 est une année record, puisque 84 éleveurs se sont associés pour acheter Inné. Une bête prometteuse. Issu de l'élevage Micaud, dans l'Allier, Inné est un taureau de belle lignée, qui a obtenu le premier prix d'honneur du concours de veaux de Boussac et le deuxième prix d'honneur du concours des veaux de Montluçon. « Il est même resté au dernier tri du super prix d'honneur de Moulins où il a fait grande impression », s'enflamme David Rivière.
Le jeune homme est intarissable sur la généalogie des taureaux de l'Ajec comme sur celle de ses propres bêtes. Pour lui, la sélection est l'une des clés de la réussite. Mais il sait relativiser : « A l'Ajec, il y a des « pro-herdbook », des « pro-concours », des « pro-IA » (1), d'autres qui sont simplement passionnés de leurs bêtes et de la race charolaise. Tout le monde se côtoie, se retrouve et prend plaisir à échanger sur la technique, la génétique, les résultats obtenus, les choix de sélection, d'orientation... A la base, l'Ajec a été créée pour cela. » Fondée en 1973, l'association s'était donné à l'origine pour objet de former les futurs éleveurs et responsables de la race. Mais les choses ont évolué. « Notre ambition, c'est d'aider les gens à progresser », explique sobrement le secrétaire national. L'association ne se contente donc pas de participer à des concours ou d'organiser des formations au jugement et au commentaire d'animaux. Elle entretient une grosse dynamique pour inviter les jeunes à s'intéresser à la vie des organismes liés à l'élevage, et notamment au Herd Book charolais, et les sensibiliser aux questions concernant l'avenir de la race. Elle propose ainsi des stages d'insémination animale pour permettre aux jeunes éleveurs d'approfondir leurs connaissances et pratiquer les inséminations eux-mêmes.
Professionnalisme et technicité
Pour l'Ajec, l'avenir de la profession est une question de passion, mais aussi de technicité et de professionnalisme. « Si, aujourd'hui, on n'est pas à la pointe de la technique, on ne peut pas s'en sortir », estime David Rivière. Qu'entend-il par la pointe de la technique ? « Engager un minimum de frais pour un maximum de plus-value. » En élevage comme ailleurs, les exploitations doivent être conduites comme de vraies entreprises. Pas toujours facile. Chacun a sa manière de faire. Certains seront plus « calés » sur l'alimentation, la valorisation des fourrages grossiers et le potentiel de croissance, d'autres sur la génétique, la reproduction, la sélection... Fin connaisseur des lignées charolaises, David Rivière axe le développement de sa ferme sur la reproduction. Son credo à lui, c'est « un veau par an et par vache ». Mais à force de la sélectionner, la race charolaise ne risque-t-on pas la consanguinité ? Le jeune éleveur sourit : « En charolais, il y a encore une immense variabilité génétique. En IA, il n'y a actuellement pas plus de 1 500 taureaux disponibles alors que les besoins sont de 30 000 taureaux par an. Il y a de la marge avant de tomber dans le même sang ! »
L'avenir de la profession est-il pour autant assuré ? Le secrétaire national de l'Ajec se montre confiant : « En élevage allaitant, l'évolution devrait être favorable, car il y a de moins en moins d'exploitations et de plus en plus de bouches à nourrir. Mais il faudra produire intelligemment, être bon techniquement, ne pas hésiter à travailler en réseau et à se faire aider ou conseiller par d'autres, qu'ils soient éleveurs, techniciens de chambre ou de coopérative. Pour être bon aujourd'hui, il faut se comparer aux autres. Sinon, tout seul, on est toujours champion du monde... »
(1) Insémination artificielle.
Marianne Boilève
Portrait
Les Rivière, une belle lignée d'éleveurs
