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Foncier

La Safer au rapport

Dans son rapport annuel, la Cour des comptes s'en prend vivement à un outil précieux de la politique d'aménagement agricole et rural : les Safer. Non mise en cause par les magistrats, la Safer Rhône-Alpes fait figure de bonne élève.
La Safer au rapport

La charge est violente. Publié en février, le rapport annuel de la Cour des comptes se montre très critique sur les politiques publiques agricoles. Non contents de pointer « l'insuffisance des contrôles du ministère de l'agriculture » en matière de sécurité sanitaire, les magistrats malmènent les Safer, évoquant « les dérives d'un outil de politique d'aménagement agricole et rural »... Dans le milieu feutré des Safer, on dénonce les dégâts collatéraux d'une telle présentation auprès de lecteurs supposés ne retenir « que les titres dont la démesure jette un discrédit sur l'ensemble de l'action des Safer, donnant ainsi à ceux qui veulent nous voir disparaître le discours du scandale » (1). Le propos n'est pas moins offensif que la charge. Mais qu'en est-il en Rhône-Alpes?

Action volontariste

Premier constat : des quatre opérateurs fonciers contrôlés par les magistrats de la cour des comptes, aucun ne se trouve en Rhône-Alpes. La région apparaît au contraire comme une « bonne élève », au regard des griefs énoncés ailleurs par les magistrats de la Cour des comptes, notamment en terme de cohérence territoriale et de partenariats avec les collectivités. Regroupées au sein d'une même entité régionale, les huit Safer rhônalpines remplissent allègrement leur trois missions d'intérêt général (maintien, voire développement, de l'agriculture et de la forêt, développement local en milieu rural et protection de l'environnement), comme l'indique le rapport d'activité 2012 de la Safer Rhône-Alpes. De fait, lorsque la Cour des comptes s'interroge sur la « faible activité [ des Safer] dans les métiers de base », à commencer par l'installation des jeunes agriculteurs, l'opérateur rhônalpin n'a aucun mal à opposer son « action volontariste en faveur de porteurs de projet agricole ou de développement rural », menée en lien étroit avec la région. Qu'en pensent les intéressés ? « Il y a peut-être des choses à améliorer, notamment pour les transactions comprenant du bâti, mais la Safer est le meilleur outil que nous ayons pour installer de jeunes agriculteurs », juge Aurélien Clavel, vice-président des JA de l'Isère.

Le foncier représentant partout un enjeu ultra-sensible, l'exercice est tout de même périlleux. « Entre plusieurs propositions, les arbitrages peuvent être rudes, reconnaît Nicolas Agresti, directeur de la Safer Isère. Il faut parfois choisir entre un agriculteur qui a besoin de s'agrandir pour pérenniser son exploitation et un jeune qui a un projet d'installation. Dans ce cas, nous prenons en compte la viabilité du projet et la situation des agriculteurs en place. » La Safer n'est-elle pas tentée d'arbitrer en faveur du plus offrant pour améliorer ses propres finances, comme cela se murmure parfois dans les campagnes ? Nicolas Agresti est catégorique : ce n'est pas dans sa politique.

Tensions foncières

L'outil Safer est-il encore opérant face à un marché rural en pleine mutation, notamment des zones de tensions foncières ? La Cour des comptes, si critique par ailleurs, en est convaincue. Elle considère les Safer comme « un acteur important sur un marché rural qui se rétracte ». Et d'ajouter : « Contrairement à un reproche couramment formulé, elles utilisent peu leur droit de préemption ». En effet, la simple menace de préempter aboutit souvent à une acquisition amiable ou à un opération dite de « substitution ». Les équipes de la Safer constatent souvent que là où le réseau agricole est structuré et dynamique, les choses se passent généralement bien. En revanche, en milieu périrurbain ou en zone de déprise agricole, les dossiers sont plus compliqués, tant pour les agriculteurs que pour la Safer : « Nous gérons un peu le repli de l'agriculture dans certains secteurs », analyse Nicolas Agresti.

Marianne Boilève

Développement complet dans Terre Dauphinoise du 6 mars 2014

 

(1) Réponse commune du président de la Fédération nationale des Safer (FNsafer) et de la présidente du directoire de la société Terres d'Europe-Scafr (bureau d'étude national), publiée en annexe du rapport de la Cour des comptes.

 

Substitution, kézako?

Dans son rapport, la Cour des comptes constate que les opérations de « substitution » occupent une part très majoritaire dans les modes d'intervention des Safer. Les magistrats semblent par là même leur en faire grief, car elles priveraient ainsi les collectivités territoriales de droits d'enregistrement. Pour bien comprendre les enjeux du « procès », il convient de rappeler que, dans le cas d'une opération de substitution, la Safer, au lieu d'acheter un bien et de le revendre, se fait l'intermédiaire entre le vendeur et l'acquéreur. En passant par la Safer (qui perçoit un forfait pour sa prestation), l'acquéreur se voit exonéré de droits d'enregistrement. Cette opération de substitution permet à l'acquéreur d'acheter directement au vendeur et donc de ne payer qu'un seul acte notarial, contre deux dans une procédure d'acquisition et de rétrocession amiable engagée par la Safer. « Juridiquement, les effets sont les mêmes : la responsabilité de la Safer est engagée et le cahier des charges précise le maintien de l'usage pour lequel l'acquéreur est attributaire », précise-t-on à la Safer de l'Isère. L'opération représente donc un (petit) avantage fiscal pour l'acquéreur, au détriment des collectivités territoriales qui ne perçoivent pas les droits d'enregistrement « exigibles sur les mutations à titre onéreux d'immeubles ou de droits immobiliers ». La Cour des compte recommande de réserver « l'avantage fiscal aux seules opérations relevant de la mission d'intérêt général ».
MB