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Stratégie

Lait : faut-il passer en bio ?

Pour améliorer leur revenu, de nombreux éleveurs songent à produire du lait bio. Les débouchés existent, les cours sont intéressants, mais la conversion n'est pas forcément adaptée à toutes les situations. Explications.
Lait : faut-il passer en bio ?

Depuis que le prix du lait conventionnel a entamé sa descente aux enfers, les producteurs sont dans le flou. Certains parlent d'arrêter, d'autres cherchent à faire évoluer leur système, d'autres encore se demandent s'il n'est pas temps de passer au bio. Vu les prix et les débouchés annoncés, tant chez Sodiaal qu'avec Biolait, la question mérite d'être posée. D'où le succès de la matinée d'informations sur la filière lait bio organisée par la chambre d'agriculture à Succieu début mars. Une soixantaine d'éleveurs et d'élus ont assisté à la présentation d'une filière en pleine évolution. « Le bio n'est peut-être pas la solution pour tout le monde, mais ce peut être un bout de solution pour certains, avance Didier Villard, producteur laitier à Torchefelon et référent du programme Bio et Eau Bourbre. Une tournée bio s'organise dans le département, c'est encore atomisé, mais ça bouge. »

Dynamiques de groupe

En Isère, on recense actuellement une trentaine d'éleveurs bio, dont une quinzaine en filière longue, qui produisent un peu plus de cinq millions de litres de lait bio. Quand elle n'est pas transformée à la ferme, la production est valorisée par cinq opérateurs : Vercors Lait, Etoile du Vercors, la laiterie du mont Aiguille, Sodiaal et Biolait, ces deux derniers affichant d'ambitieux projets de développement. Biolait vient en effet de renforcer sa présence en nord Isère par la mise en place d'une collecte dans le sud Isère (conjointe avec les Hautes-Alpes), tandis que Sodiaal annonce qu'il lui faut trouver 103 millions de litres de lait bio en plus des 50 actuellement collectés d'ici 2020. La coopérative cherche des producteurs pour développer des « dynamiques de groupe » (trois à quatre millions de litres par groupe dans un secteur géographique cohérent) pour répondre une demande en pleine expansion, tant en France qu'à l'international (1).
Dans un tel contexte, on comprend que les éleveurs soient tentés de se convertir au bio. Pour certains, notamment ceux qui sont en un système fourrager tout herbe, le pas est relativement facile à faire, surtout en montagne. « Pour quelqu'un qui maîtrise bien son affaire, ça ne change pas grand chose, assure Jean-Paul Bourget, technicien chez Sodiaal. Quand on maîtrise l'ensilage herbe, on continue. Quand on fait de l'enrubannage, on continue. Il ne faut pas tout chambouler. Pour faire simple, il faut faire moins de maïs et développer un travail sur l'herbe. » Les éleveurs intéressés par la conversion ont donc intérêt à établir au préalable un bilan fourrage de leur exploitation, afin de déterminer les nouvelles quantité nécessaires en herbe, en céréales, en protéagineux et en maïs ensilage.

Autonomie alimentaire

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Le passage en bio implique un certain nombre de changements dans les exploitations. Plus d'infos sur terredauphinoise.fr

En effet, en bio, la règle, c'est 100% d'aliments bio pour les animaux, avec un minimum de 60% de fourrages grossiers (séchés, ensilés ou frais), et donc 40% de concentrés (maximum). Plus de la moitié de l'alimentation (60%) devant provenir de l'exploitation ou d'exploitations bio situées dans la région, il est important de raisonner la conduite de son exploitation en termes d'autonomie alimentaire, afin de réduire la dépendance par rapport aux approvisionnements extérieurs. Les techniciens ne recommandent pas pour autant de viser l'autonomie fourragère en premier lieu, car l'achat de fourrage est moins coûteux en agriculture biologique que celui de céréales plus paille. Il faut aussi avoir présent à l'esprit que le pâturage est obligatoire. D'où l'intérêt de privilégier une association de prairies permanentes et de prairies temporaires en rotation avec les céréales et les protéagineux autoconsommés.
Quant à la durée de conversion, elle est de deux ans pour la production végétale, mais peut être faite en décalé pour la production laitière. L'entrée en conversion du troupeau dépendant de l'alimentation, de nombreux éleveurs optent pour une conversion non simultanée (le lait peut passer en bio au bout de six mois d'alimentation bio). C'est donc aussi en fonction des stocks disponibles qu'il faut décider de sa date de conversion.

Marianne Boilève

(1) En France, le marché du lait UHT bio qui a augmenté de 6% en 2014. A l'international, Sodiaal a signé un important contrat avec un opérateur chinois pour fournir du lait infantile bio.

 

Les changements techniques et les aides lors du passage en bio

 

 

 

Conversion, mode d'emploi

Pour se convertir au bio, il est nécessaire de respecter certaines procédures, mais pas à n'importe quel prix!
Avant d'entamer toute démarche, il est recommandé de prendre contact avec l'Adabio ou la référente bio de la chambre d'agriculture pour demander un diagnostic de conversion. Subventionnée (1), cette étude de faisabilité technique et économique analyse la situation de la ferme, ses atouts et ses contraintes, de façon à vérifier que le projet est viable. Si l'option conversion est retenue, l'agriculteur doit contacter un organisme certificateur (OC) agréé, qui réalisera les contrôles et délivrera les certificats de conformité AB. Olwen Thibaud, de la chambre d'agriculture, conseille de demander des devis à plusieurs OC (2) afin de comparer le coût de leurs prestations (de 400 et 1 000 euros selonle surfaces, les productions, le nombre de produits à contrôler etc.). On peut aussi se renseigner auprès d'éleveurs bio.
Une fois l'organisme choisi, il faut se faire enregistrer auprès de l'Agence Bio (passage obligé pour obtenir la certification et les aides bio). Cette démarche accomplie, l'agriculteur doit envoyer sa demande d'aide à la prise en charge des frais de certification auprès de la DDT de l'Isère, en joignant le devis non signé au formulaire de demande d'aide. Il renvoie ensuite son contrat d'engagement signé à son organisme certificateur. A réception du dossier, l'organisme valide la notification à l'Agence Bio : cette étape valide l'entrée en conversion (à la date de l'engagement signé). Pour toutes ces démarches, il existe des soutiens finanicers, des aides Pac, des aides régionales et des crédits d'impôt. Les précisions sur terredauphinoise.fr.
MB
(1) Subventions comprises, le diagnostic de conversion coûte 450 euros à l'agriculteur.
(2) Organismes présents en Rhône-Alpes : Ecocert, Certipaq Bio, Alpes contrôles et Bureau Veritas.