La trentenaire veut écrire son avenir

« Dans cette pièce, c'est toute ma vie », réagissait une spectatrice à la pièce intitulée « Femmes de fermes » présentée à Theys samedi dernier à l'occasion des 30 ans de l'Association pour le développement de l'agriculture en Belledonne (Adabel). « C'était si juste, s'enthousiasmait Françoise Reiller, ex-associée du Gaec du Thicaud, ex-cheville ouvrière de l'Adabel. On a retrouvé notre génération d'agricultrice, celle de nos mères et celle de nos grand-mères. » Il faut dire que la compagnie Paradoxe(s) s'est appuyée sur une étude sociologique de Marianne Dalem recueillant les témoignages d'une cinquantaine d'agricultrices du Haut-Doubs pour construire son texte. Si bien que « Femme de fermes » sonne juste. Ni pathétique, ni hilarant, on oscille entre la tendresse et le sourire, chacun mesurant le chemin parcouru et les écueils d'une vie rurale sans cesse questionnée.
Le renouveau
Très logiquement le débat qui s'ensuivit interrogeait sur ce que signifiait « Etre agriculteur ou agricultrice au quotidien ». « C'est une belle occasion d'échange entre agriculteurs et non agriculteurs », soulignait Audrey Abba, la présidente de l'Adabel, devant 230 personnes. Franck Rebuffet-Giraud, maire de Saint-Jean-le-Vieux, une commune de presque 300 habitants des balcons de Belledonne, soulignait les multiples entrées de la pièce de théâtre, mais se demandait : « Est-ce que cela donne envie d'être agriculteur aujourd'hui ? Se lever à 6 heures, traire les bêtes, s'occuper des enfants... Tout n'est pas très valorisé. Il y a un parti pris dans le texte. Or, ce qui est beau dans l'Adabel aujourd'hui, c'est le renouveau. Nous sommes à une période charnière, les gens ont envie d'autre chose et une autre agriculture se met en place ».
Pour Audrey Abba, c'est « une pièce qui remet dans la réalité, si des gens avaient encore des rêves... Mais aujourd'hui, les gens prennent conscience du manger mieux, il faut dès lors qu'il y ait une prise de conscience de ce qu'il y a derrière : les vies, des familles, des gens passionnés qui rencontrent beaucoup de difficultés ». Pour autant, Belledonne mesure les avantages qu'il y a à disposer d'un bassin de consommation tel que l'agglomération grenobloise et la vallée du Grésivaudan, à fort pouvoir d'achat et demandeur de produit de proximité. « Nous sommes responsables, en tant que consommateurs. Nous devons regarder la qualité et non pas chercher les prix bas », témoignait une personne dans la salle. « La seule stratégie est de faire de la qualité et de la vente directe, mais cela prend du temps, reprenait Françoise Reiller qui proposait d'associer davantage les consommateurs à la vie de l'Adabel. Autre bémol : « Le problème de Belledonne est l'accès aux terres. Un jeune ne peut pas s'installer sans sécurité et cela, n'a pas évolué depuis 30 ans ».
Fermes de montagne
Car le territoire a aussi conscience de ses faiblesses, à commencer par les élus confrontés à la question du foncier et qui privilégient désormais les constructions « dans les pentes et les dents creuses », comme le dit Franck Rebuffet-Giraud. Mais c'est aussi la volonté de vouloir « produire pour tout le monde avec un vrai souci d'accessibilité et de compétitivité ». Les fermes de montagne, c'est toujours une agriculture très particulière, avec de toutes petites surfaces : 22 ha en moyenne en Belledonne contre 55 à 80 en France, faisait remarquer Bruno Caraguel, animateur de la soirée, directeur de la Fédération des alpages de l'Isère et élu à Theys. C'est aussi l'éloignement. « Il faut parler de la solitude des agriculteurs, rappelait un des rares hommes de la salle à prendre la parole. Il y a beaucoup d'hommes seuls et cela n'encourage pas les jeunes, ni les femmes ». La question des jeunes était tout aussi présente que celle du rôle des femmes. « Les jeunes et enfants d'agriculteurs ont peur du regard que l'on porte sur eux. Les préjugés existent encore, pourtant, nous sommes dans un monde plus ouvert », notait une étudiante dans l'assistance.
Réunis au sein de l'Adabel, élus, agriculteurs et partenaires socioprofessionnels savent que pour avancer sur les dossiers de projets de territoire « il faut être tous ensemble », insistait Bernard Michon, président de l'Espace Belledonne. « Demain s'écrit aujourd'hui. Nous sommes tous acteurs. Agro-écologie, culture biologique, circuits courts, parc de Belledonne : il faut faire en sorte que le travail de demain soit écrit avec nos mots », invitait Régine Millet, maire de Theys.
Isabelle Doucet
Ruralité
L'Adabel a 30 ans
« Le contexte d'il y a 30 ans est différent d'aujourd'hui. Il y avait une forte déprise agricole et les agriculteurs étaient les parents pauvres des discussions avec les collectivités, explique Audrey Abba, présidente de l'Adabel. Les agriculteurs se sont regroupés avec les élus pour être plus forts, entendus et ne pas être oubliés. C'est la naissance de l'Adabel, qui a permis de faire partie des discussions dans les collectivités. » Les missions de l'association se sont poursuivies avec l'installation de nouveaux, leur mettant à disposition les ressources et la force du réseau. « 10 ans après la création de l'Adabel a été mis en place le réseau des fermes de Belledonne, avec la vente directe, les marchés, la signalétique commune. Ce n'était pas la même demande de produits locaux à l'époque. Le contexte a évolué », reprend la présidente. Elle se penche sur l'avenir de l'Adabel qui passera notamment par la structuration du réseau des fermes pour mieux répondre à la demande. « Aujourd'hui nous ne sommes plus les oubliés. Les communautés de communes sont très demandeuses d'interlocuteurs agriculteurs (pour la réalisation des PLUI, les questions d'urbanisme etc.) avec une grande conscience de leur rôle nourricier ou pour l'entretien des paysages. En cela l'Adabel est représentative des agriculteurs de Belledonne et notamment dans l'écriture du futur parc régional. »
En chiffres
L'Adabel réunit 22 communes.
Sur le territoire de Belledonne, il y avait en 2010 : 215 exploitations agricoles sur 4 978 ha de Surface agricole utile (SAU). Ce secteur économique génère 267 équivalents temps plein.
85 % des exploitations sont orientées en élevage, bovin viande principalement, mais aussi bovin lait, ovin et caprin.
(source : Adabel)