La transhumance, ça vous gagne

« Ça trotte vite dis donc ! » 380 ovins se déversent sur le parking du foyer à ski du Sappey-en-Chartreuse avant d'entamer la montée vers l'alpage de Chamechaude.
200 personnes se lancent à leur suite à l'occasion de la fête de la transhumance.
Six éleveurs ovins, Bruno Charles et Christophe Jay du Sappey-en-Chartreuse, Richard Armanet de Saint-Chef, Henri Burlet d'Entremont-le-Vieux, William Tournier de Mont-Saint-Martin et Hugues Charpentier de Biviers, se sont réunis au sein du groupement pastoral de Chamechaude-Emeindras afin de profiter d'un alpage malgré la taille de leur troupeau.
« C'est un petit regroupement. Dans d'autres alpages, on atteint les 1 000 à 1 500 moutons », explique Bruno Charles, président du groupement.
Denis Milhet est un voisin de l'éleveur. Déjà venu l'an passé en famille, il a proposé cette année la transhumance à plusieurs couples d'amis et leurs enfants.
« C'est bien pour les enfants car ils voient la vitesse à laquelle va un mouton et le travail des chiens qui encadrent le troupeau », explique-t-il.
Pour Arlette et Olivier, voisins de Richard Armanet, c'est leur deuxième transhumance de l'année.
« J'aime beaucoup car c'est une sorte de randonnée avec un but concret. On ne part pas non plus entre soi. On échange avec des gens qu'on n'aurait peut-être pas rencontré autrement », raconte Arlette.
Rapide et bête
La montée durant deux heures écorche quelques idées reçues.
Loin de l'image du mouton paisible au milieu du champ, l'ovin en a impressionné plus d'un par sa vitesse de grimpe.
Certains pensaient monter devant mais se sont rapidement fait distancer.
« C'est l'effet troupeau, les brebis accélèrent. Il faut surveiller pour éviter de faire l'accordéon : on freine les brebis de tête et les chiens mettent la pression sur les dernières les faisant accélérer », explique Laurène Gillet, la bergère en charge de garder le regroupement jusqu'à septembre prochain.
Les centaines de moutons ont déjà commencé à brouter les pistes de ski du Sappey-en-Chartreuse depuis quelques jours avant d'entamer la montée.
L'ovin a aussi une image de simple d'esprit. « On nous demande de faire barrage sur les côtés pour qu'ils suivent le tracé et ne s'arrêtent pas pour brouter », explique Denis Milhet.
Pas de patou non plus en vue. Ce sont Taïga, le beauceron de la bergère, et Gaïa, le chien de même race d'un éleveur, qui surveillent le troupeau.
Ils s'attirent davantage les faveurs des enfants que les moutons.
Les a priori remontent jusqu'à la bergère. « Le métier est souvent vu comme une carte postale. Or, le berger est seul pendant plusieurs mois et travaille qu'il neige, qu'il pleuve ou qu'il vente. C'est aussi un métier où il y de plus en plus de femmes. »
Ancienne sellière maroquinière à Paris, la trentenaire est « passée de l'animal mort à l'animal vivant » depuis deux ans.
Parler du métier
Pour Richard Armanet, responsable de la communication du groupement, la fête de la transhumance joue un rôle important dans la découverte du métier.
« C'est le folklore. On a besoin de se faire connaître pour parler de nos difficultés. Nous avons de petits troupeaux donc ce n'est pas viable en soi. Nous sommes cinq éleveurs sur six â être des doubles-actifs. »
C'est aussi un moyen de rappeler le lien entre pâturage et paysages. « Si les éleveurs ne peuvent pas monter en alpage en raison du loup par exemple, cela deviendrait une forêt et ce ne sera plus la Chartreuse telle qu'on la connaît. »
Bruno Charles, considère que c'est aussi l'occasion d'arrondir les angles : « Les villages sont en pleine mutation donc cela permet de prévenir les conflits d'usage en expliquant ce qu'on fait. »
Mais l'animation ne doit pas faire oublier la transhumance. « C'est un moment très technique, déjà stressant et les personnes autour rajoutent du stress aux animaux. En plus, c'est un regroupement de troupeaux donc ils ne se connaissent pas et ne sont pas forcément grégaires », explique la bergère.
Après les avoir fait grimper, les amateurs ont pu aussi les déguster, accompagnés d'un concert de plein air. Les éleveurs proposaient des saucisses d'agneau à la vente à l'arrivée.