La situation se détend avec Danone

Début octobre, ils étaient à deux doigts de claquer la porte. En début de semaine, on parlait encore de « bras de fer » entre Danone et les producteurs de l'OP Sud Est. Mais la réunion du 13 octobre est passée par là. Les responsables de cette fédération d'éleveurs évoquent des « discussions tendues, mais constructives ». Que s'est-il passé pour que les fils du dialogue soient ainsi renoués ? « L'entreprise a pris conscience de la situation critique des éleveurs, avance le président de l'OP Sud Est, Gilbert Courbis. Lors de la rencontre de mardi dernier, nous avons partagé les mêmes constats. Il y aura des mesures, et notamment un atterrissage pour 2015. Mais il ne faut pas se leurrer : on n'aura pas un prix de base à 370 euros. »
Surplus mondiaux
En cause : une conjoncture morose. Et même si les prix des produits laitiers (déjà très bas) se sont un peu repris en septembre, après s'être effondrés de 12 à 23% au cours du troisième trimestre, les marchés demeurent atones. Les surplus mondiaux, imputables tant aux producteurs européens qui ont augmenté leurs volumes qu'à la faible demande des consommateurs, vont mettre un peu de temps à se résorber. Et donc jouer sur les prix. Mais des marges de manœuvre existent. Lors de la « séance de travail » avec l'industriel mardi dernier, les éleveurs ont fait valoir que la proposition de n'intégrer que le prix des aliments dans les contrats de prix - et non les coûts de production dans leur ensemble - était loin de répondre à leurs attentes. « Ce nouveau modèle de calcul n'aurait que peu d'incidence sur les prix payés pour le dernier trimestre 2015 », estime Didier Villard, producteur laitier à Torchefelon et président de l'Union laitière des Terres froides. « Le prix ne convient à personne, renchérit Gilbert Courbis. L'entreprise en est bien consciente. Tout le monde va devoir y mettre du sien. »
Du côté de Danone, on laisse entendre que de nouvelles propositions seront faites d'ici la fin du mois. « Nous sommes en train de travailler sur une nouvelle formule de calcul du prix du lait intégrant l'indice Ipampa (1) », indique le président de l'OP Sud Est, qui précise que les deux parties « sont en passe de trouver un accord», mais qu'il faudra que « cet accord convienne aux producteurs ». Les éleveurs sont en effet revenus à la table des négociations, armés de chiffres et de simulations établis par le groupe de travail « prix » mis en place par l'OP. Ils ont ainsi pu démontrer à l'industriel la nécessité de prendre en compte l'augmentation des charges pour la fixation du prix, « au moins pour limiter les effets excessifs de la volatilité ». Un argument apparemment entendu puisqu'il serait question d'une réévaluation du prix prenant effet dans les deux ou trois derniers mois de l'année. Mais rien n'est encore décidé quant aux montants exacts.
Priorité aux jeunes
Quant aux volumes, les inquiétudes des éleveurs rhônalpins, suscitées par les récentes déclarations de Danone au niveau national (2), sont pour le moment levées : Rhône-Alpes étant en situation de sous-réalisation du volume à l'échelle régionale, les producteurs n'ont pas à craindre d'impact sur leurs exploitations. Au contraire. En accord avec l'entreprise, l'OP a mis en place une commission volume qui lui permet d'en assumer la gestion. « La priorité est donnée aux jeunes, mais nous avons aussi donné du volume à des gens installés qui ont investi et qui ont envie de se projeter dans l'avenir », précise Gilbert Courbis. Et le président de rassurer ses troupes : « Nous avons pu attribuer du lait à tout le monde. »
Marianne Boilève
(1) Indice des prix d'achat des moyens de production agricole, prenant en compte de coût de l'alimentation animale, mais aussi l'énergie, les semences, les produits de protection des cultures, les produits vétérinaires, le matériel etc.
(2) Fin septembre, l'industriel a proposé aux producteurs laitiers qui approvisionnent ses cinq usines françaises de prendre en compte leurs coûts de production, mais de baisser le volume d'achat de certains éleveurs.